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Histoire : Princesse Fannou, la guerrière qui défendit le dernier bastion des Almoravides

Le déclin des Almoravides fut dépeint en batailles acharnées contre l’armée de leurs successeurs, les Almohades. Cependant, peu connaissaient le rôle de Fannou bent Omar ben Yintan dans ces batailles, au cours desquelles les hommes d’Ibn Tumart ne prirent le pouvoir qu’au décès de la jeune femme sur un champ de guerre.

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Vestiges du palais et de la mosquée almoravides, le long de la Koutoubia / Source : madeleine-et-pascal.fr
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Au Maroc médiéval, la participation féminine aux actions militaires sur le terrain fut peu souvent mise en avant par les chercheurs. Pourtant, celle-ci exista et la princesse Fannou le prouva bel et bien. Née sous les Almoravides (1040 – 1147), elle grandit dans un palais à Marrakech aux côtés de son père, Omar ben Yintan. Sa date de naissance ne fut pas connue, mais les historiens indiquèrent son décès à un jeune âge, dans la première moitié du XIIe siècle en plein déclin de l’empire.

Depuis qu’elle vit le jour jusqu’à être tombée sur le champ de la bataille ultime avec les Almohades (1121 / 1147 – 1269), la princesse Fannou aurait en effet appris à manier les armes et à s’entraîner pour se préparer aux nombreuses guerres et batailles menées par les soldats de son époque. Difficile de connaître son rôle précis dans la cour royale. Mais dans son temps, les femmes furent nombreuses, sous le règne du sultan almoravide Ali ben Youssef ben Tachfine (1106 – 1143), à prétendre au poste de conseillère politique.

Une combattante en première ligne de front

D’autres femmes aspiraient «ouvertement à l’exercice du pouvoir», comme le rappela la chercheuse Osire Glacier dans son ouvrage «Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui» (Tarik éditions, 2013). L’auteure suggéra d’ailleurs que la princesse Fannou aurait fait partie de cette seconde catégorie.

En effet, qu’elles fussent aux premières loges ou dans l’ombre, les femmes almoravides participèrent «vigoureusement à la gestion des affaires publiques de la dynastie, tout comme certaines d’entre elles participaient au combat contre les Almohades, nouveau mouvement religieux qui convoitait le pouvoir», selon la chercheuse.

«Pour arriver à ce degré d’habilité dans le maniement de l’épée, la princesse Fannou a dû suivre un long entrainement, c’est-à-dire un enseignement quotidien. Notons par ailleurs qu’elle ne fut pas la seule à manier l’épée. La fille d’ibn Toumart combattit son père durant une journée entière pour lui prouver qu’elle était digne d’être une calife.»

Osire Glacier, «Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui - la résistance et le pouvoir au féminin» (Tarik éditions, 2013)

Dernière défenseuse de la forteresse almoravide

La princesse Fannou réalisa précocement que l’armée almoravide aurait besoin d’elle, d’autant plus que les derniers sultans qui se succédaient faisaient face à une lutte de plus en plus acharnée face à l’extension Almohade. En effet, alignés derrière le faqih Mohamed ibn Toumart (1121 – 1130), ces dernier gagnaient le soutien des tribus amazighes en prêchant l’unité divine et le retour du Coran, «pour contrer le juridisme malékite des Almoravides», selon Osire Glacier. Le sultan Abd al-Mumin (1130 – 1163), successeur d’ibn Toumart, s’engagea ainsi dans une guerre sans merci contre les Almoravides.

En 1145, Tlemcen fut alors conquise par les Almohades, de même qu’Oran et Fès. S’approchant de la capitale almoravide, les hommes d’Abd al-Mumin lancèrent l’assaut contre Marrakech en mars 1147. Le combat dura cinq jours pour que les Almohades pussent pénétrer dans la ville. L’offensive dût s’étendre sur une sixième journée, afin de conquérir le grand palais almoravide. Tout au long de ces combats, la princesse Fannou mena la vie dure aux nouveaux conquérants. Citant Henri Terrasse, Osire Glacier rappela d’ailleurs que «la qasba résista avec acharnement, mais succomba à son tour lorsqu’une jeune fille almoravide qui combattait habillée en homme fut tuée».

Une guerrière habillée en homme

De son côté, l’historien Lévi Provençal expliqua que les Almohades ne réussirent à investir le palais des Almoravides «qu’une fois que Fannu, fille de Umar ben Yintan eut péri». Selon lui, «elle avait ce jour-là combattu les Almohades, vêtue en homme. Les Almohades étaient émerveillés de sa conduite au combat et de la bravoure dont Allah l’avait dotée ; elle était vierge. Sitôt qu’elle eut péri, le château fut enlevé». Lévi Provençal confirma ainsi la thèse selon laquelle «jusqu’au moment où elle fut tuée, les Almohades ne savaient si c’était une femme ou non».

Ainsi, le «Dictionary of African Biography» d’Emmanuel Kwaku Akyeampong retint que la mort de la princesse Fannou avait marqué le début de la conquête almohade du palais des Almoravides à Marrakech, la chute de la dynastie Almoravide et, «inversement, l’ascension de la dynastie almohade, qui régnera sur l’Andalousie et l’Afrique du Nord jusqu’à la Libye de 1147 à 1269».

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