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Grand Angle

Diaspo #77 : Fawez Zahmoul, ambassadeur du tatouage pro au Maghreb

Né à Tunis en 1984 d’un père tunisien et d’une mère marocaine, Fawez Zahmoul est le premier tatoueur à avoir décroché une licence pour ouvrir son salon professionnel en Tunisie. Il est également fondateur de l’Ecole nationale tunisienne de tatouage, après s’être distingué à l’internationale.

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Fawez Zahmoul, tatoueur professionnel basé à Tunis / Source : Wachem''Fawez le tatoueur" - Facebook
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A quelques minutes du centre-ville tunisois, «Wachem Tattoo-shop» trône fièrement à la Marsa. Derrière ce salon de tatouage ouvert en 2016, le seul reconnu légalement en Tunisie, Fawez Zahmoul, un artiste du dessin sur peau qui a façonné sa signature pendant plus de quinze ans en tant que tatoueur. «C’est le seul endroit déclaré où l’on peut se faire tatouer, se félicite Fawez. Avant cela, nous n’avions pas de reconnaissance dans le pays et nous exercions principalement dans nos maisons, ou nous nous rendions au domicile de nos clients.»

Né en 1984 à Tunis, Fawez Zahmoul est aujourd’hui un ambassadeur du tatouage professionnel au Maghreb, après avoir découvert sa passion à la fin de son cursus universitaire effectué au Maroc, comme il nous le raconte. «J’ai fait mes études en ingénierie de son au Studio M de Casablanca, en travaillant avec un ami tatoueur qui m’a fait découvrir ce nouveau monde, j’ai réalisé que c’était ce que voulais faire».

Fawez Zahmoul est présent cette année à l'Axone Montbeliard, les 2 et 3 février 2019 / Ph. Fawez ZahmoulFawez Zahmoul est présent cette année à l'Axone Montbeliard, les 2 et 3 février 2019 / Ph. Fawez Zahmoul

Un retour aux sources à la croisée de la calligraphie

En tombant sous le charme du tatouage, ce passionné retrouve l’une des activités favorites de son géniteur. «Mon père, qui travaillait dans le secteur portuaire à Tunis, était un adepte de calligraphie, nous confie-t-il. Lorsque j’était petit, je le voyais consacrer beaucoup de temps à cela, mais c’est en grandissant que j’ai retrouvé un peu le même intérêt». Ainsi, Fawez Zahmoul ne s’intéresse pas uniquement à la calligraphie en devenant tatoueur, mais il développe plus largement sa précision dans le dessin, en créant des tatouages aux formes géométriques ou aux traits plus complexes.

Il voyage ensuite en France, à Hong-Kong, et dans plusieurs autres pays, où il collabore à chaque fois avec des tatoueurs professionnels de grande renommée. Plus de dix ans après, il décide de développer sa propre marque, avec une touche personnelle. Wachem Tattoo-shop devient un véritable concept-store, érigé en lieu incontournable pour les visiteurs de la Marsa et de Tunis. Ce travail n’aurait cependant pas porté ses fruits aussi vite sans l’engagement de Fawez Zahmoul, qui préfère travailler dans l’ombre et la discrétion.

Source : Fawez Zahmoul (Facebook)Source : Fawez Zahmoul (Facebook)

Si Fawez Zahmoul ne se vante pas de son riche parcours éclectique, il lui revient le lancement d’initiatives fédérant les professionnels du secteur en Tunisie pour faire reconnaître leur statut, notamment en créant le Syndicat national des tatoueurs tunisiens, en 2014, et dont il est le président.

«L’une des actions décisives que ce syndicat a permis est de faire changer la législation nationale, qui octroie désormais des licences permettant aux tatoueurs de créer leurs propres enseignes. Sans cela, Wachem Tattoo-shop n’aurait jamais pu voir le jour.»

Fawez Zahmoul, tatoueur

Démocratiser le tatouage auprès des non-initiés

Ce parcours a en revanche été semé d’embûches, puisque l’artiste nous explique que les mentalités n’ont pas toujours été ouvertes à l’exercice. «Le tatouage a longtemps été perçu comme quelque chose de transgressif, mais beaucoup oublient qu’il fait partie intégrante de notre culture africaine et nord-africaine ancestrale depuis des millénaires», souligne-t-il. Avec la mondialisation, «il est davantage remis en avant, même si l’engouement de certaines personnes est motivé par l’effet de mode plus que par la philosophie du tatouage ; encore est-il que ces dernières années, il a été démocratisé», nous explique Fawez.

Mal vu par certains, apprécié par d’autres, le tatouage affiché est parfois au cœur des polémiques ou de campagnes de dénigrement, comme celle dont Fawez a fait l’objet peu de temps après l’ouverture de sa boutique. Violemment tabassé en mai 2016, il a été attaqué par des individus et par des religieux, qui l’ont présenté comme «un défenseur de la franc-maçonnerie». «Cela m’est arrivé une seule fois, mais depuis les gens me connaissent davantage et ils ont compris que je n’avais aucun rapport avec ça», relativise l’artiste.

La transmission, un état d’esprit

Adepte du travail collectif et des projets communs, le salon de Fawez reste ouvert aux tatoueurs locaux et internationaux, qu’il invite souvent en guests pour échanger les savoir-faire, les techniques et les styles, tout en proposant à ses clients un registre créatif plus varié.

Fawez Zahmoul a par ailleurs eu l’idée de mettre en place une école nationale de tatouage à Tunis, afin d’accompagner les amoureux du tatouage désireux de tracer leur chemin dans le monde professionnel, combinant art, notions médicales et techniques de tatouage. «Je découvre à travers cela le métier d’enseignant, puisque je donne des cours dans mon école», nous confie-t-il fièrement, exprimant son souhait de développer l’établissement et de pouvoir ouvrir un salon au Maroc.

Fawez Zahmoul suit de près ses lèves à l'Ecole nationale tunisienne de tatouage / Ph. DR.Fawez Zahmoul suit de près ses lèves à l'Ecole nationale tunisienne de tatouage / Ph. DR.

Donnant une dimension humaine à son travail, Fawez Zahmoul a également fait la Une après s’être proposé, en août dernier, de détatouer Khadija O., une adolescente de 17 ans qui a été séquestrée, violée, torturée et tatouée de force dans la région de Béni Mellal. «Je ne suis pas seul derrière cette initiative ; je me suis porté volontaire pour détatouer la jeune fille, mais nous sommes un groupe d’amis où chacun a contribué de son côté pour lui venir en aide», nous explique le tatoueur.

«Nous avons pu la contacter directement elle et ses proches, nous avons eu la possibilité de lui faire faire ses papiers pour le voyage et récolter l’argent nécessaire à cet effet, mais puisque le procès est en cours, Khadija ne peut pas s’éloigner de Béni Mellal. Cependant, tout est prêt pour l’accueillir et pour qu’elle commence ses séances de détatouage dès qu’elle pourra se déplacer.»

Fawez Zahmoul, tatoueur

Actuellement, Fawez est en France pour plusieurs conventions de tatouage. Il représente par ailleurs le royaume à la seconde édition de l’Axone de Montbéliard, tenue en France les 2 et 3 février, où il fait partie du jury. Lancé en 2018, l’évènement est pensé comme une véritable foire du tatouage, rassemblant plus de 8 000 personnes autour de plus de 150 tatoueurs.

Fawez Zahmoul assistera aussi à la première édition du Tattoo Winter Session à Les Gets, du 4 au 10 février, où il portera le drapeau marocain, après des conventions au Caire, en Guadeloupe, en Espagne, en Belgique et en Suisse.

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