En 2018, la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador a comptabilisé 340 attaques contre les migrants, «effectuées par des brigades spécialisées des forces auxiliaires, police et agents d’autorité». 79% de ces violences ont été enregistrés dans les campements, tandis de 21% ont visé des maisons.
Selon son rapport présenté ce mercredi à Rabat, l’ONG a comptabilisé une quinzaine de campements dans la région, dont Gourougou, Bouyafar, Lakhmis Akdim, Bekoya et Joutiya, qui hébergent entre 2 000 et 3 000 ressortissants étrangers.
L’ONG indique que les campements en forêt et les maisons sont souvent visés après le passage d’avions de contrôle, donnant lieu à des violences corporelles, des destructions et des incendies d’abris, ou encore des «tentatives de viol» au nombre de deux en 2018. Par ailleurs, l’AMDH à Nador explique que les arrestations et les refoulements sont principalement effectués lors de ces bavures, ou encore d’autres survenues dans les moyens de transport, principalement les bus et les cars, des agences de transfert d’argent, ou encore des hôpitaux.
Elle souligne qu’en violation des dispositions de la loi 02.03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, notamment son article 26, ces opérations n’épargnent pas les femmes et les enfants, ou même des migrants munis de cartes de séjour et des visas en cours de validité.
Le recours à des «lieux d’enfermement illégaux»
Ces actions ont connu «une nette augmentation depuis août 2018» à travers une «campagne de répression engagée dans tout le nord marocain», selon l’AMDH qui fait état de près de 9 100 arrestations à Nador et de plus de 15 000 à Tanger. Une atmosphère sécuritaire que déplore l’association, indiquant que pendant ce temps, des familles sont «séparées de leurs enfants» et 260 demandes de régularisation au niveau de la région sont restées sans réponse.
L’AMDH considère également que «les arrestations de faciès ont fait de Nador une ville interdite pour les migrants subsahariens», rendant leur présence «tolérée» près des camps. L’association fait aussi état de lieux «ouverts de manière permanente depuis 2015» en lien avec ces arrestations. Elle indique par exemple que le centre de rétention d’Arekmane a servi «en 2015 puis depuis septembre 2018» à «enfermer les migrants arrêtés ou victimes de refoulements dans l’attente de leur expulsion».
L’association, qui alerte sur l’utilisation de cet espace depuis des mois, souligne que près de 700 migrants ont été expulsés vers leur pays après avoir été admis là-bas. L’ONG décrit des ressortissants «privés de leur liberté, en dehors de tout cadre juridique, dans des locaux ne relevant ni de l’administration pénitentiaire ni les locaux de garde à vue». L’AMDH décrit une durée d’arrestation «de quelques jours à quelques semaines», indiquant avoir déposé plusieurs plaintes pour «séquestration illégale des migrants dans ces centres», toutes classées par le procureur général.
Les enfants ne sont pas épargnés
En 2018, l’AMDH à Nador a comptabilisé «20 campagnes d’arrestation à Nador et à Beni Ensar, au cours desquelles près de 650 mineurs ont été arrêtés et refoulés vers l’intérieur du Maroc». L’ONG souligne que ces enfants «vivent dans la rue sans aucune intervention des autorités marocaines pour respecter les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par le Maroc».
Dans ce sens, elle dénonce des «tentatives des autorités espagnoles de financer la construction d’un centre de rétention pour recevoir les mineurs refoulés», rappelant que le conseil communal a rejeté ce projet en février dernier.
L’association considère que cette question est «de plus en plus [utilisée] par les autorités de Melilla qui parlent d’une augmentation importante des arrivées, alors que cette dernière est due principalement à la construction des barbelés autour du port de Melilla qui a diminué les départs» par voie maritime.
L’association perçoit ce traitement comme une manière d’«augmenter le nombre des arrestations et des refoulements pour porter à croire que le Maroc et l’Espagne sont soumis à une grande pression migratoire, sachant qu’un même migrant peut être arrêté et refoulé plusieurs fois la même année». Elle cite en exemple l’annonce du ministère marocain de l’Intérieur sur la mise en échec de «88 761 tentatives» de migration et de «70 571» arrestations de migrants en 2018, soit une hausse de 37% par rapport à 2017, «alors qu’il s’agit souvent de mêmes personnes arrêtées plusieurs fois».
«Le 14 février, les autorités espagnoles ont déclaré avoir arrêté 31 000 mineurs qui ont tenté de s’infiltrer au port [de Melilla] pour justifier la construction des barbelés autour», soutient encore l’AMDH. Dans ce sens, elle évoque «un acharnement gratuit» à «garder une certaine masse critique des migrants soumise pendant toute l’année à ce "jeu" d’arrestation et de refoulement pour montrer aux bailleurs de fonds [européens, ndlr] le rôle de gendarme joué par le Maroc, mais aussi comme carte à jouer si les financements européens tardent».