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Grand Angle

Huelva Gate : Quid des agressions sexuelles des saisonnières au Maroc ?

Le scandale sexuel qui secoue les exploitations agricoles de Huelva n’a atteint le Maroc qu’indirectement car seules les victimes, les saisonnières, sont marocaines. Au Maroc, pourtant, leurs conditions de travail sont encore pires.

Publié
(c)DR
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L’enquête publiée le 2 mai 2018 par Pascale Müller et Stefania Prandi sur Correctiv et Buzzfeed ne se limitait pas à dénoncer le sort des saisonnières marocaines dans les champs de fraises et de fruits rouges de la province de Huelva, en Andalousie. Une deuxième partie était consacrée à celui des saisonnières marocaines au Maroc même : «The dark side of Morocco’s booming agricultural exports». 

Si la presse marocaine s’est fait l’écho du scandale qui agitait la presse espagnole, elle a fait l’impasse sur cette réalité qui concerne immédiatement le Maroc, où près de 20 000 femmes travaillent chaque année à la cueillette des fruits rouges, indiquait l’ONG Oxfam en 2014.

«Au Maroc, la situation est certainement pire qu’en Andalousie. A Berkane, au nord-est, dans les vergers de clémentines, on peut compter, je pense, par dizaines les cas de viols de saisonnières. Lors de mon enquête en 2015, j’ai parlé à des saisonnières qui avaient porté plainte contre leur employeur mais la justice n’a jamais donné suite», explique Hicham Houdaïfa. Dans son recueil de reportages sur les violations des droits des femmes, «Dos de femme, dos de mulet», paru en 2015, le journaliste et auteur s’est rendu sur place à Berkane pour rencontrer les saisonnières venues de tout le pays pour la récolte des clémentines.

«Le patron s’en choisit une»

«L’exploitation sexuelle n’est pas que le fait des patrons. Une ouvrière jeune et au physique avantageux n’a aucune chance de travailler si elle résiste aux avances non seulement du patron, mais aussi de ses parents (frères, fils…), du contremaître, du gérant ou même du cabrane, celui qui est chargé d’amener les femmes aux champs», a expliqué Mohamed, gérant d’une station d’emballage dans la région de Berkane, à Hicham Houdaïfa.

«A notre arrivée aux champs, on doit ôter le itame qui nous couvre le visage. Le patron ne regarde par les épaules, il se concentre surtout sur la taille. Parmi la vingtaine de femmes qui viennent travailler aux champs, le patron s’en choisit une. Le cabrane l’informe qu’elle ira aux champs «bach tayab», pour cuisiner. «Une fois sur place, elle est isolée du groupe et envoyée rejoindre le patron dans ses locaux», raconte Rabiaa, une ouvrière agricole, dans «Dos de femmes, dos de mulet».

1 910 violations du Code du travail

L’Observatoire des droits des femmes travailleuses du secteur des fruits rouges, géré par l’association Mains Solidaires et la FLDDF dans la région de Larache, et par l’Association Chaml, avec le soutien de l’ONG Oxfam, a également enquêté sur les violations du droit du travail auprès des saisonnières. En 2014, le journal Libération avait publié les conclusions de son rapport 2013 : «1 910 violations du Code du travail dont 390 cas concernant l’embauche sans contrat de travail, 374 le non-paiement des heures supplémentaires, 350 la mauvaise condition de transport, 216 la non-déclaration à la CNSS, 177 le non-respect du SMAG, 112 les insultes et châtiments, 68 les licenciements abusifs et 2 cas de viol.»

«Ainsi, 25% des femmes rencontrées dans le cadre de l’Observatoire affirment avoir subi de la violence pour la période 2013-2014. Néanmoins, le tabou entourant la violence et la difficulté à identifier et à verbaliser le harcèlement et la violence verbale, porte à croire que ce chiffre est largement sous-estimé. Cette violence est difficilement affrontée par les travailleuses, celles-ci craignant de perdre leur emploi», estime Oxfam dans son rapport publié en décembre 2014 sur son programme d’action pour le droit à la protection sociale des travailleuses du secteur des fruits rouges au Maroc, lancé en 2009.

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