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Grand Angle  

Kheira Belaabas, l’Algérienne qui appelle à l'ouverture des frontières entre Rabat et Alger

En 1994, les querelles répétitives entre le Maroc et l'Algérie, au lendemain des attentats d’Atlas Asni conduiront à la fermeture de la frontière terrestre entre Rabat et Alger. Une fermeture qui a eu des répercussions sociales graves, avec notamment la séparation de nombreuses familles, qui payent toujours le prix d'un conflit politique entre les deux voisins, unis par l'histoire, la religion, la langue et les traditions. Témoigne de Kheira Belaabas, une Algérienne résidant à Taza.

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Kheira Belaabas, Algérienne résidente à Taza. / Ph. Yabiladi
Temps de lecture: 3'

En 1994, le Maroc imposait un visa aux citoyens de nationalité algérienne après avoir accusé des services de renseignement algériens d’avoir facilité la tâche des auteurs de l'attentat terroriste contre l'Hôtel Atlas Asni à Marrakech. Pour riposter, l'Algérie fermait la frontière terrestre entre les deux pays une fois pour toutes.

Bien que les deux pays aient décidé de faire marche-arrière sur l’imposition des visas en 2005, les frontières terrestres resteront fermées jusqu'à aujourd’hui. Pire, les deux voisins se sont livrés à une course pour renforcer les contrôles tout au long de leur frontière. Si Alger a préféré creuser un grand fossé, le Maroc a mis en place une clôture barbelée.

Mais au-delà du conflit politique entre les deux pays, qui semble très loin d’une éventuelle solution, les décisions politiques impactent un grand nombre de familles marocaines et algériennes et les mettent dans un cycle de la souffrance sans fin. Ces familles étant privées de l'échange de visites avec leurs proches vivant de l’autre côté de la frontière. Ceux vivant tout au long de la frontière doivent désormais parcourir des milliers de kilomètres effectuant un grand détour avant de rencontrer leurs proches  alors qu’en réalité, ils vivent à quelques dizaines kilomètres seulement.

A titre d’exemple, les habitants d’Oujda doivent se rendre à Casablanca et voyager par avion vers la capitale Alger avant de revenir vers les villes où vivent leurs familles et qui peuvent, sur une carte, se situer à quelques centaines ou dizaines de kilomètres de la capitale de l’Oriental. De l’autre côté de la frontière, le drame reste le même.

Et des fois, la pauvreté et le manque de moyens poussent d’autres marocains ou algériens à se rendre à la frontière pour voir leurs proches et les saluer, sans pouvoir les toucher ou les serrer dans leurs bras.

L'histoire de Kheira Belaabas, Algérienne vivant à Taza

Dans la ville du site de Taza, Yabiladi a rencontré une femme quinquagénaire au nom de Kheira Belaanbas. Algérienne mariée à un Marocain, mère de trois enfants, elle s’est installée dans cette partie du Maroc en 1992, soit deux ans avant la fermeture définitive des frontières terrestres entre les deux pays. Avant cela, elle visitait sa famille et ses proches venaient aussi lui rendre visite. Mais tout a changé après 1992.

Dans ses déclarations à Yabiladi, Kheira rapporte aussi le décès des ses parents sans qu’elle puisse leur rendre visite quand ils étaient souffrants, ni pouvoir se recueillir sur leurs tombes. Face à sa situation financière difficile et son incapacité à voyager par avion, Kheira estime qu’«il n’y a pas de moyens pour aller voir [sa] famille». «L’Etat algérien se fiche des citoyens algériens vivant au Maroc», lâche-t-elle avant d’ajouter qu’elle vit avec les Marocains et qu’elle ne manque de rien.

«Le Maroc est un bon pays, contrairement à l’Algérie qui nous ne considère même pas», confie-t-elle avant de critiquer l’attitude du Consulat algérien à Oujda. «Ce n’est qu’à la veille des élections qu’ils se rappellent de notre existence», affirme-t-elle.

Kheira Belaabas remercie aussi les Marocains et le roi Mohammed VI, en ne manquant pas de répéter souvent des «vive le roi» (acha al malik).

En dépit des différences politiques qui se sont détériorées au fil du temps avant de se transformer en désaccords chroniques, cette algérienne souligne que la relation entre les deux peuples se caractérise par l'amour et l'affection, ce qui explique, selon elle, le fait qu’elle vit avec les Marocains et que «tout va bien grâce à Dieu».

Notre interlocutrice s’adresse ensuite aux autorités algériennes : «Ouvrez les frontières pour que nous puissions visiter nos familles. Ce que vous faîtes est hram», lance-t-elle en nous précisant ne pas avoir visité son pays d’origine depuis 1992, soit l'année de la fermeture définitive des frontières terrestres.

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