«Le Sénat, pour qui j’ai un grand respect, a choisi de débattre dans quelques jours, d’une proposition de loi (…) visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne. Une telle proposition me semble hasardeuse». C’est en ces termes que Nicolas Sarkozy s’est exprimé ce mercredi, lors du congrès des maires de France UMP à l'Élysée.
Pour le président français, «il n’y a rien de choquant, rien d’anormal à ce que les électeurs et les élus des territoires de France soient français !». Nicolas Sarkozy est même allé plus loin estimant qu’une telle proposition était susceptible de «diviser les Français» à un moment où il fallait les rassembler.
Le président français estime en outre, qu’une voie restait ouverte pour tous les étrangers (hors-UE) établis en France, et souhaitant participer aux choix politiques en Hexagone. «Cette voie, c’est l’accès à la nationalité française», a-t-il déclaré, sous les applaudissements de son auditoire. Ce que Nicolas Sarkozy a sans doute oublié de souligner lors de son discours, c'est que son ministre de l’Intérieur planche actuellement sur comment durcir les conditions d’accès à la nationalité française. Mais ce n’est pas ce qui surprend le plus.
Nicolas Sarkozy le 23 novembre à L'Elysée, morceaux choisis
Etrange volte-face
«Je crois depuis longtemps que le droit de voter et le droit d’être élu (…) demeure un droit attaché à la nationalité française» a rappelé Nicolas Sarkozy. Force est de constater que le président français a très (trop) souvent revu sa position, au fil des discours (et des situations). En 1997, sur le plateau de France 2, sa position n’était pas très différente de celle d’aujourd’hui. Lors de l’émission «Les Lundi de l’information», Nicolas Sarkozy, à l’époque député RPR, avait déclaré «ma réponse est sans ambigüité, je suis contre le droit de votre des immigrés».
Une position sans ambigüité certes, mais complètement ravisée 4 ans plus tard. Le quotidien français Libération, rapporte sur son site, qu’en 2001, dans son livre, Libre, Sarkozy écrivait : «A partir du moment où ils [les étrangers non communautaires, ndlr] paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sous notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien.»
Le même couplet est reconduit, à quelques ajustements près, le 24 octobre 2005, alors qu’il est ministre de l’Intérieur ««j'ai considéré que le droit de vote aux seules municipales, pour des étrangers présents depuis dix ans sur le territoire national, respectant nos lois, payant leurs impôts, et ayant des papiers était une question qui devait être ouverte. En ce qui me concerne, j'y suis favorable». Toujours d’après Libération, en 2008, Nicolas Sarkozy se serait encore dit favorable au vote des immigrés non-européens «sur la base de la réciprocité». A force d’ajustements, c’est un autre virage à 180° qui s’est opéré trois ans plus tard.
Comment la position de Sarkozy a évolué entre 1997 et 2005
Préparer le terrain pour la présidentielle
Ce nouveau «coup de la girouette», à 5 mois du premier tour des élections présidentielles françaises de 2012, ne laisse aucun doute possible quant à la portée électoraliste du discours du président sortant. La stratégie est claire : attaquer la gauche sur tous les tableaux, mais surtout, rassembler autant de voies que possible à droite. En effet, si le discours centré sur l’identité nationale et l’hostilité vis-à-vis des immigrés non-européens est le principal cheval de bataille du Front National (Extrême droite), le Parti de Marine Le Pen semble a réussi à entrainer sur son terrain une partie de l’UMP, notamment Droite populaire, dite aile droite du parti de Sarkozy. Il semble donc désormais question de ne pas laisser l’électorat de droite s’effriter à une période si cruciale, sur une question si sensible.
Benoit Hamon, militant socialiste, a analysé la position de Nicolas Sarkozy, sur le plateau de la chaine française BFMTV. Pour lui, ce nouveau revirement témoigne d’une certaine «inconstance» du président français. Pour lui, «le président de la république agit en fonction de l’air du temps, et surtout des élections présidentielles». Mais surtout, Nicolas Sarkozy ne saurait pas tenir une position «autrement qu’en regardant les sondages». Voilà qui promet une campagne électorale sous tension dans l’Hexagone. Il sera justement, intéressant de voir au fil des sondages, si l’électorat français décide de miser sur un candidat capable de soutenir une thèse puis de défendre férocement son contraire.
Benoît Hamon au sujet de Sarkozy