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Nomad #80 : La Sqala, symbole de renouveau d’un des derniers vestiges de Casablanca

Bien plus qu’un restaurant, devenu passage obligatoire pour les touristes, la Sqala est un des derniers vestiges de Casablanca. Avec plus de trois siècles d’histoire, ce lieu fait parti intégrante du patrimoine de la ville blanche. 

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Image d'illustration./Ph.DR
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Nous sommes à Casablanca, la capitale économique du Maroc. Symbole de modernité pour tout le royaume, la ville est en effet l’une des précurseuses en la matière au royaume. La Sqala se trouve dans l’ancienne médina de la ville blanche. Elle surplombe le port de la ville et offre une vue agréable sur l’Océan Atlantique depuis l’esplanade.

A peine arrivés, nous sommes frappés par cet ensemble architectural, dont les éléments attestent de son rôle purement militaire au départ. L’entrée voutée mène vers des escaliers à gauche et à droite. Construite en hauteur, c’est cette particularité qui lui donna le nom de «sqala», qui signifie échelle en italien.

Sur l’esplanade, les canons vieux de plus de trois siècles, pointent toujours vers la mer. Cette même place, qui donne désormais sur le restaurant maure qui y a été aménagé, était le point de regroupement des militaires, où l’on se défendait de l’ennemi, nous explique Rachid Andaloussi, architecte et président de Casamémoire.

Image d'illustration./Ph. Mehdi MoussahimImage d'illustration./Ph. Mehdi MoussahimCanon de la Scala de Casablanca. / Ph. Mehdi Moussahim - Yabiladi

Toujours sur cette place, il y a ce qu’on appelle les crénelages, qui sont c’est petite ouverture au niveau de la muraille et sur lesquels étaient placés les canots prêts à attaquer l’ennemi. De plus petites taille, il y a aussi ce qu’on appelle les meurtrières, ces petites fentes qui permettent de voir l’assaillant sans qu’un projectile ne puisse l’atteindre.

Lorsqu’on porte son regard sur le large, une vue à 180 degrés est possible grâce à cette construction en éventail. Rachid Andaloussi explique à Yabiladi que cela a été «pensé de façon à élargir son cône de vue, permettant ainsi de voir l’ennemi arriver de mer, car c’est de là où venait souvent le danger».

Bastion fortifié datant du XVIIIè siècle, le monument qui a longtemps été abandonné, est le symbole et l’histoire d’un Maroc qui était la cible des appétits colonialistes d’antan.

Symbole de la reconquête du littoral marocain

La Sqala c’est surtout un signe de pouvoir visible depuis mer et terre. Son édification se fera sous un contexte tendu, nous explique Rachid Andaloussi. En effet, durant le XVIIIè siècle le Maroc était occupé au niveau de son littoral, par les grands empires navigateurs. Les Portugais occupaient tout le littoral marocain, en passant de Tanger, Larache, Assilah, Azzemour jusqu’aux régions plus au sud, à Safi et Agadir.

Le Maroc d’antan vivait à l’intérieur des terres, la population était répartie notamment dans les régions de Fès, Meknès, Volubilis, au Sahara et à Ouarzazate. A cette époque, le sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah était aux commandes. On disait de lui qu’il avait son trône sur son cheval, car, unifier le Maroc qui était en train de se disperser était le combat de sa vie. S’appuyant sur les grandes tribus du Maroc pour former une armée, il viendra à bout des hégémonies extérieures.

«Casablanca faisait partie intégrante de cette politique et cette mouvance de libération des territoires marocain du littoral. C’est ainsi, et à l’image des autres villes côtières, que Casablanca verra la naissance de la Sqala en face de la mer.»

Rachid Andaloussi, architecte et président de Casamémoire

Pour sa construction, on fera appel à Théodore Cornut, connu notamment pour avoir «dessiné la ville d’Esssaouira, qui vient de ‘moutassaouira’ (imaginer en français)». Le sultan Mohammed Ben Abdellah avait fait emprisonner le Français, qui était l’élève du grand Sébastien Le Prestre de Vauban, architecte urbaniste militaire. Théodore Cornut qui disposait déjà de grandes techniques ramèna ce fameux concept italien de «sqala».

Le sultan à qui on attribue la modernisation de la ville, l’a transformé passant d’un village en ville. Les décennies et siècles passèrent, et à l’image de l’ancienne médina de la ville blanche, la Sqala a connu des moments difficiles, de délabrement, de mauvaise gestion et d’oubli. La Sqala était devenue un repère pour les toxicomanes et dealers.

Exemple de renouveau

Début des années 2000, l’équipe de Casamémoire, qui s’attele à la revalorisation des lieux de mémoire de Casablanca a élaboré un plan pour permettre à ce lieu de reprendre vie. L’objet principal était d’en faire un lieu rentable nous explique Rachid Andaloussi.

«Nous sommes convaincus qu’un lieu de patrimoine doit pouvoir trouver le moyen de lever lui-même ses propres fonds... Tout patrimoine doit intégrer un système économique rentable, s’il ne l’intègre pas il est difficile de l’entretenir»

Rachid Andaloussi, architecte et président de Casamémoire

D’où l’idée d’en faire un restaurant maure qui se fond au sein du monument, sans pour autant le défigurer. Aménagé dans une partie arrière de la Sqala, le restaurant se doit de respecter l’architecture, l’esprit et l’âme de ce lieu. La présence des deux mausolées, Sidi Allal El Kairouani et Sidi Bousmara, récemment réhabilités, atteste aussi de cette histoire qui doit être préservé.

Image d'illustration./Ph.Mehdi MoussahimImage d'illustration./Ph.Mehdi MoussahimMausolé réhabilité près de la Scala. / Ph.Mehdi Moussahim - Yabiladi

Le mausolée de Sidi Allal El Kairouni abrite toujours les sépultures de Sidi Allal El Kairouni et de sa fille Lalla Beida, arrivés selon la légende depuis Kairouan en Tunisie. Partis pour rejoindre le Sénégal, ils firent naufrage au large d’Anfa, ancienne appellation de Casablanca (Dar El Beida), renommée ainsi en hommage à ces deux personnages mystiques de l’histoire casablancaise.

Ainsi, la Scala érigée en 1770 par le Sultan Mohammed Abdellah devint un lieu de recueil et de rencontre pour de nombreux visiteurs. L’espace entièrement réaménagé atteste de cette volonté du royaume de préserver son patrimoine matériel et immatériel.

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