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Grand Angle  

Diaspo #47 : Hammadi Boujmal, la création musicale «en trois dimensions»

Né à Meknès, ayant vécu aux Etats-Unis avant de rentrer au Maroc, puis de s’installer en Italie, Hammadi Boujmal est constamment en quête de nouvelles aventures, sur des terrains artistiques qu’il espère désormais relier via son pays natal. Récit de vie.

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Compositeur et producteur, Hammadi Boujmal travaille actuellement entre le Maroc, les Etats-Unis et l'Italie
Temps de lecture: 4'

Acoustique, électro, rap ou R&B, autant de registres musicaux où Hammadi Boujmal a développé ses compositions, au cours d’une vie de compositeur, producteur et éditeur commencée très tôt. Natif de Meknès en 1981, Madi, comme le surnomment ses amis, a grandi au sein d’une famille «où on a écouté tout type de musiques».

Influencé par la suite par la house française, les sons de synthétiseur suscitent son intérêt, à l’âge où il a pris des cours de piano classique et de solfège, en plus de la guitare. «DJ Faouzi à Meknès, un fan de rap français et de rap américain, m’a fait découvrir des titres à travers lesquels j’ai pu connaître des producteurs américains», nous confie l’artiste, aujourd’hui basé à Rome. C’est ainsi qu’il a eu le déclic pour évoluer dans le domaine de la production et de la composition musicale.

Au pays de l’Oncle Sam

Son baccalauréat en poche, Hammadi Boujmal envisage de poursuivre des études en musique au Canada, avant de changer de cap, faute d’avoir été admis. «En 2000, je suis donc arrivé aux Etats-Unis par accident», se rappelle-t-il. C’est au pays de l’Oncle Sam que Madi trouvera ainsi sa deuxième maison, qui l’accueillera pendant les neuf premières années de sa vie d’adulte, où il s’est lancé pleinement dans le domaine professionnel de la musique. Là-bas, il étudie la théorie de la musique, l’enregistrement studio, le business de cet art.

«J’ai suivi un Bachelor en business spécialité marketing, car j’ai voulu être un artiste indépendant dès mes débuts. La musique est ma passion, je compose depuis très jeune et je ne veux pas dépendre de quelqu’un pour ma carrière.»

Et d’ajouter : «En tant qu’étudiant, j’étais passionné par la MAO (musique assistée par ordinateur). Dès mon arrivée aux Etats-Unis, je voulais créer mon propre home studio pour faire mes compositions, expérimenter des choses.»

Madi a récupéré des maquettes travaillées depuis le lycée, pour les peaufiner et les montrer à son entourage. «Dès lors, je me suis concentré sur la production et la création, tout en diffusant ma musique et en élargissant mon réseau de contacts», nous raconte l’artiste.

A l’Université de Caroline du Nord à Charlotte où il a finalisé son Bachelor, le compositeur en herbe a pu perfectionner ses créations à travers des formations. L’ascension a alors connu un tournant : «J’ai rapidement eu une proposition d’un label, pour lequel j’ai travaillé pendant un an. J’étais proche du président du label, Chris Craft, qui était devenu mon mentor et j’ai beaucoup appris de lui concernant l’industrie musicale. J’ai produit un ancien ami de l’université et notre musique est passée dans des séries télé comme Breaking Bad, Bearkout Kings, sur MTV dans ses shows comme Rob & Big, et même des films comme Big Fan, avec le chanteur de soul / R&B Trarius.»

Après son déménageant en Floride pour faire son MBA, Madi travaille avec d’autres managers, des studios, au rythme de deux compositions par semaine. Ces dernières ont suscité l’intérêt de plusieurs rappeurs aux Etats-Unis, comme Ludacris et le rappeur connu actuellement sous le nom de 2 Chainz.

Retour au Maroc

Fin 2008, Hamadi Boujmal revient au Maroc. Mais avant cela, son premier éditeur le recontacte pour créer son propre label sous son édition, ce qui a donné naissance à Red Square Music. «Cela m’a donné la possibilité de contacter les artistes que je connaissais pour les signer, nous indique-t-il. J’avais un catalogue exploitable, ce qui m’a permis de travailler de manière autonome». Pourtant, il quitte les Etas-Unis, sans abandonner son nouveau projet, comme il nous l’explique :

«Après neuf ans aux Etats-Unis, c’était devenu ma deuxième maison, j’avais toute ma vie là-bas, mes amis, mon réseau professionnel et artistique. Je suis revenu redécouvrir le Maroc et contribuer à la scène musicale de mon pays. Je l’ai fait pendant quelques années, le temps de voir ce que cela pouvait donner. Mais à un moment, j’avais l’impression de ne plus évoluer.»

Des routes menant à Rome

En quête de nouvelles aventures artistiques, Madi déménage à Rome en 2016, où il a suivi par ailleurs un master en gestion de l’art et de la culture. «Plonger dans toute cette richesse propre à l’Italie a réveillé ma curiosité artistique et j’ai découvert le système européen, après avoir eu un pied en Amérique et au Maroc», nous confie encore le compositeur.

«Je voulais connaître une autre manière de percevoir les choses, musicalement, culturellement, financièrement. Les approches sont différentes entre l’Europe et les Etats-Unis où la création est plutôt orientée vers une démarche entrepreneuriale, au moment où le Maroc cherche encore son modèle de développement musical.» 

Par ailleurs, Madi garde toujours contact avec des artistes au Etats-Unis. Dans ce sens, il envisage le tournage d’un clip avec l’Américain Travis, avec qui il a travaillé lors de son long séjour américain. «J’avais composé et produit une chanson, The Letter Song, qu’il a chantée et nous avons eu l’idée de la reprendre en tournant le clip en Italie, financé par crowdfunding», nous explique-t-il.

Entre temps, le catalogue musical de Red Square Music a continué à susciter de l’intérêt aux Etats-Unis, où Madi a signé encore récemment de nouveaux artistes. «Notre plus grand succès était notre contribution musicale à Limitless, en tête du Box-Office américain pendant plusieurs semaines, avec Robert De Niro en tête d’affiche, se félicite-t-il. Nous avons également signé un titre pour le film The Familly de Luc Besson, classé deuxième au Box-Office américain».

L’envie de garder un pied au Maroc

Au cours de son travail acharné, Hammadi Boujmal veut «développer des idées plus concrètes pour gérer celui-ci entre les trois pays». Il pense notamment à créer une association au Maroc, avec l’intention de promouvoir les différents métiers liés à l’industrie musicale au Maroc. A travers des workshops et des formations données par des professionnels venus d’Europe, son idée est de créer une synergie entre les jeunes talents du pays et les professionnels internationaux auxquels il a accès.

Pour Madi, «le plus grand problème au Maroc est que l’art n’est pas pris au sérieux, en plus du fait que les jeunes n’aient pas accès à des formations techniques et professionnalisées, concernant des notions précises dans la création musicale». Ainsi, il veut partager avec eux des expériences, leur permettre de connaître des outils indispensables, d’enrichir leurs contacts à travers le monde, pour développer l’industrie musicale dans un pays où «il existe un réel vide sur ce terrain».

Article modifié le 2018/07/01 à 14h45

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