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Grand Angle

Une pétition d’intellectuels marocains contre les demandes israéliennes d’«indemnisation»

Après qu’Israël a exprimé son intention d’exiger 250 milliards de «remboursements» de sept pays arabes, dont le Maroc, en plus de l’Iran, des intellectuels et associatifs marocains ont lancé une pétition contre ce projet. Pour Israël, celui-ci compenserait la valeur des biens de juifs laissés dans ces pays depuis 1948.

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Le conseil de la communauté juive d'Oufrane (Ifrane de l'Anti Atlas), l'une des plus anciennes du Maroc, partie en Israël en 1958 / Ph. Roland Benzaken
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Dans une pétition publiée lundi, plus de 80 chercheurs, intellectuels, artistes et acteurs de la société civile au Maroc dénoncent un révisionnisme et une falsification de l’histoire par Israël, après que l’Etat sioniste a exigé des «indemnisations» sur le patrimoine laissé par les juifs depuis leur départ pour la Terre sainte en 1948.

Début janvier, des députés israéliens ont en effet proposé un remboursement de 250 milliards. Cette somme ne sera pas versée aux familles ayant quitté sept Etats arabes, plus l’Iran, mais à une caisse spéciale en coordination entre le ministère israélien des Retraités et de l’égalité des sexes et le Conseil de sécurité nationale.

Un rappel historique du départ des juifs

En réponse, des intellectuels et des associatifs ont exprimé «leur indignation et leur réprobation de ces manœuvres sionistes». «Cette revendication pour le moins étonnante témoigne d’une méconnaissance de l’histoire du Maroc et de sa communauté juive», dénonce le texte, ajoutant qu’«une telle ''demande'' perd toute crédibilité quand on rappelle rapidement les différentes phases de l’émigration juive du Maroc».

«Hormis une première tentative, partie de Fès au début des années vingt et qui a vu le retour complet des candidats à l’émigration déçus et très mécontents envers les organisateurs qui leur avaient promis monts et merveilles, l’émigration juive marocaine vers Israël a débuté en 1950 avec un contingentement fixé par les autorités israéliennes à un peu moins de 25 000 juifs marocains par an», soulignent les signataires, rappelant que «le Maroc était alors sous protectorat français et aucune mesure de la part des autorités coloniales n’est jamais venue entraver ces départs ni spolier les émigrants de quoi que ce soit».

Plus loin, la pétition indique qu’au lendemain de l’indépendance, «le roi Mohammed V considérant les juifs marocains comme ses sujets au même titre que les musulmans», a «refusé de leur délivrer des passeports pour émigrer». Durant cette période, des sources israéliennes évoquent «36 000 juifs marocains» qui auraient «quitté clandestinement leur pays en direction d’Israël». Ainsi, la pétition souligne que «ces personnes ont fait un choix ; elles n’étaient en aucun cas contraintes de quitter le Maroc».

D’autres citoyens de confession juive «ont choisi de rester»

Selon le parlement israélien, 850 000 juifs seraient concernés par le projet de «dédommagement» des biens laissés au Maroc, en Egypte, en Mauritanie, en Algérie, en Tunisie, en Libye, au Soudan, en Syrie, en Jordanie, à Bahreïn et en Iran. Ce projet est annoncé alors qu’en décembre 2015, l’exécutif hébreu a évoqué des privilèges qu’il accorderait aux juifs d’origine marocaine, algérienne et irakienne, leur permettant de se joindre à ceux appelés «les survivants de l’Holocauste». Une manière pour l’Etat sioniste d’établir les allégations sur la persécution de ces personnes dans leurs pays avant leur arrivée en Israël.

C’est pourquoi, la pétition rappelle des faits historiques plus récents qui réfutent cette version. Le texte soutient que dès 1961, «lors de l’opération Yakhin, organisée par l’agence juive avec l’appui des autorités marocaines, plus de 100 000 juifs quittent le Maroc ; là aussi, de leur plein gré». Avant leur départ, nombre de ces personnes «ont vendu leur bien à des musulmans ou à des juifs», tandis que dans de moindres cas, «les biens n’ont pas été cédés, leurs propriétaires peuvent toujours en user à leur guise et là aussi, il n’y a eu aucune spoliation». Les signataires soulignent encore des réalités :

«Que durant la fameuse opération Yakhin, les agents sionistes aient pressé les gens de partir, les amenant à brader leurs biens, est une réalité qu’il faudrait peut-être rappeler aux donneurs de leçon à la mémoire courte. A partir du milieu des années soixante, les départs ont souvent fait suite aux embrasements du conflit israélo-palestinien.»

Si ces départs ont été arrangés, comme l’évoquent les signataires, ces derniers expliquent que «d’autres juifs marocains ont choisi de rester», indiquant de ce fait que «l’amalgame établie par Israël entre des pays aux histoires et aux réalités différentes nie effrontément la réalité historique marocaine». «Répandre ces mensonges ne servira que la haine et l’extrémisme», avertit la pétition, signée entre autres par l’universitaire Najib Akesbi, le philosophe Ahmed Assid, l’historien Jamaâ Baïda, l’écrivain et dramaturge Driss Ksikes, ou encore le militant associatif Sion Assidon et le journaliste Khalid Jamaï.

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