A son arrivée en France en 2010, Youssef Mellouki ne s’imaginait pas vivre à long terme dans l’Hexagone. Huit ans plus tard, c’est pourtant toujours à Paris qu’il réside, après ses études en finance de marché à l’EM Lyon Business School et, avant, en ingénierie à l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers de Meknès. «Initialement, je voulais rentrer au Maroc le plus tôt possible mais au fil du temps, mes projets ont changé. En France, il y a un cadre de vie plutôt agréable alors qu’au Maroc, le climat est relativement morose», nous dit-il.
Pourrait-on en vouloir à ce jeune trentenaire (34 ans) de préférer à son pays les grands boulevards parisiens et d’avoir voulu s’y nicher une zone de confort ? Pas le moins du monde. Il reste d’ailleurs attaché au développement de son pays natal.
«Je suis conscient de l’importance de participer au développement de mon pays, et c’est ce que je fais via une association humanitaire dont je suis le président.»
En septembre 2015, Youssef Mellouki a fondé «Choisir d’Agir», une association française loi 1901 qui chapeaute des projets relatifs à la scolarisation des enfants dans des pays en voie de développement, notamment à travers la construction d’infrastructures adaptées, la rémunération des enseignants et l’envoi de fournitures scolaires.
A Azilal, petite ville du Haut-Atlas, une école est ainsi sortie de terre grâce à son association.
«Je trouve que c’est beaucoup plus intéressant d’agir depuis l’étranger dans le sens où au Maroc, quand on est salarié et qu’on paye des impôts, on a aucune idée de ce qui est fait avec cet argent et, au pire, nos cotisations alimentent une machine pas très performante qui ne se concentre pas sur les grandes priorités du pays. Alors que là, à travers cette association, j’ai la parfaite conviction que le moindre petit centime que je fais entrer au Maroc va vers la priorité: l’éducation.»
Le jeune cadre se rend au royaume en moyenne une fois toutes les six semaines, pour s’assurer de l’état d’avancement des projets gérés par son association.
Un intérêt particulier pour l’humanitaire
L’association recense 25 membres et peut compter sur environ 1 200 adhérents et donateurs. Youssef Mellouki et son équipe préparent actuellement le lancement, en France, d’une plateforme en ligne pour mettre en relation des personnes sans domicile fixe et des gens prêts à les héberger. Sur le modèle des «Restos des cœur», ce programme a été baptisé «Les lits du cœur». Il devrait être opérationnel mi-novembre. Il a également effectué plusieurs voyages au Sénégal depuis mars pour une première phase de repérage dans le cadre d’un programme d’accès à l’eau. «On étudie la possibilité de construire des puits dans plusieurs villages qui manquent cruellement d’eau», précise-t-il.
L’humanitaire tient une place importante dans la vie de ce Franco-marocain originaire de Dakhla. C’est aussi à travers la photographie que cet intérêt se manifeste. «A la base, je faisais beaucoup d’infographie, confie-t-il. Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la photographie, jusqu’au jour où j’ai acheté par hasard un appareil photo. Je pense qu’on peut véhiculer pas mal de messages via la photographie.» Puis est venue la vidéo, qui lui a permis de tourner trois documentaires. Le dernier s’appelle «Un Marocain chez les réfugiés syriens», réalisé au nord de la Jordanie, dans le camp de Zaatari.
«Je suis parti trois semaines pour filmer les conditions de vie là-bas, dans le désert, et les difficultés que rencontrent les réfugiés. Je suis également allé en Grèce, sur l’île de Kos, qui était l’un des principaux points de passage des réfugiés syriens en Europe.»
Du Maroc en revanche, Youssef Mellouki garde le souvenir des plages interminables de Dakhla, où il a vécu jusqu’à l’âge de 14 ans : «Les plages de Dakhla sont les premières que j’ai vues. A l’époque, je les trouvais banales, je pensais qu’elles n’avaient rien d’extraordinaire. La première plage que j’ai vue, ailleurs qu’à Dakhla, c’était celle de Mehdia, dans la région de Kénitra. Là-bas, j’ai été choqué par le sable noir, les marchands ambulants partout, la foule, les parkings tout autour… J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que les plages de Dakhla étaient en réalité les plus belles, les plus exceptionnelles.»