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Grand Angle

Rabat : Sept ans de prison ferme pour un pédophile… qui reste en liberté

La chambre de première instance près la cour d’appel de Rabat a prononcé un verdict concernant F.K., condamné à sept ans de prison ferme et à 100 000 DH de dommages et intérêts. Il est accusé de viol sur deux frères mineurs ainsi que leur sœur, âgés de 4, 6 et 8 ans.

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Photo d’illustration / Ph. DR.
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L’été dernier, une mère de quatre enfants a découvert que trois parmi eux avaient fait l’objet de sévices sexuels répétés. Les deux frères et leur sœur qui disent être victimes pointent du doigt F.K., un jeune homme de 24 ans, fils des propriétaires chez qui la petite famille louait une maison.

Mercredi dernier, la cour d’appel de Rabat a rendu un verdict en première instance, confirmant toutes les charges ayant été retenues contre le prévenu et le condamnant à sept ans de prison ferme. F.K. devra également verser 100 000 DH de dommages et intérêts aux parents des trois victimes.

Les avocats se félicitent du verdict

Au début du mois de juillet, la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) avait alerté sur les manquements entachant le procès. Elle s’était également portée partie civile. A sa sortie du tribunal, Brahim Missour, avocat représentant l’ONG, a déclaré à Yabiladi que le verdict de cette affaire est satisfaisant. Il souhaite que ce dernier soit un exemple pour une meilleure protection des droits des enfants par la justice. Cependant, il envisage de formuler un recours en appel.

Lorsque le prévenu nie les faits lui étant reprochés, cet argument ne tient pas car il n’apporte pas de preuves plausibles prouvant son innocence. Il a expliqué que cette affaire était construite sur des différends personnels entre la mère des victimes et ses parents à lui.

Me Missour

De plus, «les déclarations des enfants victimes étaient totalement cohérentes avec celles qu’ils avaient données à la police puis au juge d’instruction», souligne l’avocat. Dans ce sens, il nous rappelle que «la sœur donnait des descriptions bien détaillées de la chambre du prévenu, tandis que ce dernier soutenait que la petite fille ne venait jamais dans cette pièce. Cette contradiction réfute les propos de F.K. selon lesquels il n’aurait pas commis ces actes».

Brahim Missour insiste par ailleurs sur le fait que «la justice doit protéger ces enfants», conformément à l’article 16 de la Convention des droits de l’enfant, ainsi qu’aux dispositions du droit interne.

De son côté, Younes Bensaïd, membre de l’AMDH à Rabat, fait part à Yabiladi du soulagement de l’association à la sortie de ce verdict, bien que celui-ci «ne réhabilitera jamais assez les victimes, d’autant plus que les tribunaux marocains ne prononcent pas de condamnations sévères dans ces cas». «Nous souhaitons que ce jugement constitue un début de la fin du laxisme dans le traitement des affaires de pédophilie», indique l’ONG.

Un procès entaché de zones d’ombre

En août 2017, les parents des victimes avaient entamé une procédure où plusieurs zones d’ombres persistaient. Dans l’incompréhension générale, le prévenu était poursuivi, depuis février dernier, en état de liberté. Un mois plus tôt, le juge d’instruction avait pourtant exigé la détention du violeur. Plus tard, les avocats de la partie civile ont expliqué à Yabiladi que le prévenu bénéficiait d’une décision de la chambre du conseil, qui avait requis sa remise en liberté.

«Ces mineurs ont bel et bien été victimes de sévices sexuels et des certificats médicaux en attestent, nous fait remarquer Brahim Missour. Très souvent, ces agressions sont commises par l’entourage très proche des enfants, que ce soit un voisin ou un proche.» Pour Me Missour, cette configuration prouve également l’implication de F.K.

En effet et à l’issue d’une précédente audience reportée, Hatim Arib, avocat chargé du dossier depuis la comparution du prévenu devant le juge d’instruction, nous a expliqué la nécessité que «les éléments retenus contre des personnes dans le cadre de ces affaires tiennent compte des éléments scientifiques apportés comme preuves». Pour Me Arib, «il est important de ne pas se tenir uniquement à des témoignages ou à des aveux», surtout que les certificats médicaux des enfants faisaient état de «blessures anales», «vaginales et de l’hymen», en plus de traumatismes psychologiques apparents.

Pour sa part et depuis le début de cette procédure, F.K. exerçait des pressions sur les parents des victimes pour obtenir l’abandon des poursuites. Après leur avoir proposé la somme de 400 000 DH, comme expliqué précédemment à Yabiladi par le père des victimes, le prévenu «s’est souvent manifesté avec ses amis» près du nouveau lieu de résidence des plaignants. «Nous ne comprenons pas comment, malgré nos plaintes, aucune mesure n'ait été prise pour l’éloigner de nos enfants, alors que nous avions déménagé loin de lui rien que pour ça», nous explique de son côté la mère des victimes.

Le prévenu restera-t-il libre longtemps ?

Même après le prononcé du verdict par le tribunal de Rabat, F.K. reste libre de ses gestes. En effet, l’article 392 du Code de procédure pénale n’a pas été activé par le tribunal. Sur ce point, l’AMDH à Rabat exprime sa «consternation» de ne pas voir cette mesure prise, permettant l’arrestation immédiate du prévenu.

Article 392 du Code de procédure pénaleArticle 392 du Code de procédure pénale

«Après sa condamnation, le violeur s'en est pris à la délégation de l’AMDH en nous insultant et en nous crachant dessus, raconte Younes Bensaïd. Il a fait des allers-retours en voiture devant nous en nous faisant notamment des doigts d’honneur.»

Quant à Brahim Missour, il nous explique que «conformément à l’article 392 du code de procédure pénale, les avocats ne peuvent pas formuler une demande spéciale auprès du tribunal pour l’arrestation immédiate du prévenu condamné à une peine égale ou supérieure à un an». C’est pourquoi, dans son plaidoyer, l’avocat a appelé le parquet à mettre en application ce texte. De son côté, le procureur général a appelé à renforcer les peines à l’encontre du prévenu, mais ce dernier restera en liberté malgré le prononcé du verdict.

Article modifié le 2018/07/27 à 17h07

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