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Grand Angle

En Europe, des migrants trahis par leurs données mobiles

Les services de l’immigration de plusieurs pays européens exploitent les données mobiles des téléphones des migrants pour vérifier certains éléments de leurs récits, quand ce n’est pas pour les expulser.

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Des migrants à Calais rechargent leurs téléphones. / Ph. Mehdi Chebil
Temps de lecture: 2'

Le téléphone portable, outil de communication indispensable sur les routes migratoires, est-il en passe de devenir un instrument de surveillance (et d’évaluation des demandes d’asile) redoutablement prisé par les gouvernements européens ? Alors que les dirigeants des Vingt-huit – dont certains assument pleinement leur politique anti-migrants – semblent se refiler la patate chaude, le magazine américain Wired raconte, dans un long article, comment les responsables de l’immigration recourent à l’exploitation des données mobiles des migrants. Objectif : mieux les expulser, ou vérifier certains éléments requis pour l’obtention du statut de demandeur d’asile ou de réfugié.

En 2016, seulement 40% des demandeurs d’asile en Allemagne ont pu fournir des pièces d’identité officielles. En l’absence de ces documents, les nationalités des 60% restants ont été vérifiées sur la base de leurs données mobiles et d’analyses linguistiques, en recourant à des interprètes ou à des logiciels pour authentifier leur accent. En 2017, l’Allemagne, avec le Danemark, a élargi les lois permettant aux agents de l’immigration d’extraire des données des téléphones des demandeurs d’asile. Une législation similaire a également été suggérée en Autriche et en Belgique.

Du côté des migrants, tous les moyens sont bons pour échapper à la surveillance (au flicage ?) des autorités européennes. Durant ses recherches sur l’utilisation du téléphone chez les migrants qui se rendaient en Europe, en 2016, Marie Gillespie, professeure de sociologie à l’université ouverte du Royaume-Uni, a recensé chez eux une forte crainte de la surveillance mobile. «Les portables facilitent leur voyage mais représentent aussi une menace», observe-t-elle. Certains d’entre eux pouvaient ainsi posséder jusqu’à 13 cartes SIM différentes, qu’ils cachaient à différents endroits de leur corps au cours de leur périple.

Facebook, vaste source d’informations personnelles

Au cours des six mois qui ont suivi l’entrée en vigueur, en Allemagne, de la loi sur les perquisitions téléphoniques, les services de l’immigration ont saisi 8 000 mobiles. En cas de doute du récit d’un demandeur d’asile, ils extrayaient les métadonnées de leur téléphone, c’est-à-dire des informations numériques qui peuvent révéler les paramètres de langue de l’utilisateur et les endroits où il a émis des appels ou pris des photos.

«L’analyse des données de téléphonie mobile n’est jamais la seule base sur laquelle une décision sur la demande d’asile est prise», assure un porte-parole de l’Office national des migrants et réfugiés (BAMF), l’agence chargée de l’immigration en Allemagne. Ces données seraient surtout utilisées pour détecter des incohérences dans le récit fourni par un requérant.

Au Danemark en revanche, on n’hésite pas à demander aux migrants leurs mots de passe Facebook. Le réseau social est en effet de plus en plus sollicité par les autorités danoises pour vérifier l’identité d’un migrant. S’il ne s’agit pas d’une procédure classique, elle peut être appliquée dans le cas où un travailleur social estime avoir besoin de plus d’informations. Et si le demandeur d’asile refuse, il s’entendrait dire qu’il est tenu de le faire conformément à la législation danoise.

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