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Grand Angle

Les musulmans d’Europe menacés par le terrorisme de l’extrême-droite

Après l’attentat dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande, les révélations sur les motivations suprémacistes, islamophobes et anti-migration de son auteur rappellent la dimension internationale du terrorisme de l’extrême droite, ainsi que le passage à l’action violente de la part de ces mouvances. En Europe la menace demeure prégnante.

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Rassemblement de l'extrême droite devant une statue de Jeanne d'Arc près du Jardin des Tuileries, à Paris en mai 2016 / Ph. AFP
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La Nouvelle-Zélande est encore sous le choc, après l’attentat qui a visé, vendredi, deux mosquées de la ville de Christchurch ; le terroriste australien Brenton Tarrant a ouvert le feu en faisant 49 morts en plus d’une cinquantaine de blessés. Endoctriné par le discours anti-migratoire, les idéologies d’extrême droite et de suprémacisme blanc, l’homme de 28 ans a publié un manifeste, peu avant son passage à l’acte, expliquant ses motivations. Si le pays n’a jamais vécu de telles attaques, celle-ci n’est pas un cas isolé sur le plan international. Elle confirme en effet une recrudescence des attaques terroristes ciblant des musulmans, comme l’ont précédemment redouté des acteurs publics, y compris en Europe.

Dans le continent, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a en effet alerté, depuis fin 2015 et après les attentats en France revendiqués par Daesh, sur la capacité des mouvances d’extrême droite à provoquer des affrontements intercommunautaires. Depuis, les arrestations au sein de groupuscules identitaires se sont succédées, à l’image de celles qui ont visé des militants de réseaux nommés OAS, reprenant le sigle de l’Organisation de l’armée secrète, un groupe anti-indépendantiste actif pendant la guerre d’Algérie.

Les mouvances d’extrême droite «peuvent constituer un réel danger»

Plus tard en 2017, la DGSI a lancé les premiers coups de filet pour démanteler l’Action des forces opérationnelles (AFO), fruit d’une scission au sein du mouvement nationaliste Volontaires pour la France (VPF) et qui a envisagé des attaques ciblées contre «l’islamisation de la France». En novembre 2018, une enquête de Radio France a révélé que si le nombre de militants d’ultradroite semblait stable dans le pays – chercheurs et autorités évoquant «un noyau dur d’un millier de militants soutenus par un ou deux milliers de sympathisants» – ces groupuscules sont «plus déterminés et plus belliqueux depuis les attentats islamistes qui ont débuté en 2015».

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur et directeur général de la DGSI entre 2017 et 2018, Laurent Nuñez souligne auprès du média l’existence de «structures que l’on peut qualifier de traditionnelles, de la mouvance d’ultradroite comme Génération identitaire, le Bastion social ou des royalistes comme l’Action française», mais que les inquiétudes vont bien au-delà des observations dont font l’objet ces structures.

Dans ce sens, le responsable affirme l’émergence de formations sous forme de «milices d’auto-défense, en prévision de ce que serait le Grand soir de la menace islamiste» dans le pays, et qui estiment que «les pouvoirs publics n’en font pas assez pour lutter contre le terrorisme». «Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que trois réseaux ont été démantelés depuis le début du quinquennat actuel. Ces mouvements peuvent constituer un réel danger», soutient Laurent Nuñez.

Extrême droite ou ultradroite ?

Si les multiples mouvances de l’extrême droite partagent en substance des idées suprémacistes, xénophobes, antisémites et islamophobes, constituant même des outils d’endoctrinement pour les branches armées qui s’identifient à ces idéologies, les observateurs tendent à différencier entre les appellations «extrême droite» et «ultradroite», particulièrement en France.

Le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques au sein de la Fondation Jean Jaurès, l’a expliqué à la RTBF en janvier dernier. «[Ultradroite] est un terme déjà utilisé au moment d’une manifestation qui avait eu lieu le 26 janvier 2014 – qui s’appelait Jour de colère – où avait défilé à Paris une collection de groupuscules d’ultradroite avec des slogans nazis, détaille-t-il. A la fin des manifestations contre le mariage pour tous aussi, il y avait des groupuscules de ce genre-là en marge des manifestations».

Pour le chercheur, le terme désigne «tout ce qui était à droite du FN, qui ne participait pas au jeu électoral, qui était plus virulent dans sa critique de l’Etat et des institutions, a été qualifié d’ultradroite pour faire la différence avec le FN» qui ambitionne d’accéder au pouvoir par le biais des urnes.

Le Royaume-uni également menacée

Quoi qu’il en soit, l’essence et les conséquences de ces idéologies n’est pas redouté en France uniquement. En mars 2018, les courriers anonymes annonçant le «Punish a muslim day» au Royaume-Uni ont semé l’inquiétude au sein des la communauté musulmane du pays. Egalement visées, des institutions britanniques ont même reçu de faux colis, dans le cadre de ces actions qui préparaient à des attaques ciblées, avec un baromètre de notes en fonction de la violence des actes. Parmi les cibles ont figuré des députés musulmans, mais aussi la reine Elisabeth.

L’action portait l’empreinte de David Parnham, un suprémaciste blanc qui a plaidé coupable de tentative de meurtre et de 13 autres chefs d’accusation en octobre 2018. Ce procès a ravivé la douleur d’une précédente attaque terroriste ayant visé, en 2017, des musulmans près de la mosquée de Finsbury Park à Londres, lorsqu’un homme a foncé à bord d’une camionnette sur des fidèles. En juin de la même année, il a été poursuivi pour «meurtre lié au terrorisme», selon la police britannique.

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