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Grand Angle

Maroc : Hespress au cœur d’une tempête initiée par deux de ses ex-collaborateurs

Après avoir été le relais de polémiques, c'est au tour de la presse électronique elle-même d'être au coeur du scandale. Deux ex-collaborateurs du site d'information Hespress.com multiplient les accusations graves comme le recours aux «piratages informatiques» présumé des données personnelles de salariés. De l’autre, la direction du média dément en bloc. Les deux parties menacent de recourir à la justice.

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Image d'illustration. / Ph. Le Desk
Temps de lecture: 4'

Depuis lundi, le média arabophone Hespress est au cœur d’une tempête médiatique. A l’origine, des tirs croisés entre la direction du média ainsi que deux de ses ex-collaborateurs historiques.

Les bruits de couloir circulaient depuis plusieurs mois, mais lundi vers midi, Khalid El Berhli publie sur sa page Facebook un long article où des accusations lourdes sont portées envers ses anciens employeurs. S’exprimant sur son départ du premier média électronique arabophone au Maroc, le journaliste dit déballer tout, et cite notamment son confrère Noureddine Lachhab qui serait dans la même situation que lui.

Grandeur et décadence

Au menu de son long article, plusieurs «révélations» sur la cuisine interne de Marocads, l’entreprise éditrice de Hespress.com, accusée par le journaliste de «servir des agendas étrangers» et de «pratiques malsaines». L’occasion de citer le conflit entre les Emirats arabes unies et le Qatar, dans lequel le média marocain mènerait «une guerre médiatique contre les autorités de Doha, tout en redorant le blason des autorités émiraties». Son camarade, Noureddine Lachhab va plus loin en accusant les dirigeants du média marocain de l’«avoir incité à collaborer avec l’Etat sioniste et les Iraniens». Sur la même lancée, il reproche enfin à Hassane El Guennouni, l’un des fondateurs de Hespress, de «collaborer avec les Russes».

Des accusations qui ont piqué au vif les deux frères El Guennouni, fondateurs des sites Hespress et Hesport. Dans un communiqué publié lundi, relayé par plusieurs journalistes du média arabophone, Hespress dénonce une «campagne de diffamation et de suspicions concernant la situation financière des propriétaires». Dénonçant l'ensemble des accusations, comme «l’atteinte aux intérêts généraux du Royaume du Maroc ou encore de servir des agendas étrangers», le média arabophone fustige des «propos sans fondements qui peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires». Dans un autre article publié mardi soir, le média précise les raisons de cette campagne, dénonçant un «chantage» dont ses dirigeants auraient fait l’objet de la part des deux journalistes.

La direction dénonce une «campagne de diffamation»

Contacté par Yabiladi, Hassane El Guennouni dément en bloc les accusations portées à l'encontre de son média. «Hespress a réagi parce que ces deux personnes prétendent être des fondateurs du média et d’autres confrères les ont présentés comme tels, ce qui est faux», nous explique-t-il d'emblée.

«C'est la justice marocaine qui tranchera dans cette affaire. Les deux journalistes veulent clairement porter atteinte à l’image de Hespress en se basant sur des accusations infondées. En 10 ans d’expériences, jamais nous n’avons eu ce genre de problème avec nos ex-collaborateurs.»

Hassane El Guennouni

Si les frères El Guennouni considèrent comme légitime le recours à la justice contre de telles accusations, Noureddine Lachhab assure ce jeudi à Yabiladi que lui et son confrère ont d'ores et déjà porté plainte contre le média marocain. Il nous précise également avoir «démissionné de Hespress par ce qu’ils (ses dirigeants, ndlr) penchent du côté des Emirats arabes unis et critiquent le Qatar, ce qui importe dans notre pays les maux des Etats du Golfe».

Les Emirats et Aziz Akhannouch, deux lignes rouges ?

En plus du prétendu parti pris pour certains pays étrangers, les deux journalistes pointent des relations «incestueuses» qui lieraient Hespress à plusieurs personnalités et institutions. El Berhli accuse notamment le média de «disposer de contrats avec plusieurs personnalités marocaines», citant notamment «Habib El Malki ou encore Mohamed Sajid». Selon lui, ces contrats «commerciaux sont destinés à n’évoquer que les bonnes réalisations» de ces personnalités dans les articles publiés sur le site. Ce que Hassane El Guennouni dément en nous déclarant qu' «il n’y a pas de relations entre le commercial et l’éditorial au sein de notre média et d’ailleurs, je les défie de présenter un seul document qui prouve le contraire». 

Contacté par nos soins, Khalid El Berhli nous a renvoyé vers Noureddine Lachhab. Si ce dernier a répondu à nos différentes questions, il a préféré ne pas commenter celle concernant les contrats évoqués. Il s'est contenté de renvoyer à nouveau la balle à son confrère, désormais ex-directeur de publication de Hesport, et actionnaire de la société éditrice. «Je n’ai pas parlé de ces contrats. C’est Khalid El Berhli qui les a abordé», se défend-t-il, en rebondissant sur un autre point.

«Je défis Hespress de rédiger ne serait-ce qu’un article critique à l’encontre d’Aziz Akhannouch ou les Emitats arabes unis.»

Noureddine Lachhab

Piratage et surveillance téléphonique ?

L’autre accusation grave est relative à des «piratages de données personnelles» présumés. Précédemment révélés par l’ancien directeur de publication de Hesport, ils sont confirmés par Noureddine Lachhab qui dit disposer de preuves attestant que son mail aurait été piraté par la direction de Hespress. «Nous avons des preuves et des témoins. Ces mails contenaient des informations pouvant incriminer les dirigeants de Hespress», déclare-t-il.

Le journaliste ajoute aussi que «le cousin des frères El Guennouni est venu [l]’informer sur WhatsApp que Hassane est prêt à [lui] redonner accès à [son] mail.» Hassane El Guennouni réfute ces «allégations sans fondements». Il nous confie le fond de sa pensée : «Tout cela a été créé dans le cadre d’un plan visant à porter gravement atteinte à Hespress et en profiter pour créer un nouveau média électronique à travers le financement d’un ex-secrétaire général d’un parti politique». «S’ils veulent déposer plainte pour ce prétendu piratage, qu’ils le fassent. Nous n’avons aucun problème. Encore faut-il qu’ils disposent de preuves tangibles avant de lancer ce genre d’accusations», finit-il par lâcher.

Mais le sujet de la surveillance téléphonique et du piratage informatique au sein du média marocain revient avec insistance. «Des journalistes travaillant toujours à Hespress m’avaient mis en garde contre l’utilisation de ma ligne ou de mon mail professionnels pour des raisons personnelles», nous confie une ancienne collaboratrice du média, évoquant une «rumeur selon laquelle les dirigeants surveilleraient leurs employés». Contactés ce mercredi par Yabiladi, plusieurs ex-collaborateurs de Hespress affirment avoir «eu vent» de ces accusations au sein de la rédaction du média marocain, sans pour autant pouvoir les confirmer… Un climat délétère qui aurait poussé un certain nombre de collaborateurs à quitter le navire ces derniers mois et à retarder le lancement de la version francophone de Hespress. Mais Hassane El Guennouni, là aussi, s'inscrit en faux en démentant la «vague de démission» évoquée par Noureddine Lachhab sur Facebook. 

En définitive, le grand débalage pourrait se régler devant les tribunaux. Mais quelque soit le dénouement, l'image du premier média arabophone au Maroc risque d'y laisser des plumes. Ces derniers mois, l'audience de Hespress aurait chuté de moitié selon Khalid El Berhli.

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