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Grand Angle

Histoire : Et si le flamenco était d’origine arabe ?

Le flamenco est indissociable de la culture andalouse. Cet art est pourtant bien inspiré de la culture arabe. Histoire.

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Image d’illustration./ Ph. DR
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Le flamenco cet art, ce chant, cette danse particulière, qui vous fait directement atterrir dans le sud de l’Espagne. Ce n’est un secret pour personne, le flamenco est un pilier de la culture andalouse. De nombreux chercheurs et spécialistes ont défendu la théorie selon laquelle cet art serait fortement inspiré par la culture d’Al Andalous et donc arabe. L’un des précurseurs de cette idée, n’est autre que Blas Infante, connu pour être le «père de la patrie Andalouse».

L’écrivain, idéologue et principal fondateur du nationalisme andalou a défendu cette idée dans son ouvrage, «Origines du flamenco et secret du chant jondo (1929-1933)». C’est en décortiquant l’appellation du mot flamenco que Blas Infante défend tout d’abord sa théorie. Il estime que flamenco provient du terme arabe «fellah mengub», qu’il traduit par «paysan errant». Si cette traduction a été contredite par d’autres spécialistes, pour qui le terme «mengub» n’existe pas en arabe, une chose est sûre, il y a bel est bien des similitudes entre cet art et les différentes manifestations artistiques arabes. 

Rapprochement entre gitans et arabes

Mustafa Akalay, docteur en histoire de l'art, urbaniste et responsable d’activités culturelles et scientifiques du Maghreb et du monde arabe nous explique les fondements de cette théorie.

«Lorsque les gitans sont arrivés d'Inde et après s’être établi dans les pays de l’Europe de l'Est, principalement en Hongrie d’aujourd’hui, ils se sont dirigés vers la péninsule ibérique. Un rapprochement culturel entre les maures (qui désigne les habitants d’Afrique du Nord, ndlr) et les gitans auraient subsisté. De là certains disent que les gitans ont découvert ce genre musical.»

Mustafa Akalay, docteur en histoire de l'art.

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Cette connivence s’est accentuée et renforcée au fil des années, «car ces deux communautés étaient discriminées et persécutées, et se sont donc entraidées», poursuit-il. Blas Infante avait ainsi expliqué que «le chant flamenco trouve son origine dans les chansons des morisques qui, après le décret d'expulsion dicté par Felipe III, se cachaient dans les montagnes en se joignant à des groupes de gitans itinérants pour contourner le décret d'expulsion qui pesait sur eux».

Parmi les empreintes indélébiles de cette histoire commune, celle qui en atteste le mieux est l’héritage linguistique. Outre, les mots d’origine arabe qu’on retrouve de nos jours dans la langue espagnole, il y a des termes spécifiques à l’art du flamenco qui dérive de ce rapprochement entre gitans et maures.

Termes et influences arabes dans les chants de flamenco

Mustafa Akalay décortique pour Yabiladi quatre «palo» (style de chant) de flamenco dont la terminologie fait référence à des termes en arabe. Il y a tout d’abord le chant qu’on appelle la Seguiriya, un chant libre qui dans sa forme primitive se faisait a cappella. Ce terme «seguiriya, vient de mot arabe saghira (petite en français)», explique-t-il.

Autre palo du flamenco, la Bulería, un chant festif, de rythme vif qui s’accompagne de claquements de mains, qu’on appelle «palmas». L’origine même de se terme vient du mot arabe «al balwara, qui signifie la création de quelque chose de nouveau», explique Mustafa Akalay.

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Le mot Zambra, autre chant de flamenco fait allusion au terme «Assamar». Si même dans la culture arabo-andalouse se terme fait allusion aux soirées animées par des chants musicaux, la culture du flamenco a hérité de cette pratique qui se déroule lors de ce qu’on appelle les fêtes zambra, dont les plus renommées se font à Grenade et à Almería.

L’autre exemple apporté par l’enseignant-chercheur  à l’Université EuroMed de Fès (UEMF) est le Martinete. Ce chant ancestral est «ce qu’on pourrait comparé au ‘mawal’ ou le chant d’une seule personne». Le chanteur de Martinete se faisait généralement accompagné d’un bâton à la main. Si certains historiens rapporte cette particularité à une inspiration des forgerons et des chaudronniers, Mustafa Akalay nous livre un autre aspect de l’histoire qui veut que «cette inspiration soit venue des imams, qui tenait à leur main une canne sur le minbar lorsqu’il priait».

Autre petite curiosité serait l’histoire derrière l’exclamation Olé, lors des chants de flamenco. En effet, certains l’attribuent aux arabes et musulmans qui s’exclament Allah face à un chant ou une danse bien exécutés.  

Le flamenco s’est exporté au Nord du Maroc

Loin de la gaieté de certains chants de flamenco, la destinée des arabes d’Al Andalous sera des plus amères. Chassés de la péninsule ils seront persécutés par le régime qui leur imposera de se convertir au christianisme. Des décrets de ce que l’on appelle l’Inquisition espagnole ou tribunal du Saint-Office de l'Inquisition, juridiction ecclésiastique instaurée en Espagne en 1478, peu avant la fin de la «Reconquista», font référence à la réappropriation des terres détenues par des arabes.

«Durant cette période, l’Inquisition avait interdit l’utilisation de la langue arabe et de tout autre manifestation, que ça soit vestimentaire et même culinaire se rapportant à la culture maure.»

Mustafa Akalay

De retour au Maroc, les maures ont rapporté de nombreux héritages socio-culturels depuis la péninsule, et le flamenco en faisait partie. «Le chant flamenco était très présent dans les villes du nord, telles que Tétouan et Tanger», explique Mustafa Akalay. La première «peña» (groupe de personnes partageant la même passion) de flamenco a vu le jour à Tétouan un peu après 1860, précise-t-il. Sur scène se produisait des chanteurs, des guitaristes et des musiciens sur des sonorités de flamenco.

Lorsque l’histoire se répèta mais inversement, les Espagnols avaient enrichi la scène flamenco au Maroc. «Des géants du flamenco se sont produit au Nord du Maroc, tel que Juan Valderrama Blanca, qui avait chanté ‘l’émigré’ dans le théâtre de Cervantes de Tanger», ajoute Mustafa Akalay.

Cette chanson, mondialement connue et qui est le plus grand succès du chanteur a été écrite au Maroc. Juanito Valderrama l’avait écrite quelques heures après sa prestation au grand théâtre Cervantes, où il chante le mal du pays. 

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