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Grand Angle

Huelva Gate : Les saisonnières marocaines à nouveau persécutées ?

Entre le rejet de la Cour suprême de statuer sur l’affaire et les nouvelles révélations des saisonnières marocaines, victimes présumées d’agressions sexuelles, l’affaire du Huelva Gate semble avoir pris un tournant pour le moins inattendu.   

Publié
Image d’illustration./ Ph. DR
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Dans une plainte déposée le 29 septembre dernier, les saisonnières marocaines de Huelva ont dénoncé le traitement qui leur a été accordé par le Syndicat des travailleurs andalous (SAT) qui, pour rappel, les avait accompagnées dans leurs démarches pour dénoncer les abus qu’elles auraient subis.

Elles l’accusent notamment de les avoir exploitées et menacées en plus de leur avoir soutiré de l’argent. Ces accusations visent une personne en particulier, José Blanco, représentant du SAT à Malaga et qui accompagnait ces femmes au quotidien, rapporte l’agence de presse Europa Press.

Extorsion d’argent

La plainte, déposée par les avocats de l’Association des utilisateurs de l’administration de la justice (AUSAJ) au nom de leurs clientes, affirme que «les saisonnières ont été utilisées par J.B. qui leur a soutiré plus de 1 400 euros», en plus de les avoir fait travailler de façon illégale.

Concernant l’argent soutiré par le membre du syndicat, il faut remonter jusqu’au 22 août dernier. A cette date, une collaboratrice de l’AUSAJ avait fait un don de 3 000 euros pour les saisonnières afin qu’elles envoient de l’argent à leurs familles au Maroc, à l’occasion de l’Aïd Al Adha. Cette somme a été placée dans un compte en banque au nom de l’une d’entre elles. Par la suite, et sans qu’elles aient été prévenues, José Blanco aurait modifié le code d’accès grâce à une autorisation obtenue de «manière frauduleuse», peut-on lire sur la plainte, relayée par le magazine El Mar de Onuba.

Les accusations ne s’arrêtent pas là : les saisonnières dénoncent également le fait de n’avoir jamais touché d’argent, après l'organisation d’une action caritative à Cadiz dont les fonds obtenus devaient leur revenir pour le recouvrement de leurs dépenses journalières.

Par ailleurs, les saisonnières dénoncent leurs conditions de vie et disent avoir passé plusieurs jours «la faim au ventre». En effet, «les bananes, les œufs, les pommes de terre, qui souvent étaient avariés, étaient toujours comptés». Les avocats soulignent dans leur plainte «qu’il ne s’agit pas d’une hyperbole, mais de la réalité» à laquelle elles ont été confrontées pendant des mois, tandis que «leur argent était frauduleusement utilisé».

Travaux forcés

De plus, les saisonnières ont été forcées d’effectuer des travaux ménagers chez la propriétaire de la maison où elles habitaient. Si on leur a promis qu’elles allaient être rémunérées, elles affirment ne jamais l’avoir été.

Pire encore, l’une d’entre elles dit avoir été contrainte de travailler pendant 9 jours dans le potager de José Blanco, qui selon lui servait de «recouvrement du montant d’un vieux téléphone qu’il avait prêté à une des saisonnières qui n’en avait plus», note la plainte. Lorsqu’un jour la saisonnière s’est plainte «des multiples blessures sur ses mains causées par le travail imposé», José Blanca aurait répliqué en lui disant que «c’est pour qu’elle connaisse la valeur de l’argent». Une remarque déplacée pour l’AUSAJ, qui estime que «ce type d’enseignement envers une femme qui a traversé les frontières et s’est heurtée à toutes sortes de difficultés pour nourrir ses enfants, est véritablement ironique».

Contacté par Yabiladi, José Blanco a démenti en bloc, affirmant tout d’abord que «l’argent a été dépensé, comme prévu, pour le logement et les dépenses journalières des saisonnières». De plus, il affirme que «les avocats de l’AUSAJ se sont servis de lui pour s’accaparer l’affaire afin de gagner en prestige et se faire de l’argent».

Par ailleurs, le membre du SAT nous a précisé que le syndicat est en train de réunir toutes les preuves attestant que «les saisonnières marocaines ont été emmenées de force par les avocats le 14 septembre dernier».

Dans un communiqué parvenu à Yabiladi, le syndicat affirme que cette plainte déposée par l’AUSAJ, «cherche seulement à dissimuler le manque de transparence du collectif et atteste d’un comportement mesquin et lâche».

Pour cause, le SAT accuse l’AUSAJ d’avoir exercé une pression «pour récolter de plus importantes contributions financières», alors que même si le syndicat «ne dispose pas d’un grand budget, il a pu fournir dès les premiers moments un logement et des aides à ces femmes». 

En ce qui concerne la campagne de crowdfunding, qui à ce jour a récolté plus de 21 000 euros, le SAT évoque un manque de transparence dans la gestion des fonds collectés et déclare ne pas avoir obtenus de réponses claires de la part des avocats, qui ont mené cette campagne.

En somme, le syndicat andalou juge «d’inapproprié d’utiliser le droit pénal avec des campagnes médiatiques pour résoudre les conflits entre des groups qui ont soutenu cette cause, qui est au-dessus des acronymes et des individus, car c’est la lutte pour les droits de l’Homme».

A ce jour, les dix saisonnières marocaines n’ont pas obtenu un permis de séjour et de résidence. L’affaire, qui ne sera finalement pas jugée par la Cour suprême espagnole, pourrait encore traîner, étant donné que les prochaines assises n’auront lieu qu’en décembre.

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