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Grand Angle

Maroc : Une conférence sur les libertés individuelles dans le viseur des salafistes ?

Prévu ces vendredi et samedi à Casablanca, un Colloque international sur la «Liberté individuelle à l’ère de l’Etat de droit» est au cœur d’une polémique sur son lieu de départ et la nature des sujets sur lesquels il compte débattre. Noureddine Ayouch, président du collectif à l’origine de cette rencontre, s’explique.

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Noureddine Ayouch, président du Collectif Démocratie et libertés. / Ph. DR
Temps de lecture: 3'

Les 22 et 23 juin prochains à Casablanca, le Collectif Démocratie et libertés (CDL), présidé par Noureddine Ayouch, organisera un colloque international sous le thème «Liberté individuelle à l’ère de l’Etat de droit». Tout au long de cette rencontre, plusieurs invités, du Maroc comme de l’étranger, viendront débattre sur plusieurs questions en rapport notamment avec la liberté de conscience, le droit de l’héritage et le droit de disposer de son corps.

Mais, quelques jours avant le début des travaux, le Colloque ne fait pas l’unanimité. Il est même au cœur d’une polémique qui touche aussi bien ses objectifs et finalités que le lieu de rencontre. Des sources médiatiques vont même jusqu’au point d’avancer que la rencontre serait dans le viseur des salafistes et conservateurs du royaume.

Un «faux débat», estime Noureddine Ayouch

Joint ce lundi par Yabiladi, Noureddine Ayouch, président du CDL, à l’origine dudit colloque, dénonce les arguments avancés de ceux qui critiquent le colloque avant même son organisation. «Les allégations selon lesquelles le colloque menace l’identité islamique de l’Etat sont totalement infondées», nous déclare-t-il.

«Nous invitons même des gens qui sont experts en islam mais qui parlent de ces questions. Certains salafistes essayent d’interpréter l’islam d’une manière traditionnelle et rétrogrades, tentant de revenir 14 siècles en arrière, tandis que d’autres défendent des idées progressistes. C’est un faux débat. C’est le modernisme contre le conservatisme et ces gens-là ne savent pas ce que c’est l’ouverture vers le monde.»

Noureddine Ayouch, président du CDL

Pour lui, et au lieu que les choses avancent dans le «bon sens», le Maroc serait en train de «faire des pas en arrière». Tout en rappelant que «les choses sont faites d’un point de vue scientifique en invitant des penseurs, des personnes compétentes ayant écrit des livres et étant engagées dans leurs domaines», Noureddine Ayouch rappelle qu’au Maroc, «il y a un mouvement conservateur - très important -, un mouvement rétrograde, moins important mais qui existe et ce sont les extrémistes, et un mouvement qui veut la modernité, qui veut changer ce pays et qui est en train de se battre». «Tant que nous n’aurons pas favorisé l’éducation ouverte, tant que les autorités n’auront pas pris des mesures importantes pour la liberté d’opinion, d’expression et les libertés individuelles, nous n’avancerons pas», enchaîne le président du Collectif Démocratie et libertés.

«Il y a de bons signes mais il faut aller beaucoup plus loin. Je suis optimiste et je crois que nous allons vers beaucoup plus d’ouverture et que les prochaines années montreront que le pays va s’avancer dans la modernité.»

Noureddine Ayouch, président du CDL

L’occasion pour lui d’insister sur la nécessité d’un respect mutuel entre les courants, et que l’Etat «ait de l’audace», comme le cas de la Tunisie qui est en train de «faire des pas de géants». «Ne sont-ils pas des musulmans eux aussi ?», s’interroge notre interlocuteur, qui estime aussi que «notre constitution est très avant-gardiste mais elle est mal interprétée».

Ayouch, la Fondation Al-Saoud et le ministre de la Justice

Depuis la semaine dernière, le colloque est au cœur d’une polémique née suite à la parution d’articles de presse et de réactions sur les réseaux sociaux. Des réactions ayant d’abord poussé la Fondation du Roi Abdul-Aziz Al-Saoud à Casablanca à démentir les informations selon lesquelles elle accueillera ce colloque. Contexte géopolitique oblige, la fondation a rendu public un communiqué de presse pour affirmer ne pas avoir autorisé le CDL à organiser sa conférence dans ses locaux. Auparavant, plusieurs internautes ont critiqué le choix de la Fondation du Roi Abdul-Aziz Al-Saoud d’accueillir un tel colloque, fustigeant une «ingérence étrangère».

Un exemple de publication sur Facebook visant le colloque du CDL. / Capture d'écranUn exemple de publication sur Facebook visant le colloque du CDL. / Capture d'écran

Nos confrères de Hespress affirment même que des salafistes auraient fait appel à leurs médias pour critiquer la Fondation, présidée par le ministre des Habous et des affaires islamiques, et l’accuser de mener une «guerre contre l’identité islamique du royaume».

D’autres sources médiatiques ont fait état de mises au point de certains invités, dont le ministre de la Justice Mohamed Aujjar et l’ancien ministre et secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdallah. Le premier aurait, selon nos confères du 360 qui citent une source proche, indiqué son absence de ce colloque. Le média poursuit en expliquant que ce «boycott» serait dû au fait que «les organisateurs n'ont pas associé le ministre dans la mise en point du programme de cette conférence». Le deuxième serait, selon Febrayer, à l’étranger et ne prendra donc pas part à la rencontre.

Mais le calendrier du colloque sera maintenu avec une programmation riche touchant plusieurs domaines, comme la liberté de conscience, les droits des minorités religieuses au Maroc, le droit à l’héritage et le droit de disposer de son corps (avortement, rapports hors mariage, homosexualité, etc.). Une rencontre qui connaitra la participation de plusieurs personnalités marocaines et étrangères, dont Driss Hani, Jaouad Mabrouki, Nouzha Guessous, Omar Balafrej, Aicha Ech-Chena, Nouzha Skalli et Mohamed Sassi.

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