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Grand Angle

Les médecins marocains allergiques aux impôts ?

En grève, les médecins et cliniques privées dénoncent un acharnement fiscal accentué par le nouveau projet de loi de finances 2019. Certaines de leurs revendications semblent pourtant en déphasage avec les réalités marocaines. Détails.

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Image d’illustration./ Ph. DR
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La grève des médecins du secteur privé fait suite à l’appel national formulé par les syndicats et associations pour protester contre l’absence de mesures concrètes répondant à leur dossier revendicatif.

Le sujet houleux n’est autre que ce qu’ils estiment comme étant un acharnement de l'administration fiscale. Contacté par Yabiladi, le président fondateur du Collège syndical des médecins spécialistes privés, Saad Agoumi, justifie ces revendications en partant du principe que «le médecin du secteur privé remplit une mission du secteur public d’abord, une mission de santé, qui revient constitutionnellement à l’Etat».

De plus, pour ce gynécologue, «les médecins ne sont pas suffisamment rétribués pour les efforts qu’ils font». Et d’ajouter que «le médecin opérant dans le secteur privé assure 67% des besoins de santé publique, alors que cela relève d'une mission de l’Etat. Ces gens-là, qui en assure 67%, ont le droit à la dignité et la considération».

Coup de blues chez les médecins privés

Le collège syndical dénonce également l’absence de couverture sociale pour les médecins ainsi qu’une pension de retraite, affirmant qu’il n’y a personne pour s’occuper des médecins, qui eux s'occupent des citoyens. Pour le gynécologue, médecins et malades sont les deux victimes des dysfonctionnements du système de santé au Maroc.

«Nous les plus âgés nous avons des problèmes de santé. Actuellement, les médecins n’arrêtent pas de vendre leurs biens pour se soigner. Sa Majesté le roi Mohammed VI en a pris en charge des tonnes, mais il ne va pas continuer toute sa vie comme ça.»

Saad Agoumi, Président fondateur du Collège Syndical des médecins spécialistes privés

Pire encore, le président affirme que «le travail est en train de couler et que les médecins qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sont de plus en plus nombreux, tout comme les pharmaciens». A l’âge de la retraite où lorsque les médecins eux-mêmes sont malades, «ils ne se retrouvent avec rien… Ils n’ont que leurs yeux pour pleurer». Pour le président, «les impôts payés ne bénéficient pas aux médecins qui ont à charge des factures d’un million de dirhams pour se soigner, n'ayant ni assurance maladie, ni retraite».

Fiscalité au bistouri

Pourtant, l'acharnement fiscal qu'il dénonce, ne se matérialise pas dans les chiffres. Selon les statistiques publiées par L'Economiste s'agissant de l'impôt sur le revenu, «la contribution moyenne de 53% des médecins privés spécialistes ne dépassent pas 12 000 DH par an». Les revendications des médecins libéraux sont-elles justifiées compte tenu de la pression fiscale relativement modérée ?

Pour Mehdi Fakir, expert-comptable et conseiller juridique et fiscal, «c’est compliqué de donner des faveurs fiscales, alors qu’aujourd’hui l’adhésion à l’impôt est un sujet qui devrait être plus entretenu, mieux suivi et plus discuté entre les parties prenantes». De plus, pour l’expert, les médecins du privé bénéficient déjà de certains allégements, à savoir une exonération de la TVA sans droit à déduction.

Si les médecins parlent d’acharnement, l’expert préfère évoquer «un ciblage de la part du législateur qui depuis les assises nationales de Skhirat, fait la chasse à l’exonération et aux exemptions fiscales, qui se doivent d’être de plus en plus justifiées».

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