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Sahara : L’arrangement entre Bouteflika et Hassan II avant le 23 juillet 1999

Avant sa mort le 23 juillet 1999, le roi Hassan II avait affirmé à l’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Edward Gabriel, qu'il était «parvenu à un accord» avec le président Abdelaziz Bouteflika sur le dossier du Sahara. Une solution qui intervient après l’optimisme du souverain dès l’arrivée de l’actuel président algérien au pouvoir, après s’être rendu au Maroc, dans le passé, en tant que chef de la diplomatie algérienne.

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Le roi Hassan II et Abdelaziz Bouteflika alors chef de la diplomatie algérienne. / Ph. DR
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Trois jours seulement avant sa mort, le 23 juillet 1999, le roi Hassan II avait mentionné lors d’une rencontre avec l’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Edward Gabriel, un arrangement trouvé entre le Maroc et l’Algérie sur le Sahara.

«Le 19 juillet avec ses conseillers et le 20 juillet lors d'une réunion avec l'ambassadeur Gabriel, le roi Hassan II a manifesté son désir d'accepter la résolution américaine et de rechercher une "solution politique" à la crise du Sahara», rapporte dans un document déclassifié par les Etats-Unis en 2017, l’ambassadeur du Maroc Aziz Mekouar.

Le document précise que Hassan II avait confié être «parvenu à un accord» avec le président Abdelaziz Bouteflika. «[Le roi] a estimé qu'une solution allant dans le sens de la proposition américaine était désormais possible», rapporte l’ambassadeur dans un document adressé au département d’Etat américain en 2009 à la veille du déplacement au Maroc de Hilary Clinton, alors secrétait d’Etat. Mais le roi Hassan décèdera trois jours plus tard, sans pouvoir concrétiser la solution dont il a parlé.

L’optimisme de Hassan II quant à l’élection de Bouteflika

Dans le document, qui fait notamment état de l’initiative américaine pour convaincre le Maroc à abandonner la solution du référendum au Sahara dans le cadre du différend territorial, l’ambassadeur marocain raconte comment le roi Hassan II était initialement très sceptique quant à cette approche. «Il n’avait pas confiance dans le fait que l’Algérie serait prête à négocier de bonne foi sur un tel compromis - il n’était pas non plus clair qu’il avait beaucoup confiance dans la volonté ou la capacité des États-Unis à devenir un partenaire à part entière pour amener l'Algérie à ce point de vue», poursuit l’ambassadeur.

Mais celui-ci met en avant le fait que Hassan II «semblait vouloir attendre les élections algériennes» prévues en avril 1999.

Mais bien avant son élection, Hassan II «espérait dialoguer directement» avec cet algérien né à Oujda, et ayant occupé la fonction de chef de la diplomatie algérienne pendant plus de 15 ans. Candidat principal, le roi du Maroc «croyait» que Bouteflika «allait devenir président», révèle-t-on dans le document déclassifié.

Le 27 avril 1999, le candidat Bouteflika succède à Liamine Zéroual, après avoir gagné avec 73,8 % des voix après un scrutin au cours duquel tous ses adversaires politiques s’étaient retirés afin de protester contre les conditions d’organisation et du déroulement du vote.

D’ailleurs, selon James McDougall, dans «Nation, Society and Culture in North Africa» (Editions Routledge, 2004), «Hassan II adressera une longue lettre de félicitations au nouveau président algérien dans laquelle le roi rappelle les relations historiques entre les deux pays et leur renforcement durant les guerres de libération nationale». «Dans une deuxième lettre, le président algérien a, lui aussi, rappelé la lutte commune contre la France comme fondement d’une possible union des deux pays», poursuit l’historien.

Bouteflika voulait que Boumédiène soutienne le Maroc sur la question du Sahara

L’accord évoqué par Hassan II laisse à croire que les deux chefs d’Etats auraient tenu une série d’entretiens, téléphonique ou par correspondance, pour évoquer le dossier du Sahara avant de parvenir à la «solution» dont avait parlé Aziz Mekouar, sans avoir eu l’occasion de se rencontrer.

En effet, Bouteflika n’a jamais rencontré le roi Hassan II en tant que président de l’Algérie. Mais il s’était déjà rendu au Maroc à plusieurs reprises, durant sa mission de chef de la diplomatie algérienne. Ces visites ont été peu documentées, seule une rencontre officielle (en juillet 1975) est citée par les historiens.

Avant cette date, l’Algérien né à Oujda aurait «conseillé» au président algérien de l’époque, Houari Boumédiène de trancher quant à la question du Sahara occidental. «La première option, préconisée par le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bouteflika, consistait à soutenir Rabat dans la prise du contrôle du Sahara en échange duquel le Maroc ratifierait le traité d'Ifrane», rapportent Djallil Lounnas et Nizar Messari dans un article intitulé «Relations Algérie-Maroc et leur impact sur le système régional Maghrébin».

Le roi Hassan II et le président algérien Houari Boumédiène. / Ph. DRLe roi Hassan II et le président algérien Houari Boumédiène. / Ph. DR

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Boumédiène dépêchera Abdelaziz Bouteflika au Maroc pour signé un accord avec le roi Hassan II. Le texte, connu sous le nom d’«Accord d’Ifrane» pour entériner un accord de bon voisinage signé entre les deux pays en 1969.

Finalement, en novembre 1975, le roi Hassan II organise la Marche verte. Le succès de cette initiative complètement inattendu surprendra l’Algérie, poursuivent Djallil Lounnas et Nizar Messari, vu que l’Espagne avait «secrètement promis à Boumediene qu’un référendum d’autodétermination serait organisé avant tout retrait au Sahara». Boumédiène apporte alors un soutien public de l’Algérie au Front Polisario, tant que les armées algérienne et marocaine entrent en conflit direct à deux reprises, en janvier et février 1976, dans le cadre des deux batailles d'Amgala.

Mais ce que le document déclassifié n’indique pas, c’est que l’optimisme de Hassan II et de Bouteflika était tellement grand que les deux chefs d’Etat devaient se rencontrer en septembre 1999. Mais coup du destin, en juillet 1999, Abdelaziz Bouteflika se rendra au Maroc pour prendre part aux obsèques de Hassan II. La «solution» à la question du Sahara que les deux chefs d’Etat auraient conclu restera donc lettre morte. 

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