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Grand Angle

Huelva Gate : Les saisonnières marocaines fustigent Mohamed Yatim

Dix saisonnières marocaines mènent un combat en Espagne pour dénoncer les agressions sexuelles présumées dont elles disent avoir été victimes. S’estimant trahies par le syndicat espagnol qui les a longtemps épaulées, elles dénoncent également le manque d’implication des autorités marocaines depuis le début de l’affaire.

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Mohamed Yatim, ministre du Travail et de l'insertion professionnelle. / Ph. DR
Temps de lecture: 3'

La semaine dernière, les saisonnières marocaines ont dénoncé le Syndicat espagnol des travailleurs andalous (SAT), celui-là même qui les avait accompagnées dans leurs démarches pour dénoncer les abus qu’elles auraient subis dans les champs de fraise. Le SAT aurait en effet profité de leur vulnérabilité pour les exploiter et leur soutirer de l’argent, peut-on lire dans la plainte déposée le 29 septembre dernier.

Contactée par Yabiladi, l’une d’entre elles, Saida (*), affirme que tout se passait bien jusqu’au jour où elles ont découvert que José Blanco, un membre du SAT qui les accompagnait au quotidien, leur avait soutiré près de 1 400 euros.

«Nous avions un compte commun sur lequel on avait placé les 3 000 euros dont une membre de l’AUSAJ nous avait fait don pour que nous puissions chacune envoyer 300 euros à nos familles pour l’Aïd Al Adha. Nous sommes tombées des nues lorsqu’on a découvert que José Blanco avait retiré 1 400 euros sans nous prévenir et qu’il ne nous les avait jamais rendus.»

Saida, saisonnière marocaine à Huelva

Ce sont les avocats de l’Association des utilisateurs de l’administration de la justice (AUSAJ) qui les ont mises au courant. Bien avant le dépôt de la plainte, les saisonnières avaient décidé de se confronter en face à face avec le syndicat.

Menacées par le syndicat 

Dans la plainte déposée par l’AUSAJ au nom des saisonnières, celles-ci dénoncent également «l’enlèvement du nouveau-né de l’une des travailleuses». Saida nous explique que les faits remontent au 14 septembre dernier, lorsqu’elles se sont rendues au syndicat pour réclamer des explications. Ce jour-là, quand les membres du syndicat ont su que les saisonnières marocaines allaient partir, «José Blanco a appelé sa femme, qui a envoyé sa sœur pour dissuader la mère de partir, menaçant d'emmener le bébé».

Notre interlocutrice nous affirme que la jeune mère ne voulait pas rester avec eux. Le jour même, elles ont plié bagages et se sont installées dans une autre ville. Les saisonnières soulignent toutefois que le «syndicat a été très bon» avec elles, mais qu’elles sont parties, arguant que «si quelqu’un est capable de te soutirer de l’argent, il sera capable d’autre chose».

Joint par Yabiladi, José Blanco nous explique de son côté que la somme de 1 400 euros a été retirée pour couvrir toutes les charges financières des saisonnières, qui ont été nourries et logées par le syndicat durant ces trois derniers mois. Le syndicat avait pourtant affirmé dès le début de l’affaire qu’il allait prendre en charge la totalité des frais jusqu’à ce que justice soit faite.

Responsabilité des autorités marocaines 

Les saisonnières marocaines ont finalement coupé le cordon avec le syndicat et sont désormais prises en charge par leurs avocats de l’AUSAJ. «Il y a toujours un manque, tant qu’on est loin de notre famille et de nos enfants», nous confie Saida. Même si elles souhaitent retourner au Maroc, les saisonnières assurent qu’elles ne le feront que «lorsqu’elles auront prouvé qu'elles sont victimes et que ce qu’elles dénoncent est une réalité dont plusieurs Marocaines ont fait les frais». De plus, elles pointent la responsabilité des autorités marocaines, qui selon elles «les ont envoyées en Espagne comme du bétail».

«Ni les responsables, ni le ministre du Travail n’ont accordé de l’importance à cette affaire. Personne n’a été à nos côtés, ni n’a pris de nos nouvelles.»

Pour rappel, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Yatim a longtemps démenti les accusations formulées par les saisonnières marocaines, évoquant plutôt des «cas très isolés». Il estime qu’«entre 10 et 12 ouvrières marocaines ont été victimes de tentative de harcèlement», préférant ne pas parler d’«agressions sexuelles» présumées.

Les travailleuses agricoles déplorent ainsi le manque de soutien des responsables marocains, qui à leur sens «auraient au moins dû fournir un traducteur», car comme le prouvent de nombreuses situations dans cette affaire, la barrière de la langue a été décisive. Saida affirme enfin qu’elle et ses compatriotes vont poursuivre leur combat : «Ceux qui veulent l’accepter le feront et ceux qui n’arrivent pas à le faire, tant pis pour eux.»

(*) Le prénom a été modifié.

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