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Grand Angle  

Prix Sakharov : Nasser Zefzafi raconte comment il a été «kidnappé et torturé»

Dans un discours prononcé par le père de Nasser Zefzafi devant le Parlement européen, l’activiste raconte comment il a été «kidnappé et torturé par la police». Il adresse également un message à toutes les personnes libres depuis sa «sombre cellule».

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Le père et la mère de Nasser Zefzafi au Parlement européen, mercredi 12 décembre 2018. / Ph. DR
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Finaliste du prix Sakharov 2018, Nasser Zefzafi, figure de proue du Hirak du Rif, est sorti de son silence. Dans un discours prononcé au Parlement européen à l’occasion de la remise de cette distinction, mercredi 12 décembre, l’activiste rifain raconte la manière dont il a été «kidnappé et torturé» ce fameux 29 mai 2017.

Lu par son père, Ahmed Zefzafi, l’activiste félicite tout d’abord l’écrivain et réalisateur ukrainien Oleg Sentsov, lauréat du prix. Il a tenu à remercier «chaleureusement les personnes mentionnées par son père lors de ses visites en prison», notamment les eurodéputées Kati Piri, Kathleen Van Brempt et Judith Sarghentini.

Liberté, dignité et justice sociale

L’activiste fait également la rétrospective des évènements qui se sont déroulés dans la province d’Al Hoceima, et ce depuis 1818 et 1898, «lorsqu’une tribu entière fut exterminée dans la province d’Al Hoceima». Puis il évoque les événements de 1921 à 1926 et ceux de 1958, menant vers un décret «qui fit de la province d’Al Hoceima une zone militaire, dès le 24 novembre 1958 – décret par ailleurs toujours en vigueur».

Revenant sur la mort de Mohcine Fikri, Nasser Zefzafi parle de ses débuts et ceux du mouvement de contestation rifain. «À cette époque, lors des manifestations et des sit-in de protestation, j’avais appelé à mettre en œuvre la liste des revendications, qui comportait trois composantes principales : une université, la construction d’un hôpital spécialisé dans le traitement du cancer et la création d’emplois», explique-t-il dans sa lettre.

L’appel en faveur d’une «lutte contre la corruption et les causes de l’immigration clandestine, et pour la défense des droits de l’Homme», a conduit au slogan prononcé dans les rues : «Liberté, dignité et justice sociale», poursuit-il.

Cambriolage, kidnapping et torture

Plus loin, Nasser Zefzafi dénonce aussi «la réponse de l’Etat, qui est venu réitérer les mêmes actions répressives susmentionnées». Il évoque le «cambriolage de [sa] maison», qui a «été pillée de façon barbare par la police après la destruction de la porte extérieure, en [son] absence (…) sans autorisation légale». En conséquence, «[sa] mère a été attaquée, après quoi elle a perdu connaissance, et [son] père a dû être transféré à l’hôpital», précise-t-il.

En larmes, le père de Nasser Zefzafi poursuit la lecture évoquant ce fameux 29 mai 2017. Ce jour-là, il raconte avoir été kidnappé. «Le 29 mai 2017, j’ai été enlevé dans un endroit sur la côte après que la région a été assiégée par des navires de guerre, des hélicoptères et des véhicules militaires escortés par un grand nombre de soldats lourdement armés. Tout ça pour kidnapper un homme désarmé», raconte-t-il.

«Ici (au commissariat, ndlr), j’ai été soumis aux pires formes de torture : [j’ai été] battu avec des objets tranchants, des objets en métal et des bûches, ce qui a entraîné un important saignement. J’ai également été soumis à une torture physique, verbale et morale et à la forme de torture la plus extrême : le viol. Tout cela s’est passé alors que nous étions encore à terre. La violence s’est poursuivie sans interruption à bord de l’hélicoptère qui m’a transporté d’Al Hoceima à Casablanca. Alors que je saignais abondamment et que ma tête était couverte, cinquante agents m’ont torturé à tour de rôle.»

Nasser Zefzafi

Il dénonce par ailleurs le fait que l’auteur de la vidéo dans laquelle on l’aperçoit nu dans un commissariat de police, qui a été publié sur le site d’information Barlamane.com, soit toujours libre.

Enfin, évoquant les 52 autres activistes également accusés dans le cadre du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi parle d’un «proces factice», durant lequel il a été «confiné pendant 15 mois dans un endroit invivable».

Pour rappel, Nasser Zefzafi a été condamné à 20 ans de prison ferme pour «atteinte à la sécurité de l’Etat». Une condamnation qu’il n’impute pas à «un crime, mais à [son] désir de s’éveiller un jour dans un monde sans armes, où les frontières seraient levées et où l’humanité vivrait en paix sur cette belle planète bleue». Il dit avoir perdu tout espoir, mais appelle «toutes les personnes libres de ce monde à s’efforcer à réaliser ce rêve depuis [sa] sombre cellule».

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