S’il y a une chose qui préoccupe actuellement Bank Al Maghrib, les économistes et les financiers marocains, c’est de savoir si les réserves du royaume en devises vont être suffisantes pour pouvoir payer les importations marocaines et rembourser les dettes du pays dans les mois à venir.
D’ailleurs Bank Al Maghrib avait tiré la sonnette d’alarme en septembre dernier. Abdellatif Jouahri, le wali de l’établissement bancaire avait déclaré : «la tension sur les réserves de change n’arrête pas de s’accentuer», rapporte Tel Quel dans son édition hebdomadaire.
Aujourd’hui au Maroc, le stock en devises étrangères ne peut couvrir que 5 mois seulement des besoins du pays en importation. «Lorsque cette période baisse à 3 mois, la situation est vraiment alarmante», explique Driss Bénali, économiste, contacté par nos soins en ajoutant que le Maroc n’en était pas encore arrivé à ce stade préoccupant.
Par ailleurs, pour ce qui est de la dette actuelle du royaume, Driss Bénali rappelle qu'elle représente 50% du PIB.
Le déficit de la balance commerciale atteint les 20% du PIB
Il faut dire que les derniers chiffres de l’Office des Changes pour le mois d’octobre, concernant la balance commerciale du royaume sont assez préoccupants. Chaque mois, le Maroc continue d’importer plus qu’il n'exporte. Pour les 10 premiers mois de l’année, les importations ont augmenté de 20%. Les exportations, quant à elles, ont progressé de 15%, précise l’Economiste dans son édition d’aujourd’hui.
D’ailleurs, le déficit de la balance commerciale a même atteint les 20% du PIB, soit plus de 153 milliards de dirhams. Un déficit qui s’explique par l’explosion des importations des produits énergétiques, comme le pétrole, le gaz, le fuel et l’énergie électrique. Ces importations ont coûté 20 milliards de dirhams au pays.
Par ailleurs, le Maroc continue d’importer encore trop de produits finis d’équipement. La facture de ces produits atteint les 9.5 milliards de dirhams. Les importations des produits alimentaires comme les céréales ou le sucre suivent également cette tendance à la hausse. Par exemple, les achats de blé sur les marchés internationaux ont dépassé les 7 milliards de dirhams.
Les exportations en hausse
De l’autre côté, les exportations marocaines sont en augmentation. Point positif mais cela n’est pas assez suffisant pour redresser la balance commerciale. Les ventes de phosphate ont augmenté de plus de 36% pour atteindre les 39 milliards de dirhams. Le secteur du textile-habillement est également en progression et rapporte à l’économie plus de 22 milliards de dirhams. Le Maroc vend également assez bien ses câbles électriques et ses composants électroniques rapportant réciproquement 12 milliards et 4.2 milliards de plus.
De plus, les recettes de voyages sont aussi en hausse de 2.3 milliards de dirhams pour atteindre près de 50 milliards de dirhams.
Les MRE vont-ils sauver les meubles ?
Autre bon point : les transferts des Marocains Résidents à l’Etranger sont également en hausse de 8.8% pour les 10 premiers mois de l’année. Ils ont atteints près de 49 milliards de dirhams.
Une véritable surprise alors que bon nombre d’économistes prévoyaient une chute de ces transferts due à la crise économique qui touche durement les pays d’accueil. D’ailleurs, la crise a fait baisser les investissements et les prêts étrangers vers le Maroc. Ils ont baissé de plus de 17%, ce qui a fait perdre au Maroc plus de 4 milliards de dirhams.
Driss Bénali préfère rester prudent car la situation dans les pays d’accueil risque encore de s’aggraver. «Ca ne peut-être que passager. On ne peut pas s’appuyer sur cette donne [le transfert des MRE] pour dire que la situation va se redresser. Les immigrés sont les premiers à être touchés par la crise en Europe. En Espagne, par exemple, il y a plus de 4 millions de chômeurs et parmi eux, il y a beaucoup de Marocains qui sont très souvent les gens les moins qualifiés. En plus de cela, d’autres mesures d’austérité ont été et vont être prises par d’autres pays européens», explique-t-il.
De son côté, l’économiste Mehdi Lahlou insiste sur le fait qu’il faut manier les chiffres sur les transferts des MRE avec précaution. En réalité, explique-t-il, il n’y a pas que les transferts des MRE qui sont pris en compte. «Est-ce que ça vient du blanchiment d’argent ou des trafics de drogue, on n’est pas toujours sûrs de l’origine de ces transferts», déclare-t-il. Pour lui aussi, la crise qui fait rage en Europe, premier partenaire économique du royaume, va avoir un impact imminent sur le transfert des MRE à l’avenir. «Il faut une bonne fois pour toute arrêter de considérer les MRE comme une ressource nationale inépuisable, ils ne le sont plus», lance-t-il.
«La seule qui peut atténuer les problèmes du Maroc, c’est la pluie qui contribuera à avoir une bonne campagne agricole. Il ne faut pas oublier que l’agriculture représente 16% du PIB du Maroc. C’est elle qui décide de tout. Comme disait le Maréchal Lyautet, gouverner au Maroc, c’est pleuvoir», conclut Driss Bénali.