Pas toujours facile d’investir en Tunisie après la révolution du Jasmin. Mohammed EF, président du groupe Invest Imo, ne dira pas le contraire. Lui qui croyait faire une bonne affaire en se lançant dans l’achat d’une sucrerie qui appartenait à la famille Trabelsi, mais qui se retrouve aujourd’hui dans des démêlés judiciaires. L’histoire, relatée par L’Economiste, remonte au mois d'avril dernier. Une sucrerie montée à Bizerte (Nord) à 120 millions de dollars durant le règne de Ben Ali, était mise en vente par les nouvelles autorités tunisiennes à quelques 30 millions de dollars. Avec la bénédiction de son comptable tunisien, l’homme d’affaires marocain installé au Vietnam avec sa famille, décide alors de se lancer dans l’opération.
«Nous avons demandé à notre banque vietnamienne de transférer à la BIAT [Banque internationale arabe de Tunisie, ndlr], via le Crédit Suisse, une partie du montant de la vente de notre société FGF Industrie, c'est-à-dire 15 millions de dollars», indique Mohammed EF. Ce qui fut fait le 19 avril. Seulement, la banque tunisienne décide alors de verser cette somme sur un compte indisponible au lieu d’un compte courant. Incompréhension et mécontentement de la partie marocaine qui, après une brouille avec le top management de la BIAT, décide de renoncer à la transaction pour investir au Maroc. Une manière de clore rapidement l’histoire.
Blanchiment d’argent ?
C’est à ce moment que la banque lui notifie que ses fonds étaient gelés car elle nourrit des soupçons sur l’origine des fonds. L’investisseur marocain est soupçonné de blanchiment d’argent et la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) est vite saisie pour mener une enquête sur l’origine de l’argent de l’investisseur marocain. Depuis, le dossier peine à s’extirper des méandres de la justice tunisienne, qui a connu d’importants changements avec le régime de transition. «Plusieurs membres du gouvernement tunisien sont au courant de l’affaire», fait savoir Mohammed EF. Mais ceux-ci préféreraient rester à l’écart.
En témoigne la réponse du nouveau ministre tunisien des Finances, sollicité en urgence pour intervenir dans l’affaire : «le gel de cet argent intervient dans le cadre de la loi de 2003, relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Par conséquent, le déblocage ne pourrait être décidé que par les autorités judiciaires».
Contre-attaque
Le président du groupe Invest Imo craint toutefois une tentative d’influence de la justice. Mais sa défense reste convaincue que «la situation sera assurément débloquée et que l’investisseur marocain pourra récupérer son argent tôt ou tard», rapporte toujours l’Economiste. Se considérant blanc comme neige, Mohammed EF., à la tête de la plus grande usine de textile au Vietnam, ne se contentera pas seulement de récupérer ses 15 millions de dollars immobilisés depuis 6 mois. Il réclamera des dommages et intérêts d’au moins 15%.