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Grand Angle

Diaspo #56 : Tarik Sahibeddine, l’ancien boxeur héros du vol Munich-Paris

Tarik Sahibeddine a commencé la boxe en banlieue bordelaise en 1990. Plus de 20 ans plus tard, sa passion pour ce sport l’a amené à devenir éducateur social, transmettant les valeurs nobles de cette discipline aux plus jeunes en difficulté. Portrait d’un héros.

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Tarik Sahibeddine a commencé la boxe en 1990 / Ph. DR.
Temps de lecture: 4'

Tarik Sahibeddine est né en 1971 au Maroc, d’un père Casablancais et d’une mère de Benslimane. Quelques mois plus tard, ses parents ouvriers l’emmènent avec eux dans la région de Bordeaux, où il suit sa scolarité. Rien n’a destiné cet ancien sportif de haut niveau à se distinguer dans la boxe, à part sa passion et sa vocation depuis son adolescence.

Jusqu’au bout d’un rêve

«Mes parents nous ont rapidement mis dans le sport, raconte-t-il à Yabiladi. Comme mon frère, j’ai été inscrit au football depuis ma jeunesse, mais j’ai rapidement compris que je n’allais pas percer dans un sport collectif.» Tarik Sahibeddine veut se destiner à une discipline individuelle. Il s’intéresse alors à la boxe, mais pour ses parents, c’était hors de question. «Dans mon adolescence, il y avait des bagarres de quartier et on se plaignait beaucoup de moi», nous explique-t-il.

La graine de boxeur prend son mal en patience et attend d’avoir ses 18 ans pour imposer sa décision. Mais avant cela, il ne perd pas de temps et opte pour évoluer dans des disciplines pour travailler son endurance. C’est ainsi qu’adolescent, il s’inscrit aux cours de natation, puis fait de l’athlétisme. Il a de bons résultats, décroche des titres de champion de région et enregistre même quelques records.

«En demi-fond, j’ai beaucoup travaillé mon endurance, donc il ne me manquait dans la boxe qu’une certaine connaissance des techniques de combat», nous explique celui qui a choisi de porter les couleurs du Maroc.

Une carrière professionnelle

C’est ainsi que chemin faisant, Tarik Sahibeddine s’initie à la boxe professionnelle à travers ses amis qui l’ont encouragé à évoluer dans une carrière sportive.

«Je suis rapidement tombé amoureux de ce sport que l’on appelle le noble art. J’ai découvert toutes ses techniques et j’ai vite compris que c’était loin de l’image de la boxe comme sport de bagarreurs. C’est un sport complet mentalement et physiquement, qui aide énormément à avoir confiance en soi.»

Tarik Sahibeddine

Sa carrière commencée, le sportif se distingue au niveau régional et national en France. Il participe à des compétitions à l’étranger. Mais étant père de famille, il joint difficilement les deux bouts, d’autant plus que la boxe à elle seule ne lui permet pas une stabilité financière. Cependant, elle lui a ouvert la porte vers d’autres métiers connexes, où il joint l’utile à l’agréable en se découvrant une deuxième passion ; celle du travail de transmission.

«Ma carrière de boxeur m’a permis de trouver un travail adapté à ma passion, ce qui fait que j’ai travaillé à plein temps en tant qu’animateur, tout en continuant mes entraînements et ma participation aux tournois.»

Tarik Sahibeddine

Nombre de boxeurs professionnels envisagent leur fin de carrière vers 35 ans. Cela n’a pas été le cas de Tarik Sahibeddine, puisqu’il a continué à disputer des matchs même après 40 ans. Décidant de se retirer il y a près de cinq ans, il décrochera un diplôme et travaillera comme éducateur social à Bordeaux, éveillant en plusieurs jeunes la passion du sport.

Un travail de transmission

Depuis quelques semaines, Tarik Sahibeddine continue ce travail dans le 16e arrondissement de Paris, auprès de jeunes souffrant de troubles psychologiques, de schizophrénie, ou ayant un comportement violent. Il les accompagne quotidiennement en leur transmettant notamment les valeurs de la boxe, ce qui marquera un tournant pour plusieurs parmi eux.

En tant qu’éducateur et boxeur à la retraite, il sera amené bientôt à travailler au sein de maisons d’enfants à caractère social (MECS), ainsi qu’avec des migrants mineurs non accompagnés (MNA) à Paris, essentiellement des Subsahariens et des Afghans. A Bordeaux, il aura marqué plusieurs de ses élèves, comme il nous l’explique :

«Aujourd’hui à Bordeaux, nombre de jeunes me disent qu’ils veulent continuer la boxe, puisque je leur ai transmis cette passion. Ils me demandent souvent comment ils pourraient faire, maintenant que je suis à Paris.»

C’est pour cela que Tarik Sahibeddine estime que la boxe est une véritable leçon de vie : «Le combat le plus dur est celui que l’on mène sur soi-même. Si on le fait, on est capable de déplacer des montagnes et c’est ce que nous apprend la boxe.» Aujourd’hui père de quatre filles et d’un garçon, il initie volontiers ses enfants aux entraînements, pour leur condition physique et mentale. En revanche, il n’envisage pas de les lancer dans une carrière professionnelle.

«Si un jour il arrive à l’une de mes filles de se faire agresser dans la rue, elle aura l’atout de savoir se défendre, mais la boxe professionnelle reste une discipline difficile.»

Tarik Sahibeddine

Sauveur d’un vol Munich-Paris

Parallèlement à la boxe, Tarik Sahibeddine est un grand passionné de voyage. Dernièrement, il a visité plusieurs régions du Maroc avec son épouse, de même que des pays d’Europe centrale et de l’Est (Serbie, Croatie, Bosnie, Allemagne). Pour lui, «le voyage permet de découvrir d’autres cultures et de nouvelles manières de vivre, ce qui rend beaucoup plus humble et plus fort».

A son récent retour par avion d’un voyage à Munich, Tarik Sahibeddine est confronté à un passager agité qui menaçait de détourner le vol.

En sauvant l’équipage et les passagers, il a fait la Une de la presse internationale et est invité sur plusieurs plateaux de télévision en France. Il nous raconte cet épisode :

«Au début, je croyais que c’était quelqu’un qui cherchait des problèmes à l’hôtesse. De plus, il était typé Maghrébin, donc j’ai pensé : encore un autre pour nous faire honte. Je suis allé vers lui pour le raisonner, mais le ton est vite monté. J’ai reconnu en lui les incohérences et l’attitude des jeunes avec qui je travaille et qui ont des problèmes psychologiques. J’ai donc essayé de le calmer, mais lorsque je me suis rendu compte qu’il voulait détourner l’avion pour revenir à Munich, il fallait absolument le maîtriser.»

Tarik Sahibeddine neutralise l’individu, qu’il remet ligoté à la police dès l’atterrissage de l’avion. Il est applaudi par tous les passagers et l’équipage le remercie. Il nous fait part de sa fierté de l’impact qu’a eue son intervention : «Lorsqu’on peut faire un geste ou une action pour lutter contre les amalgames, il ne faut pas hésiter à le faire. La boxe enseigne également ces valeurs de respect.»

Article modifié le 2018/09/17 à 02h01

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