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Grand Angle

Portrait : Françoise Dominique Bastide alias Salka Dlimi de Dakhla

Depuis 10 ans, cette Française née à Rabat est devenue une figure de la ville de Dakhla. Les Sahraouis l’appellent Salka (la sauvée) Dlimi, en référence à la tribu dominante dans cette presqu’île au sud du Maroc. Sociologue de formation et ancienne adjointe du maire de Cannes, elle milite pour que l’élément humain soit pris en compte dans les stratégies de développement, notamment à Dakhla.

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Française née à Rabat, Françoise Dominique Bastide est installée à Dakhla, au sud du Maroc, depuis plus de dix ans. / Ph. DR.
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Elle ne passe pas inaperçue. Avec sa Malhfa, certains jureraient qu’elle est Sahraouie. Et Françoise Dominique Bastide se considère avant tout «Marocaine et royaliste». Elle est célèbre sur les réseaux sociaux, elle qui défend la marocanité du Sahara et ne cesse de rappeler les liens historiques entre ce territoire à l’empire chérifien. Elle est aussi célèbre à Dakhla comme étant «Salka (la sauvée) Dlimi» comme l’appelle la population locale qui l’a accueillie.

Née à Rabat dans les années 1950, elle voit le jour dans une famille installée au Maroc depuis des générations. «Mon arrière-grand-père est arrivé au Maroc en 1906. Tous mes morts sont enterrés au Maroc», nous confie-t-elle. Après un «départ forcé» en France pour faire ses études et notamment décrocher son baccalauréat, la Française est de retour au Maroc pour rencontrer son mari, Habib Kardoudi.

Mariée à l’âge de 17 ans à celui qu’on qualifie de «père de la neurochirurgie marocaine» et professeur fondateur de la Société marocaine de neurochirurgie, elle hérite aussi de son patriotisme. «Il était un grand patriote ayant fait la Marche verte au début de notre mariage, alors qu’il ne pouvait jamais s’éloigner de l’hôpital et de sa clinique», se rappelle-t-elle.

L’histoire d’un amour pour Dakhla

Le patriotisme de son époux conduira Françoise à s’intéresser à la question du Sahara. Mais son amour pour Dakhla remonte à il y a un peu plus de dix ans. Lors d’un déplacement dans la perle du Sud avec son beau-frère, elle croise un vieux sahraoui. Après une courte conversation, elle lui répond qu’elle est venue voir qui étaient les Sahraouis. «Ce monsieur m’avait alors répondu dans un français encore meilleur que le mien : "Et il vous a fallu 35 ans pour venir voir qui on est ?" Et là j’ai pris conscience», explique-t-elle.

«J’ai commencé à venir et à revenir, me demandant qu’elle doit être ma contribution, même si une hirondelle ne fait pas le printemps. Sur le problème du Sahara, il y a eu la guerre, le côté militaire, diplomatique, économique, historique, juridique… Un côté par contre n’a jamais été inventorié : le côté humain.»

Françoise Dominique Bastide

Pour elle, «l’humain s’adresse toujours au visible mais jamais à l’invisible, aux liens humains, aux souffrances, aux histoires de vie, aux coutumes ou à la culture». «Si on avait commencé par-là, le problème serait beaucoup plus simple aujourd’hui car ce n’est pas, au fond, la terre qui nous intéresse le plus mais plutôt sa ressource principale, qui est l’élément humain», détaille-t-elle. Elle pense aussi qu’«aujourd’hui, la mère des batailles à gagner est celle sur le plan éducatif et les ressources humaines».

La «sauvée» de la perle du Sud

Pour cette Marocaine d’adoption, les attentes des jeunes sahraouis en général et ceux de Dakhla en particulier ne diffèrent pas de celles des autres jeunes. «Dans le monde, quand quelqu’un trouve les moyens de subsister et un climat de paix, il ne va pas aller chercher ailleurs. Ceci dit, il faut une éducation à la jeunesse, à la citoyenneté, que la jeunesse soit enrôlée dans des choses d’intérêt général et lui donner les moyens de vivre par elle-même», estime la sociologue et ancienne adjointe du maire de Cannes.

D’ailleurs, si Dlimi fait référence à la tribu dominante à Dakhla, le prénom Salka a toute une histoire que la concernée nous raconte : «Quand je leur ai demandé pourquoi Salka (la sauvée), ils m’ont dit parce que "tu es sauvée de l’ignorance puisque maintenant tu nous connais".»

Et le chemin n’a pas été facile pour Françoise Dominique Bastide, ayant su dépasser «sa zone de confort» en partant se «nomadiser au cœur du désert» avec les Sahraouis pour apprendre d’eux. «Il m’est arrivée de pleurer quand j’ai entendu des histoires de vie de jeunes enlevés, séparés de leurs familles ou le fait que dans une même fratrie, certains sont Mauritaniens, d’autres Espagnols ou avec le Polisario et quand je vois que leurs enfants ne trouvent pas de places dans cette vie parce que nous n’avons pas réfléchi au passage du nomadisme à la sédentarité», enchaîne-t-elle.

Aujourd’hui, Françoise Dominique Bastide estime avoir «compris cette part de noblesse qui fait que les Sahraouis s’attachent à l’empire chérifien, car ils l’ont aimé et suivi non pas par besoin ou par peur, mais par désir».

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