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Grand Angle

Melilla : Plus de cinq siècles en tant que ville espagnole

Melilla fête ses 521 ans en tant que ville espagnole, un statut que le Maroc ne reconnait pas. Retour sur l’histoire d’un des derniers vestiges du colonialisme.

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Image d’illustration./ Ph. DR
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La ville de Melilla fête ce 17 septembre ses 521 années en tant que ville espagnole. Enclave espagnole pour les ibériques et un des derniers vestiges de l’époque coloniale pour le Maroc, Melilla est toujours un territoire en conflit non encore résolu.

Un conflit pour lesquel les deux pays évoquent un précédent historique. Du point de vue espagnol, l’histoire de Melilla ne débute qu’en 1497. Date à laquelle, l’Espagne qui s’est réapproprié Al Andalus se voit pousser des ailes et décide d’entamer son expansion plus au sud, au Maroc notamment.

Pedro de Estopiñán ou le conquérant de Melilla

En effet, un an après la reconquête de Grenade dernier bastion d’Al Andalus, l’Espagne envoi des éclaireurs à Melilla. Ces derniers font état d’un contexte très tendu, où les conflits entre le royaume de Fès et le Portugal était très fréquents. L’idée d’aménager une forteresse tombera finalement aux oubliettes, faisant place à des envies de conquêtes de ce que ce l’on appelait «le Nouveau Monde» (l’Amérique est l’Océanie).

Image d'illustration./Ph.DRImage d'illustration.

L’idée de s’accaparer la ville réapparait grâce au duc de Medina Sidonia, Juan Alonso Perez de Guzman. «Zélé par l'honneur de Dieu et par le service de ses rois» le duc demande une autorisation pour conquérir la place de Melilla. L’Espagne est d’accord et envoi le commandant Pedro de Estopiñán y Virués connu sous le nom de «conquérant de Melilla».

Depuis, l’enclave demeurera sous la couronne espagnole, qui y installera deux ports stratégiques au combat. Le sort des deux enclaves espagnoles sera celé grâce traité de Wad-Rass (1860), où le Maroc permet l’agrandissement des frontières de Melilla et de Ceuta. Leur importance s’accroitra durant le protectorat espagnol, lorsque les deux villes serviront de portes d’entrée.

Les derniers vestiges de la colonisation

Malgré la fin du protectorat le statut des deux enclaves demeurera le même. Le Maroc tentera d’en référer au comité spécial de décolonisation des Nations Unies pour libérer Ceuta, Melilla et les Îles Canaries entre autres. Le mémorandum, cité par les «Mémoires du patrimoine marocain» dans son septième volume, énonce à propos de ces zones :

«Seules subsistent sur la côte afro-méditerranéenne, ces colonies dont la superficie ne dépasse pas 32 km2, les derniers vestiges de l'occupation (…). Le Maroc n’a jamais cessé le long de son histoire d’exiger la récupération ces zones se trouvant sur son sol de manière à atteindre l'unité territoriale. Son attitude au niveau bilatéral ou international en témoigne».

Depuis son indépendance, le Maroc a toujours considéré Ceuta et Melilla comme une partie intégrante de son territoire et a refusé de reconnaître la légitimité du gouvernement espagnol. Car, si pour l’Espagne l’histoire de Melilla débute en 1497, pour le Maroc, la ville jouit d’une histoire arabe et marocaine datant de 791. 

Melilla la musulmane

Construite par les Phéniciens au VII siècle av. J.-C, Melilla était appelée Russadir autrefois. La ville permettra au Phéniciens d’atteindre leur apogée au II siècle av. J.-C. La ville passera par la suite aux commandes des Romains qui s’y établir et lui donne un nouveau nom, celui de Flavia. Après les invasions des Vandales (429), des Wisigoths (439) et des Byzantins (534), la ville de Melilla sera conquise par le Califat omeyyade de Damas. L’islamisation de la ville, lui conférera un nouveau nom, celui de Melilia. En 791, la ville fut conquise par Moulay Idriss Ier, à l’origine de l'État marocain.

Image d'illustration./Ph.DRImage d'illustration.

Près d’un siècle plus tard, la stabilité de la ville fut secouée, lors de l’invasion opérée par les Vikings, qui l’incendièrent. Plus tard, elle sera reconquise par l’émirat de Cordoue, avant de passer sous la tutelle successive des Almoravides, des Almohades, des Mérinides et des Wattassides. La dynastie berbère ayant succédé aux Mérinides en 1472, la conservera jusqu’en 1497 avant l’assaut lancé par le duc de Medina Sidonia.

Affaibli, le Maroc ne réussira pas à reconquérir Melilla. Les tentatives de récupération des enclaves persistent au fil du temps sans jamais pouvoir atteindre leur visée, surtout lorsque l’Espagne appuie son autorité en imposant le protectorat au Nord du Maroc, au début du siècle dernier. Plusieurs ouvrages historiques mentionnent qu’au déclenchement de la résistance armée contre l’occupation française et espagnole au Maroc, le leader de révolution rifaine Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi avait un avantage militaire et aurait pu récupérer Melilla. L'absence d'une telle initiative a même été considérée par certains comme une erreur stratégique.

Durant les années 1970, le Maroc se disait ouvert au dialogue. C’est en 1975, le 25 novembre précisément, que le roi Hassan II a insisté, dans une conférence de presse suite au refus de l'Espagne d'entamer des négociations avec le Maroc, que le dialogue reste primordial.

«Je suppose qu'un jour, à l'avenir, la Grande-Bretagne devra logiquement rendre Gibraltar à l’Espagne, tout comme l’Espagne devra nous rendre Ceuta et Melilla. Sauf qu’il n’y a pas de négociations ni de pressions. La politique marocaine ne repose pas sur les pressions mais sur le dialogue et l’amitié.»

Hassan II, ancien roi du Maroc (1929-1999)

Bien que le Maroc ait tenté de transférer l’affaire des deux enclaves et des îles occupées par l’Espagne, surtout en 1975, auprès des Nations Unies, l’Organisation ne les a jamais reconnues comme des régions occupées qu’il faut libérer. Vingt ans plus tard, le voisin ibérique persiste et signe en imposant en 1995 un régime autonome aux deux cités, sous souveraineté espagnole.

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