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Grand Angle

Sahara : Selon un document déclassifié, les Etats-Unis avaient convaincu le Maroc d’abandonner le référendum

Dans un document détaillé qui a été déclassifié par les États-Unis, l’ambassadeur du Maroc Aziz Mekouar rappelait l’implication américaine dans le dossier du Sahara occidental. Ce sont les Etats-Unis qui auraient souhaité abandonner l’option du référendum, suggérant par la suite au Maroc de proposer une autonomie élargie au territoire, en réponse à la proposition de James Baker.

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Le roi Mohammed VI reçu à Washington par le président américain Bill Clinton, le 20 juin 2000. / Ph. DR
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En début de cette semaine, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Edward M. Gabriel a révélé l’un des documents déclassifiés aux Etats-Unis qui évoque la question du Sahara occidental. Déclassifié en mai 2017, le document n’a pourtant jamais fait parler de lui jusqu’à cette semaine.

Intitulé «Sahara Policy History», il a été rédigé par l’ancien ambassadeur du Maroc aux États-Unis (2002-2011), Aziz Mekouar. Dans son document de sept pages, soumis au Département d’État en 2009, à la veille de la visite au Maroc de Hilary Clinton, alors secrétaire d’Etat, le diplomate évoque l’implication des États-Unis dans le différend territorial et les accords jusque-là classifiés conclus entre Rabat et Washington.

Le document rappelle que Washington a proposé, en 1999, une initiative visant notamment à «changer de vision pour une meilleure solution» au conflit territorial opposant le Maroc au Front Polisario. Cette approche américaine s’adressait à Rabat, alors convaincue de la nécessité de mettre en place un référendum. «L'abandon de l'option de référendum est une initiative politique américaine et non marocaine. Il a fallu un débat politique interne très difficile pour que le Maroc accepte la demande américaine et propose une autonomie pour le Sahara», écrit Aziz Mekouar dans son document déclassifié.

Les Etats-Unis voulaient abandonner l’option du référendum

En fait, les États-Unis ont mené une série d'actions pour convaincre le Maroc d'abandonner le référendum, difficilement réalisable, et d'élaborer un plan d'autonomie pour le territoire. Selon l’ambassadeur du royaume, Washington a fait valoir dans son examen de politique que ce n'était plus «intéressant» de procéder à cette solution pour plusieurs raisons. L'une d’elles, mentionnées dans le document, suggère que le vote créerait un «gagnant/perdant» qui pourrait «provoquer une tension accrue et une reprise probable de la violence dans la région», en l’occurrence entre le Maroc et le front séparatiste.

En outre, les États-Unis ont déclaré dans leur rapport sur le Sahara occidental que Washington «n’appuierait jamais une initiative visant à contraindre le Maroc à adhérer à un résultat qu’il n’accepterait pas», faisant allusion à la souveraineté du royaume sur le Sahara.

Pour entériner sa position quant au référendum, les États-Unis ont commencé par persuader le roi Hassan II de «renoncer au référendum et d'accepter une solution politique basée sur cette formule», a rappelé Aziz Mekouar. Et bien que la tâche n'ait pas été facile, le souverain a accepté l'approche américaine le 20 juillet 1999 et a promis d'en discuter avec l'Algérie.

Mais trois jours plus tard, Hassan II décède sans avoir pu aborder la proposition américaine avec l'Algérie, rappelle le diplomate marocain. Lorsque le roi Mohammed VI monte sur le trône, une proposition américaine détaillée lui a été soumise en septembre 1999. Cette dernière incluait «un accord-cadre de souveraineté/autonomie».

Après une série de «négociations intenses» avec les responsables marocains, les Nations unies ont soumis, par l'intermédiaire de l'envoyé personnel au Sahara occidental James Baker, une proposition connue sous le nom d’«Accord-cadre». Le Maroc a rapidement accepté le plan de Baker, mais le Front Polisario et l’Algérie l’ont refusé.

L’urgence d’un plan d’autonomie soulignée par George W. Bush

Le même document révèle que le Maroc a été pris par surprise en 2003, après que Baker eut présenté une autre proposition qu'il avait baptisée «Plan de paix». Ce dernier était «totalement différent de la proposition que le Maroc avait accepté d'adopter sous l'impulsion américaine, d'abandonner le référendum et de progresser vers une solution politique qui protégerait sa souveraineté sur Sahara tout en accordant à la région une large autonomie».

La proposition de Baker était source de confusion pour le Maroc, qui pensait que le diplomate s’exprimait au nom des États-Unis, rapporte Aziz Mekouar dans son document. D’ailleurs, le roi Mohammed VI et le président des États-Unis, George W. Bush en avaient discuté lors d'une rencontre tenue en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, en 2003. Au cours de cette réunion, Bush avait «clairement indiqué que Baker ne représentait pas les États-Unis» et avait «assuré au roi (...) que les États-Unis ne soutiendraient jamais quoi que ce soit qui ne serait pas accepté par le Maroc». 

Le document indique que Bush avait confié au souverain marocain que le Maroc «devrait présenter sa propre proposition d'autonomie afin de faire avancer les choses, s’il n'accepte pas la proposition Baker», qualifiant cette mesure d’«impérative».

Le roi Mohammed VI et le président américain George W Bush. / Ph. DRLe roi Mohammed VI et le président américain George W Bush. / Ph. DR

Et ce ne sera pas la dernière fois que les États-Unis insistent auprès du Maroc sur «l’urgence» d’un plan d’autonomie pour le règlement du conflit du Sahara occidental. En septembre 2006, les ils avaient «réitéré par l'intermédiaire de leurs responsables que le Maroc pourrait élaborer un plan crédible pour une large autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine et accepter de négocier avec le Polisario». Les États-Unis auraient promis, selon le même document, que Washington «déclarerait alors publiquement que l'autonomie sous souveraineté marocaine était la seule solution viable pour le Sahara».

C’est ainsi qu’au printemps 2007, le Maroc annonçait officiellement avoir soumis son plan d'autonomie, qualifié par Washington de «sérieux et crédible», poisition suivie par nombre de pays étrangers.

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