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Grand Angle

Taroudant : Des hommes âgés emprisonnés pour s’être opposés à un projet forestier

Cinq personnes habitants près d’une forêt à Ida-Ougoummad, dans la province de Taroudant, sont poursuivies en état d’arrestation pour s’être opposées à un projet forestier. Septuagénaires pour la plupart, ils ont revendiqué leur droit d’accès à la forêt et à une source que le projet en question restreint fortement.

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La manifestation des membres de l'association et des proches des personnes arrêtées, vendredi devant la préfecture de Taroudant. / Ph. Taroudant 24
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Dans la commune rurale Ida-Ougoummad (caïdat d'El Faid), située dans la province de Taroudant, la population locale vit, depuis plusieurs jours, sur le rythme de manifestations et d’arrestations en raison d’un différend avec les autorités locales.

La semaine dernière, cinq personnes, toutes issues d’une association ont été arrêtées pour avoir protesté contre un projet forestier. Trois d’entre elles sont âgées de plus de 74 ans. Leur audience est prévue ce mardi alors que leurs proches militent désormais pour leur libération et leurs droits.

Tout à commencer en 2010, lorsque le Haut-commissariat aux eaux et forêts propose un projet visant à assiéger la forêt et planter des arganiers. La population locale, vivant de la forêt et d’une source d’eau qu’elle exploite avait alors affiché son opposition. Mais le projet est maintenu, avec des assurances de ne pas priver les habitants locaux de l’eau.

La population locale impactée

Récemment, un deuxième projet est venu restreindre encore plus l’accès des locaux et leur bétails à cette source. C’est à ce moment-là que l’Association d'éleveurs et propriétaires de pâturages a multiplié les lettres, les plaintes et les manifestations. «Ils nous ont promis une chose mais ont failli à la concrétiser. Les ayant droits et personnes vivantes sur ces terres depuis plusieurs années se sont alors regroupés et ont manifesté contre le projet», nous explique Mohamed, dont le père est l’une des cinq personnes arrêtées.

Ainsi, la population locale se mobilise après avoir constaté que ses doléances ne sont pas écoutées. La Gendarmerie royale et les autorités locales interviennent, promettent d’arrêter le projet et d’ouvrir les canaux du débat mais rebelote dès le lendemain. Les habitants de la forêt manifestent à nouveau, s’apercevant que les négociations sont menées avec une deuxième association qui ne les représentent pas. «Celle-ci, constituée de personnes riches et influentes dans la région, a donné son feu vert pour le projet», regrette Mohamed.

Quant à l’Association d'éleveurs et propriétaires de pâturages, ses membres sont convoqués d’abord par la commune, par la délégation du HCEFLCD puis par la Gendarmerie royale. «Ils leur auraient proposé une indemnisation pour ne pas s’opposer au projet, ce que les représentants de l’association ont refusé», poursuit notre interlocuteur.

De plus, 60 habitants de la forêt ont élaboré un mémorandum, légalisé à la commune, pour «attester qu’ils s’opposent à ce projet en tant qu’association et en tant qu’ayants droits». Déposé auprès des services concernés, notamment la Gendarmerie, celle-ci aurait rédigé un PV de cette opposition.

Les habitants sur le banc des accusés

Seulement, après près de deux mois, cinq signataires, membres de l’ONG sont convoqués à une audience devant le procureur du roi à Taroudant.

«Le procureur les aurait menacées de les interpeller s’ils ne retirent pas leur plainte. Il s’agit du président de l’association, son vice président qui est mon père, le secrétaire, un conseiller ainsi qu’un autre membre. Chose qu’il a fini par concrétiser.»

Mohamed, fils d’une des cinq personnes arrêtées

Quant aux accusations, notre interlocuteur parle d’un ensemble d’infractions et affirme que son père et les quatre autres membres sont poursuivi via «l’article 308 du code pénal». Celui-ci énonce que «Quiconque, par des voies de fait, s'oppose à l'exécution de travaux ordonnés ou autorisés par l'autorité publique est puni d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende qui ne peut excéder le quart des dommages-intérêts, ni être inférieure à 200 dirhams». «Ceux qui, par attroupement, menaces ou violences, s'opposent à l'exécution de ces travaux sont punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et de l'amende prévue à l'alinéa précédent», poursuit cet article.

Les habitants et leurs proches ont manifesté jeudi et vendredi devant la préfecture de Taroudant mais en vain. «Le préfet de Taroudant a même reçu quatre personnes, et a déclaré aux représentants des ayants droits qu’il n’est pas au courant de cette affaire ni de nos correspondances adressées à ses services», nous informe Mohamed.

Ce dernier regrette des «accusations d’entraver des travaux ordonnés par l’autorité publique alors qu’il s’agit d’ayants droits qui n’ont pas été consultés ou avertis avant le début de ces travaux». «De plus, nous avons déposé plusieurs recours et plaintes dans ce sens avant de manifester sur place», ajoute-t-il. L’occasion pour lui de rappeler que ces familles vivent sur ces terres depuis plusieurs générations. «Bien qu’elles appartiennent à un domaine forestier, nous restons des ayants droits et ils ne peuvent pas nous interdire l’accès à la forêt», conclut-il.

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