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Grand Angle

Figuig : Que deviendront les 650 hectares du projet de zone militaire abandonné ?

Après un mois de consultation populaire et un autre de réunions à plusieurs échelles, le projet de zone militaire dans le cadre du plan d’aménagement de Figuig a été abandonné. Désormais, cette superficie est prévue pour des activités agricoles, bien que la population en ignore encore les grandes lignes.

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A Figuig, la vie économique est étroitement liée à celle des palmeraies de la ville / Ph. DR.
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Du 1e au 31 août dernier, les habitants de Figuig se sont mobilisés pour rejeter le projet d’aménagement urbain prévoyant une zone militaire au cœur de la ville. S’il était retenu, ce plan aurait amputé près de 650 hectares à un espace habité déjà rétrécis dans les années 1970. Désormais, ce dernier sera exploité pour sa vocation initiale, celle de l’agriculture oasienne et de l’exploitation économique des palmeraies.

Aziza Jabbari, militante associative dans la ville de Figuig, nous explique que l’abandon de cette décision a été pensé à l’issue d’une réunion, tenue le premier novembre dernier à Rabat, «en présence de représentants de l’agence urbaine d’Oujda, du préfet et du président de la commune de la ville de Figuig, des ministères de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, ainsi que de l’état-major», nous dit-elle.

Pour la militante «c’est une leçon à retenir, puisque les responsables qui se sont déplacés sur les lieux ont vu par leurs propres yeux à quel point les oasis de la région contribuent au développement agricole local ; les abandonner vient à condamner la ville à une mort à petits feux».

«Un long débat a eu lieu et le projet de mise en place de cette zone a été abandonné, après examen des doléances populaires portées par la commune. La société civile a fait entendre sa voix à travers une importante mobilisation, des rencontres et des débats élargis, en plus d’une couverture médiatique qui a donné de la visibilité à tout cela.»

Aziza Jabbari, militante associative

Figuig a déjà perdu du terrain exploitable

Si les acteurs locaux estiment que l’abandon de ce projet est un fait inédit, ce n’est pas la première fois que la ville de Figuig s’est confrontée un l’abandon partiel de ses territoires. Aziza Jabbari nous le rappelle : «Dans les prochaines années et au lieu de reproposer – éventuellement – un projet de zone militaire, nous appelons le gouvernement marocain à se pencher sur ce qui en est des terres de notre Sahara oriental, dont des territoires ont été investis par l’armée algérienne après un recul forcé de la population.»

Aujourd’hui, les 650 ha qui allaient être annexés à l’armée marocaine «sont ouvertes aux propriétaires qui y ont des parcelles agricoles, notamment pour reprendre la récolte des dates qui a été interrompue le mois dernier à cause de ce projet d’aménagement», nous affirme encore Aziza Jabbari.

Abdessalam El Kouch, membre de la commission de l’égalité des changes au sein de la commune de Figuig et président de l’association Annahda, nous explique que le changement de cette situation trouve sa source dans un «consensus entre la population, les autorités locales, régionales et la commune, tous d’accord sur l’aspect dommageable de ce projet». «Cela dit, nous restons vigilants sur l’exécution de ces promesses, afin que l’on ne revienne pas sur cet acquis dans l’avenir», précise le responsable.

Abdessalam El Kouch espère que des familles comme la sienne pourront récupérer leurs terres déjà perdues en 1975, soulignant qu’«un palidoyer et des recommandations ont été faites dans ce sens-là, notamment dans le cadre de l’Instance équité et réconciliation». En effet, il confie à Yabiladi avoir demandé une réparation collective en tant que familles privées de source de revenus liées à cette activité agricole, mais que «les autorités expliquent que cette question revêt un aspect international».

Un projet de développement agricole

Née à Figuig, la socio-économiste Samira Mizbar s’est rendue sur place, au moment des consultations, pour organiser les débats avec les habitants et les procédures de pétition. Elle nous explique que le fait d’obtenir une annulation totale de ce projet est une première, même si elle garde des réserves sur l’évolution des événements. «Jusque-là, je n’ai jamais vu d’annulation de projet d’aménagement, affirme-t-elle. Le cadre institutionnel de ce processus n’est pas très clair. On sait que l’état-major s’est réuni, mais on ne connaît pas encore les tenants et les aboutissants de l’ensemble de ces démarches».

«Il y a deux ans, lorsque nous avons commencé à débattre de la création d’une zone militaire, on m’expliquait clairement cette initiative par le souci d’affronter une menace terroriste. Du jour au lendemain, ce discours-là n’est plus tenu, mais personne ne sait encore ce qui a influencé ce changement.»

Samira Mizbar, socio-économiste

Egalement militante associative, la spécialiste souligne, il y a des années, la construction d’un barrage dans le cadre du Plan Maroc vert, permettant la création d’un réseau d’irrigation ayant permis à Figuig de fructifier l’agriculture de dattes. «Il y a une volonté de créer un point agricole dans la ville et il y aura certainement une tentative de conquête dans ce sens, affirme-t-elle. Mais là encore, on se demande quels sont les tenants de tout ce processus, s’il y a des investissements prévus, quels en sont les détails...».

En visite la semaine dernière dans la région, Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts a évoqué dans ce sens des projets de développement des palmeraies. Une stratégie qui visent notamment la production de dattes, la distribution de vitro plants, de même que la mobilisation de quelque 2 790 hectares des terres collectives au profit d’investisseurs privés, l’aménagement de 144 autres dans le cadre du Fonds de développement agricole, la mise en place d’une unité de refroidissement, ainsi que l’aménagement des séguias et khettaras.

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