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Histoire : La perception de l’unité arabe par les partis marocains après l’indépendance

Au lendemain de l’indépendance, les partis politiques marocains cherchèrent à établir un lien entre l’union du Maghreb arabe et l’unité arabe. Ils estimaient que cette cohésion entre pays du Maghreb n’était que le début d’une plus grande unité qui s’étendrait de l’océan au Golfe persique.

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Gamal Abdel Nasser, figure du panarabisme et du nationalisme arabe / Ph. DR.
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Depuis le début du XXe siècle et malgré les différences de convictions politiques, de croyances et de références, les peuples arabes aspiraient à concrétiser l’unité arabe et l’intégration de leurs Etats dans un cadre politique et économique commun à leurs nations, supprimant de ce fait les frontières et créant une entité arabe puissante. De nombreux nationalistes soutenaient que cette convergence des forces était la solution pour surmonter le sous-développement de leusr pays.

Cette idée émergea concrètement en juin 1916, lorsque Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, se leva contre le califat ottoman et proclama la «grande révolte arabe». Mais après la chute de l’empire ottoman, le commandement colonial britannique maîtrisa le mouvement puis s’attela à diviser le Moyen-Orient arabe en petits Etats, en vertu des termes de l’Accord Sykes-Picot.

Une nouvelle vie du nationalisme arabe

Dans ce contexte géopolique, l’idée de l’unité arabe perdit de sa vigueur face à la propagation d’un discours à travers lequel chaque entité étatique voulait atteindre son indépendance vis-à-vis du colonisateur, séparément d’une certaine idée de convergence des luttes entre pays.

Cependant, la situation ne dura pas longtemps et l’idée fut remise en avant, dans les années 1940 au Levant, qui en 1943 devint le berceau du mouvement arabe Baath. Cette naissance eut lieu au moment où les manœuvres politiques sionistes s’intensifiaient en Palestine, ce qui renforça considérablement le nationalisme arabe et l’idéal d'un front commun.

En 1952, le Mouvement des officiers libres en Egypte mit fin au régime monarchique. Son leader, Gamal Abdel Nasser, accéda ainsi à la présidence en 1956, revendiquant des positions contre Israël et portant des slogans unificateurs au cours de la guerre de Suez (29 octobre 1956 – 7 novembre 1956).

Cette vision politique donna même lieu à une unification entre l’Egypte et la Syrie en 1958, avec l’annonce de la création de la République arabe unie (RAU). Mais le projet connut un échec quelques années plus tard, lorsque la Syrie fait sécession en 1961.

Les partis politiques marocains face à l’unité arabe

A l’approche de l’indépendance, le Maroc manifesta un grand intérêt pour les questions liées au Moyen-Orient arabe. Si le Parti communiste marocain (PCM) revendiquait plutôt l’unité régionale nord-africaine au cours des années 1950 sans la lier à l’unité arabe, les autres composantes du mouvement national aspiraient à une unité du Maghreb, qu’ils considéraient comme partie intégrante de l’idéal du projet panarabe commun.

Ainsi, les dirigeants des principaux partis politiques marocains associaient toujours l’union des pays du Maghreb à l’unité arabe, même si l’URSS et certaines forces nationalistes du Moyen-Orient arabe ne voyaient pas d’un bon œil la tenue de la Conférence de Tanger en 1958, initiée par Allal El Fassi. En effet, ces Etats-là reprochaient au sommet rassemblant des acteurs politiques marocains, algériens et tunisiens de ne défendre l’unité du Maghreb qu’en réaction de l’émergence de la RAU. En d’autres termes, il y voyaient une manière de contrer l’élan nationaliste arabe conduit par le leader égyptien Gamal Abdel Nasser.

Chef historique du parti de l’Istiqlal, Allal El Fassi, estima que toute unité arabe doit commencer par l’unification des pays du Maghreb pour constituer des entités en harmonie les unes avec les autres. Après la défaite arabe dans la Guerre des six jours 1967, Allal El Fassi commenta les faits dans son rapport du huitième congrès de l’Istiqlal. Il fut ainsi cité par Abdelilah Belkeziz, dans son ouvrage «Le Mouvement nationaliste marocain et la question nationale» :

«Notre parti estime qu’il est possible d’atteindre l’unité générale à travers des unités régionales afin que les Etats de la péninsule arabique puissent être combinés en un Etat arabe uni, annexant l’Egypte et le Soudan dans un autre pays, unifiant la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et le Koweït dans un pays tiers. Notre désir de voir les provinces mauritaniennes et libyennes, en plus du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie regroupés en Union du Maghreb arabe, incluse dans la Ligue des Etats arabes (une confédération), nous a amenés à croire que les pays d’Afrique du Nord doivent être considérés comme une seule entité : Le Maghreb arabe de l’après-indépendance.»

La position de l’Union nationale des forces populaires (UNFP) ne différa pas de celle de l’Istiqlal. En effet, à sa création en 1959, le parti de Mehdi Ben Barka et Abdellah Ibrahim s’exprima ouvertement pour «aider le peuple algérien en lutte, à le libérer et à réaliser l’unité du Maghreb arabe dans le cadre de la fraternité arabe et de la solidarité africaine», comme le rappela le livre d’Abdelilah Belkeziz.

Dans son second congrès de 1962, l’UNFP souligna que l’union du Maghreb arabe s’inscrivait dans «un horizon plus large pour l’unité arabo-africaine». Tenu en 1974, le troisième congrès de la formation n’aborda pas l’unité du Maghreb, mais évoqua celle de la nation arabe et des actions à entreprendre pour concrétiser ce projet.

En 1983, le quatrième congrès de la formation de gauche consacra une partie de ses travaux à une analyse de la situation du Maghreb arabe, des horizons de son évolution et des voies à définir pour réaliser son unité. Il mit en avant des mesures à prendre pour «acquérir une réelle capacité d’innovation et d’affirmation». Cité par Abdelilah Belkeziz, le parti souligna ainsi :

«Au Maroc, nous faisons partie intégrante du monde arabe. Nous sommes unis par notre destin. Nous le partageons et partageons les côtés positifs comme négatifs de notre lutte contre la régression.»

Pour sa part, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) souligna pendant son congrès de 1975 que le Maroc était «l’aile occidentale du monde arabe». «Nous estimons qu’en ces temps, notre tâche principale est l’édification de l’union du Maghreb arabe, qui nous permettra dans une période transitoire de construire solidement l’unité arabe globale».

L’Organisation d’action démocratique populaire (OADP) s’aligna sur les principes de ces positions, appelant lors de sa conférence nationale de 1984 à «relancer la marche de l’union du Maghreb en tant que pilier important dans la construction de l’union panarabe».

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