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Grand Angle

Pays-Bas : Avec Mocromode, Soufyan El Hammouti donne la parole à une jeunesse cloisonnée

Réalisé par Elise Roodenburg et Soufyan El Hammouti, Mocromode est un documentaire où les deux anthropologues s’intéressent à l’achat de vêtements de marque par les jeunes maroco-néerlandais. Ils donnent des clés de compréhension sociologique aux effets de mode chez ces jeunes-là, tout en les écoutant parler de leurs réalités complexes.

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Le documentaire Mocromode met en avant deux vloggers maroco-néerlandais de 22 et de 24 ans / Ph. Elise Roodenburg
Temps de lecture: 3'

A Amsterdam, la Mocromode (littéralement ‘mode marocaine’) est mal perçue, car associée au style d’habillement de grands groupes de la mafia marocaine aux Pays-Bas. Ce look qui peut ainsi stigmatiser les jeunes maroco-néerlandais a intéressé l’anthropologue Soufyan El Hammouti, désireux d’en savoir plus sur les influences des effets de mode chez ces jeunes-là. Il joint ainsi cinéma et anthropologie pour lutter contre certaines idées reçues.

Avec la documentariste Elise Roodenburg, il vient de réaliser Mocromode, où il suit Omar Lachiri et Moggie Sghiri, deux vloggers de cette mode marocaine qui se passionnent pour les dernières tendances de vêtements, ainsi que les accessoires de grands créateurs.

La mode d’habillement vue par l’anthropologie

A l’université d’Amsterdam, Soufyan El Hammouti a suivi des études en anthropologie culturelle. Sa thèse a porté sur les dimensions sociologiques de la mode dans l’habillement. Par ailleurs, il travaille dans le secteur depuis plusieurs années. Toute une réalité et un parcours personnel l’ont donc conduit à développer son intérêt pour la question. «J’ai grandi dans l’Est d’Amsterdam avec ma sœur, qui était une férue de la mode marocaine, surtout amazighe», nous explique le co-réalisateur, né aux Pays-Bas d’un père marocain.

Photo du film Mocromode / Ph. Elise RoodenburgPhoto du film Mocromode / Ph. Elise Roodenburg

Depuis son enfance, Soufyan El Hammouti a développé sa curiosité pour connaître les raisons de l’intérêt de sa sœur à cette mode, ce qui l’a poussé lui-même à se pencher sur cette thématique. «En étudiant l’anthropologie, j’ai voulu donc adopter une démarche scientifique et sociologique pour comprendre ce que signifiaient ces expressions d’intérêts pour les tendances d’habillement», nous explique-t-il encore.

Ce documentaire représente ainsi une suite de son travail académique, à travers une véritable immersion où «la mode est finalement une des thématiques de départ, qui nous mène à parler à nos personnages de tout : d’amour, d’amitié, de vie de famille, d’identité, de pression de groupes…», nous confie le chercheur.

Une mauvaise perception de la Mocromode

Pour nombre des personnes au sein de la société néerlandaise, Mocromode et Mocromafia vont de paire. Ce n’est pas systématiquement vrai, comme le démontre le documentaire de Soufyan El Hammouti, qui dépeint des réalités plus complexes aux sein des jeunes maroco-néerlandais de sa ville. C’est pourquoi, il tient à faire cette différenciation :

«Je ne dirais pas que ces jeunes sont inspirés par un style propre à la Mocromafia, mais plutôt par des instagrammeurs de mode, des vloggers, des rappeurs qui postent les photos de leur quotidien sur les réseaux sociaux, des acteurs qu’ils voient dans leurs films préférés… Même les membres de la Mocromafia s’inspirent de ces personnages-là pour choisir leurs vêtements. Ce sont des habitudes communes à plusieurs individus, qui ne font pas forcément partie des mêmes groupes sociaux.»

Par ailleurs, Soufyan El Hammouti nous indique que ces jeunes-là «ne vivent pas dans les meilleurs régions de leurs villes», pour mieux éviter les mauvaises fréquentations à travers lesquelles «les médias mainstream les présentent». En effet, notre interlocuteur explique qu’ils vivent «majoritairement dans des banlieues, comme à Paris, et ils se retrouvent dans la contrainte de se créer leurs propres groupes, où ils restent souvent cloisonnés entre Maroco-néerlandais».

Photo du film Mocromode / Ph. Elise RoodenburgPhoto du film Mocromode / Ph. Elise Roodenburg

De ce fait, le documentaire Mocromode aborde la question de l’habillement comme une introduction, «pour questionner sociologiquement les problématiques de ces jeunes, leurs interrogations, leur manière de voire les choses», nous explique l’anthropologue. Ce film devient ainsi «une manière de leur donner la parole, de leur rendre possible un espace d’expression pour les écouter parler d’eux, plutôt que de parler en leur nom d’une manière qui ne serait pas la plus proche d’une réalité non-stéréotypée».

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