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Grand Angle

Arts et culture, les oubliés du monde arabe

Au Maroc, la condamnation récente de l’association Racines à la dissolution a porté un coup au secteur culturel et artistique, déjà fragilisé par un manque d’investissement, aussi bien matériel que financier.

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A l’Institut du monde arabe de Tourcoing, le 17 novembre, jour de l’inauguration. / Ph. Denis Charlet – AFP
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La culture et les arts, parents pauvres des pays arabes. C’est ce que constate (et déplore) un rapport intitulé «Talents, compétences et besoins : travailler dans le volet culturel de la région arabe», élaboré en collaboration avec le projet Med Culture, fondé par l’Union européenne, qui vise à accompagner les pays partenaires du sud de la Méditerranée dans le développement et l’amélioration des politiques et des pratiques liées au secteur culturel. Huit pays sont concernés : l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Palestine et la Tunisie.

Les observations formulées dès les premières pages donnent le ton : «Alors que la région arabe continue à assister à des conflits, des guerres et à un retour de la dictature, les artistes et les professionnels de la culture sont confrontés à des formes et à des degrés de risque divers, ce qui rend difficile, voire impossible, la poursuite de leur travail et de leurs pratiques, ainsi que le développement de leur carrière.»

«Les difficultés extrêmes rencontrées par les acteurs culturels (en particulier les jeunes professionnels) en ce qui concerne la mobilité régionale et internationale, en raison de restrictions de visas et de voyages, y compris entre pays arabes, ont souvent rendu difficile, voire impossible, la participation à des programmes universitaires, à des manifestations culturelles ou à des ateliers de formation», souligne l’auteure du rapport, la Syrienne Rana Yazaji, directrice générale de La Ressource Culturelle (Al Mawred Al Thaqafi), une organisation régionale sans but lucratif qui vise à soutenir la création artistique dans le monde arabe et à l’étranger.

Il n’y a pourtant pas qu’entre pays arabes que la mobilité artistique peut être contrainte. En février 2018, Mohamed Ikoubaân, fondateur et directeur du Festival Moussem Cities, à Bruxelles, avait fustigé les restrictions de visas imposées à plusieurs artistes du Maghreb invités à se rendre dans la capitale belge pour participer au festival, ainsi que les conditions de leur octroi. Le responsable culturel avait pointé du doigt les procédures et les conditions imposées pour entrer dans la zone Schengen, les jugeant «de plus en plus complexes, absurdes et exorbitantes».

La consommation de produits culturels encore marginalisée au Maroc

Dans son étude, Rana Yazaji indique toutefois que depuis le programme de recherche sur les politiques culturelles initié par La Ressource Culturelle en 2009, le premier du genre axé sur la région arabe, «des efforts cohérents ont été déployés pour élaborer des politiques culturelles et renforcer leurs connaissances». A cet égard, elle cite l’association marocaine Racines (récemment condamnée à la dissolution) et, parlant des avancées qui ont été menées, elle évoque des «initiatives novatrices visant à renforcer les capacités du secteur de la société civile à plaider en faveur d’une politique culturelle plus démocratique et plus représentative».

«Cela fait déjà quelques années qu’on travaille sur un plaidoyer pour intégrer la culture aux politiques publiques de l’Etat marocain. On a réalisé plusieurs études sur les pratiques culturelles au Maroc et démontré que les gens ne vont pas souvent au théâtre ou n’achètent pas beaucoup de tickets de concerts ou de cinéma ; ils n’ont pas l’habitude de consommer des produits culturels car il n’y a pas de médiation culturelle», nous confirme Mehdi Azdem, directeur de l’association Racines, qui insiste sur la dimension nationale de ce plaidoyer mené avec d’autres associations dans plusieurs régions du Maroc.

«On l’a fait pour que l’Etat réagisse, qu’il investisse plus dans les ressources humaines et les formations des métiers de la culture. Pour nous, la culture peut être une source de richesse et de créations d’emplois, un outil de vivre-ensemble, de cohésion sociale et de développement de l’esprit critique. C’est le plaidoyer qu’on essaie de démontrer aux politiques. Or ce qui les intéresse, c’est avant tout le volet économique, c’est pourquoi on leur suggère des modèles qui ont fait leurs preuves ailleurs. En France par exemple, l’industrie créative emploie plus que l’industrie automobile», ajoute Mehdi Azdem.

L’association Racines a d’ailleurs mis au point une cartographie de la culture au Maroc, qui répertorie les structures, infrastructures, artistes et opérateurs, professionnels du domaine artistique et culturel au Maroc et de la diaspora.

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