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Grand Angle

En Europe, la menace wahhabite dans la radicalisation des musulmans est réelle

La Belgique, l’Allemagne et la Suisse font partie des pays européens à mettre de plus en plus en cause la promotion du wahhabisme dans la radicalisation des jeunes. Les gouvernements veulent couper court à ce processus via l’indépendance financière des lieux de culte.

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Intérieur de la grande mosquée du Petit-Saconnex, à Genève / Ph. Martial Trezzini (AFP)
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Une dizaine de jours après le double meurtre d’Imlil, 18 suspects ont été arrêtés et font l’objet d’une enquête antiterroriste. Parmi eux, deux ressortissants suisses qui se seraient radicalisés à la Grande mosquée de Genève. Après un projet de se rendre en Syrie, c’est au Maroc qu’ils auront finalement posé pied, avec l’objectif de recruter les membres d’une cellule à mettre en place dans le pays. Si c’est la première fois qu’une enquête antiterroriste dans le royaume procède à de telles ramifications, celles-ci deviennent courantes dans les pistes des attentats dernièrement commis en Europe.

Après les attaques de Paris (15 novembre 2015) et de Bruxelles (22 mars 2016), les autorités belges sont en effet arrivées à la conclusion que nombre de jihadistes et de kamikazes ont été radicalisés au sein de la Grande mosquée de Bruxelles, alors financée par l’Arabie saoudite. En mai 2018, un rapport de l’Organe antiterroriste de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) a pointé du doigt le rôle de la Grande mosquée dans la radicalisation des jeunes, notamment ceux en lien avec les récents attentats. Le document a également soulevé la présence de publications au contenu violent, ainsi que la responsabilité du financement saoudien dans ces activités d’endoctrinement.

Couper court aux fonds saoudiens pour limiter l’importation du wahhabisme

La publication de ce rapport a accéléré la rupture de la convention du financement saoudien des activités de la Grande mosquée de Bruxelles, d’autant plus que ce point a fait partie des principales recommandations d’une commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes du 22 mars 2016. Selon les services belges, plusieurs liens ont été entretenus sur place «avec des membres de la communauté de l’islam radical». Un des imams s’était vu retirer son titre de séjour pour ses rapports avec la mouvance salafiste.

Quelques mois plus tard, c’est l’Allemagne qui a opté pour l’indépendance de ses mosquées en rendant plus transparents leurs circuits financiers. Dans ce sens, une rupture a été préconisée avec les financements étrangers qui promeuvent un islam rigoriste, à savoir les fonds saoudiens qui permettent d’importer le wahhabisme. Ainsi, députés allemands et dignitaires musulmans songent à une «taxte des mosquées» qui reposerait sur la contribution financière des fidèles eux-mêmes, dans une vision d’autogestion de ces lieux de culte.

De son côté, le ministre allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer, a exprimé sa volonté de «mettre fin aux influences étrangères sur l’islam allemand» pour que celui-ci «s’émancipe de l’influence des Etats étrangers». Une initiative positivement accueillie, dans l’idée qu’il est impossible de cautionner un modèle prêchant des idées antidémocratiques dans un Etat d’institutions.

La «wahhabisation» dans les mosquées, un épouvantail des grandes mosquées

La Suisse, où le débat sur le financement des mosquées a été mis en avant depuis 2016 avec la présence d’imams français convertis et fichés S, s’interroge sur le terreau islamiste que constitue sa Grande mosquée de Genève. En effet, l’édification de ce lieu de culte a été financée par l’Arabie saoudite. Il a été inauguré en 1978 par le roi saoudien Khaled bin Abdulaziz.

Alors que d’autres capitales européennes veulent couper court à l’ingérence saoudienne dans la gestion de ces espaces, la Tribune de Genève (TdG) a rapporté, en mars 2018, que Fahad Abdullah Sefyan avait été désigné superviseur directeur général de la Fondation culturelle islamique de Genève, gestionnaire de la mosquée. Le diplomate saoudien a été nommé par la Ligue islamique mondiale (LIM), créée en 1962 dans le royaume wahhabite.

Avant cette annonce, des dysfonctionnements structurels ont été soulevés par des chercheurs, dont Hasni Abidi. «On veut une institution qui fonctionne de manière transparente et ouverte et qui permette aux musulmans genevois de sortir des caves», souligne à TdG le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

L’annonce sur la radicalisation d’un des deux ressortissants suisses qui ont fréquenté cette mosquée avant leur implication dans le meurtre d’Imlil met à rude épreuve le nouveau mandat de Fahad Abdullah Sefyan. Ce dernier devra faire ses preuves dans l’éradication des idées wahhabites promues par ses compatriotes à travers la mosquée de Genève.

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