Yabiladi.com: Le PJD première force politique du Maroc. Quels enseignements tirez-vous de votre victoire ?
Mustapha El Khalfi: Au-delà du nombre de sièges que nous avons obtenus, il est surtout important de signaler que le PJD a largement dépassé le million de voix. Ce qui constitue un succès et reflète la grande popularité du parti. Cela reflète aussi le choix des Marocains qui ont décidé de voter pour un parti qui va créer une nouvelle dynamique au niveau de la gestion des affaires publiques. Le PJD va lancer des réformes et sera un élément de stabilité pour le pays, dans ce contexte de printemps arabe.
Nous avons décidé d’emprunter la troisième voie, celle des réformes dans la stabilité. C’est une voie qui se situe entre la révolution et la continuité d’un système semi-autoritaire. Les Marocains ont choisi la révolution des urnes et non pas celle de la rue. Notre grand atout actuellement est la légitimité populaire que nous venons d’acquérir. Mais aussi la position de la monarchie, qui a clairement indiqué que le Maroc a besoin d’un gouvernement fort. Le Maroc a donc réussi le premier pas dans cette phase de transition.
Le PJD n’a pas eu la majorité pour gouverner seul. Vous êtes donc obligés de chercher des alliances. Mais certains partis que vous avez en face représentent le Maroc auquel la population a voulu tourner le dos. Le renouveau sera-t-il une réalité ?
Nous étions conscients qu’il est impossible de gouverner sans coalition. Et ce, bien avant les élections, vu la configuration du cadre électoral. Ce qui est essentiel pour les Marocains, c’est le leadership du gouvernement. Il ne faut pas aussi oublier que ces partis là ont une certaine légitimité populaire.
Je pense pour ma part que le plus important est de voir si les membres du prochain gouvernement vont refléter l’ère du changement ou non. Et c’est cela le grand défi qui nous attend. Attendons d’abord la nomination du futur Chef du gouvernement. Les négociations nous donnerons un premier aperçu.
Il existerait pas mal de différences entre vous et vos futurs alliés. Vous attendez-vous à ce qu’ils vous mettent des bâtons dans les roues ?
C’est possible. Nous ne pouvons nier que certains vont essayer de pousser cette expérience à un échec total. Au sein du PJD, c’est une éventualité que nous avons pris en considération. Mais je pense qu’un système de gouvernance basé sur la transparence, sur la responsabilité, la clarification des tâches, la communication et sur une approche participative qui intègre tous les acteurs va aider notre parti à limiter l’impact négatif des obstacles attendus. Non seulement avec les alliés mais aussi avec l’opposition.
Mais à présent, il faut d’abord tourner la page et travailler sur un nouveau système de gouvernance qui va permettre de limiter les tensions.
Comment appréhendez-vous vos futures relations avec le Palais royal ?
Il y a un cadre constitutionnel que tout le monde doit respecter. Et je crois que la monarchie elle-même, et le roi en personne va soutenir la volonté du peuple marocain. Cela dit, le PJD est un parti royaliste, indépendant, et qui a dès le départ prévu cette cohabitation avec la monarchie. Car la monarchie est un élément fondamental pour l’unité, la stabilité et le développement du Maroc.
On parle souvent d’un gouvernement parallèle, à savoir l’entourage royal et les différentes institutions royales en face du gouvernement. A quelle cohabitation vous attendez-vous ?
Il est pour le moment prématuré de répondre à cette question. Je pense seulement qu’il y a un cadre constitutionnel qu’il faut respecter.
Au cas où vos relations avec le Palais ne fonctionnent pas normalement, quelle sera votre réaction ?
Vous savez, nous sommes dans un contexte de printemps arabe, avec ses obligations. Et le régime marocain a compris qu’il faut s’adapter. C'est-à-dire, prendre en considération les attentes du peuple. Notre chance au Maroc, est que la monarchie a su anticiper les choses et de façon volontariste. Nous espérons que ce climat va continuer. Nous ne nous attendons pas à des relations tendues avec le Palais…
Comment commentez-vous gérer le mouvement de contestation incarné par Al Adl Wal Ihsane et le Mouvement du 20 février ?
Les 45,4% de participation étaient attendus mais restent modeste. Donc il y a un problème politique réel. Il faut travailler pour réconcilier les Marocains avec la politique ainsi que les mouvements contestataires. Le PJD compte instaurer le dialogue avec ces mouvements pour les intégrer dans le processus de réformes.