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Grand Angle

Canada : Le service de renseignement invite les étudiants musulmans…à prendre un café

Et ce n’est pas une information insolite. Des dizaines d’étudiants musulmans établis au Canada affirment avoir reçu des appels téléphoniques du service canadien du renseignement de sécurité (CSRS) les invitant à prendre un café et à discuter. Une pratique courante qui ressemble à du profilage et que dénoncent les organisations musulmanes au Canada.

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Photo d'illustration. / DR
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Des dizaines d'étudiants musulmans en Saskatchewan disent avoir été contactés et interrogés par des agents du service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sans raison. L’information est rapportée ce samedi par Radio Canada et Vice.

Le premier relaye la version de Usaid Siddiqui, étudiant et président de l’Association des étudiants musulmans de l’Université de Regina. Il dit avoir reçu l'appel d’un agent du SCRS l’été dernier, lui demandant de le rencontrer, mais sans plus de détails. Une demande que l’étudiant déclinera après avoir consulté un avocat.

Plusieurs cas dans la province de Saskatchewan

Usaid Siddiqui n’a jamais su pourquoi cet agent voulait le rencontrer. «Je lui ai demandé : "Pouvez-vous me dire de quoi il s'agit ? Vous êtes du SCRS, c’est une affaire énorme, c’est quelque chose de sérieux" Il ne voulait pas me donner une once d’information», explique-t-il à Radio Canada.

Ce dernier affirme qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. Selon le président de cette association d’étudiants, «une dizaine d’étudiants musulmans à Regina et plusieurs autres étudiants provenant d’autres universités canadiennes ont aussi reçu des appels semblables depuis 2006».

Un autre membre de ladite association pensait que son ami était paranoïaque avant de recevoir lui aussi un appel du Service canadien du renseignement de sécurité pour l’inviter à…prendre un café et discuter, rapporte Vice. «Je me disais, si je dis ou fais quelque chose qu’il n’aime pas ? Est-ce que ça va compromettre mon avenir ?», a déclaré l'étudiant ayant passé plusieurs jours à réfléchir, vu que l’appel «l’a tout de même ébranlé».

«C’est effrayant pour les étudiants présentement. Certains ont pensé que, s’ils n’allaient pas les rencontrer, ils se retrouveraient en prison ou ailleurs, alors ils l’ont fait par peur», confie Usaid Siddiqui. «Quand une agence d’espionnage ou une agence de renseignement vous appelle, cela sonnerait l’alarme chez n’importe qui et causerait de l’inquiétude chez n’importe qui», explique le Dr Joel Schindel, de l’Organisation canadienne des aumôniers musulmans à Saskatoon, cité par Radio Canada.

Ce dernier dit même connaître plusieurs étudiants qui vivent cette situation dans la province. «Le problème, c'est que nous ne savons pas pourquoi. Cela a un effet négatif sur notre communauté, nous avons le sentiment d'avoir fait quelque chose de mal», dénonce-t-il.

Monnaie courante au Canada

Cette invitation à aller prendre un café serait «une tactique courante du SCRS», selon Leila Nasr, coordonnatrice des communications au National Council of Canadian Muslims (NCCM). C’est une façon d’obtenir de l’information auprès des jeunes musulmans sur leurs amis ou d’autres membres de l’association étudiante musulmane qu’ils soupçonnent de s’être radicalisés.

Les étudiants musulmans sont «tout le temps» ciblés par les autorités, dit-elle. Au cours des quatre dernières années, le NCCM a traité des cas à l’Université de Toronto, à l’Université de Waterloo, à l’Université York, à l’Université Dalhousie et à l’Université Carleton, précise-t-elle.

De son côté, le SCRS explique, par courriel adressé à Radio Canada, qu’il «entre souvent en contact avec la population canadienne, un peu partout au pays, pour obtenir des informations sur des questions liées à son mandat d’assurer la sécurité nationale». «Lorsque le SCRS sollicite l’aide de Canadiens et de Canadiennes, il insiste sur le fait que toute collaboration est volontaire. Il veille à ce que ses activités soient conformes à la règle de droit, éthiques, nécessaires et proportionnelles à la menace», ajoute son sous-chef aux affaires publiques, John Twonsend.

Leila Nasr rappelle que le refus de les rencontrer ne pourra jamais jouer contre les étudiants, même s’ils ne sont pas citoyens canadiens. «C’est tellement décourageant d’apprendre que des étudiants, dont beaucoup ne sont que de passage au Canada pour leurs études, peuvent se sentir tellement surveillés, attaqués presque, alors qu’ils ont une vie normale et n’ont rien à cacher», dénonce-t-elle.

Quant à Hassan Guillet, du Conseil des imams du Québec, il estime qu’«aller voir des gens juste à cause de leur origine ethnique ou de leur appartenance, ça ressemble à du profilage».

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