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Grand Angle  

Green book : La culture n’est pas un totem d’immunité contre le racisme

Suffit-il d’être un grand artiste pour ne plus subir le racisme ? Accéder au sommet ne vous immunise pas contre le virus de la haine.

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Mahershala Ali et Viggo Mortensen jouant les deux personnages principaux du film Green Book, projeté dans le cadre de la 17e édition du FIFM. / Ph. Variety
Temps de lecture: 2'

Green book. En pleine COP24, on pourrait croire à une œuvre sur l’écologie et le réchauffement climatique. Cette comédie dramatique de Peter Farelly, projetée dans le cadre de la 17e édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM), nous plonge dans un climat tout aussi toxique pour l’être humain. 

C’est l’histoire de Don Shirley, un virtuose du piano tourmenté par sa couleur et son statut de sous-citoyen dans les Etats-Unis des années 60. Un riche artiste noir qui côtoie les puissants de New York et Washington mais qui est dans l’incapacité de comprendre et vivre dans une Amérique où la négrophobie étouffante dans certains quartiers populaires de New York, comme un peu partout dans les Etats du sud. 

Tony Lip quant à lui est un Italo-américain ayant grandi dans le Bronx. Tchatcheur hors pairs, il n’hésite pas à cogner pour régler les problèmes qui se présentent à lui. Son accent, son allure, sa manière de manger, tout chez lui transpire la classe populaire. Pour nourrir sa famille, il est prêt à parier 50$ qu’il est capable de manger plus de hot-dogs que le recordman du quartier qui pèse 130 kilos.

Du road movie à l’amour épistolaire

Tout sépare ces deux personnages magnifiquement interprétés par Mahershala Ali et Viggo Mortensen. Pourtant, c’est ce duo qui nous mènera dans un troublant road movie qui nous sert de kaléidoscope de l’Amérique de l’Apartheid, de l’esclavagisme et de la haine raciale. L’attelage oxymorique entre un «rital» bourru et un «noir habillé comme un majordome» qui vit dans sa bulle au premier étage du célèbre Carnegie Hall, pousse parfois à la caricature. Mais l’humour saupoudré tout le long du film, telles les lettres d’amour gras de Tony Lip à sa femme, font vite oublier les quelques scènes au trait forcé.

Le malaise est profond face à la réalité de cette Amérique profonde qui se bouscule pour assister à la représentation du pianiste noir mais qui l’humilie en lui interdisant les toilettes de l’établissement car réservés aux blancs. L’artiste adulé doit à la fois vivre avec sa solitude personnelle et affronter ce monde hostile. Il ne peut y échapper dès qu’il sort de son univers feutré.

«Eyes on the road»

De «Titsburgh» à Birmingham, Docteur Shirley et son assistant Tony Lip apprendront à se connaitre et s’influenceront pour mieux combattre leurs démons.

A la veille de Noël, l’artiste refusera d’accepter l’humiliation de diner dans le placard à balai lui servant de loge, alors que les blancs sont attablés au restaurant. Car «le génie ne suffit pas, il faut du courage pour changer les choses». Ce coup de menton bienvenu à Birmingham permettra au pianiste de jazz de se lâcher et jouer du Chopin comme il en rêvait. 

Ce film, basé sur une histoire vraie, a une valeur pédagogique certaine dans notre monde troublé. Contrairement à la vision simpliste et naïve, l’art ne peut pas tout. Il ne guérit pas du racisme, il peut même le cautionner. A l’heure où les Etats-Unis et d’autres pays sont tentés par les passions tristes, ce film sonne comme une ode à la rencontre avec l’autre pour casser les préjugés.

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