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Grand Angle

Al Adl Wal Ihsane - MUR : Un rapprochement préparé à petit feu ?

Des représentants de haut niveau du Mouvement unicité et réforme (MUR), bras idéologique du PJD, ont pris part mardi à un ftour offert par le Mouvement Al Adl Wal Ihsane. Une rencontre marquée par la présence de plusieurs figures de proue des deux mouvements islamistes. Saïd Lakhal et Abdessamad Belkebir nous décryptent un rapprochement qui ne daterait pas d’hier.

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Fathallah Arsalane et Mohamed Abbadi (ADWI) en compagnie d'Abderrahmane Chikhi (MUR), mardi lors du ftour organisé par la Jamâa. / Ph. Aljamaa.net
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Mardi, des figures de proue du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice idéologique du Parti de la justice et du développement (PJD), ont répondu présents à une invitation lancée par l’autre mouvement islamiste du royaume, Al Adl Wal Ihsane (ADWI).

Abderrahim Chikhi, le président du MUR, Aziza Bekkali, sa vice-présidente, ainsi que plusieurs membres du bureau exécutif du MUR, parmi lesquels Ahmed Raissouni, ont même posé pour une photo immortalisant ce ftour. De l’autre côté, Mohamed Abbadi, secrétaire général d’ADWI, son vice-président, Fathallah Arsalane, Mohamed Hamdaoui, Abdessamad Rida ainsi que d’autres membres, dont des femmes, représentaient le mouvement interdit mais toléré par les autorités marocaines. Objet de ce ftour ? Motus et bouche cousue ! Les islamistes du royaume se sont contentés de souligner que la rencontre a été l’occasion de «communiquer et échanger des points de vue sur un certain nombre de questions d’intérêt commun».

Un front uni pour l’islamisation de la société ?

Une rencontre qui en dit long sur un rapprochement entamé entre les islamistes du royaume malgré certaines différences de taille qui viennent de temps en temps empêcher une complicité absolue. Mais le rapprochement est-il récent ? Négatif, à en croire Saïd Lakhar, chercheur et spécialiste des mouvements islamistes. «Le rapprochement a toujours existé entre le mouvement et la Jamâa», nous dit-il.

«Les deux mouvements islamistes disposent du même référentiel religieux. Ils ont aussi les mêmes objectifs, à savoir la fondation d’un califat, même s’ils divergent juste par rapport à l’appellation. Troisièmement, ils se considèrent comme une force montante au sein de la société marocaine, face à l’inclinaison d’une autre force, celle des forces laïques et ses composantes.»

Saïd Lakhal

Pour le spécialiste, «le mouvement et la Jamâa se rejoignent dans leurs stratégies d’islamisation de la société marocaine et sur la manière d’ancrer au sein de la société des pratiques religieuses et un mode d’islamisme afin de changer la pensée des citoyens, pour les pousser à réfléchir de la même manière que les deux mouvements, si ce n’est à devenir membres de l’un d’entre eux». Il cite notamment comme exemple «l’accoutrement des femmes et des hommes ces dernières années».

Pour lui, cette stratégie d’islamisation «passe aussi par des projets de loi présentés sous l’hémicycle». L’occasion de rappeler que le PJD, la «devanture politique» du MUR est, lui, «dans une stratégie d’offensive, notamment pour ses positions quant à la campagne de boycott et les propos tenus par le chef du gouvernement et certains membres de son exécutif». 

«Ce parti veut mettre en place une force parallèle au sein de la société, en se joignant à la Jamâa dans ce contexte actuel pour affirmer être les deux mouvements visés par le système ou les partis laïcs. C’est aussi une affirmation que de dire que le MUR et ADWI appartiennent à une seule famille et qu’actuellement, tous les différends et les différences entre les deux entités peuvent être dépassés pour qu’ils joignent leurs forces.»

Saïd Lakhal

ADWI-MUR, une collaboration dans l’ombre ?

Le spécialiste des mouvements islamistes voit dans la médiatisation de ce ftour «un message destiné au système pour lui rappeler que les deux mouvements sont islamistes et que si l’un est touché, l’autre viendra apporter sa solidarité [et] un message aux partis politiques, de la coalition ou de l’opposition, avec notamment le RNI». Saïd Lakhal fait aussi le lien entre ce rapprochement et les «voix qui s’élèvent (sur les réseaux sociaux, ndlr) appelant au limogeage du gouvernement et à la convocation d’élections anticipées».

Pour sa part, le politologue et universitaire Abdessamad Belkebir rappelle aussi que les relations entre le MUR et ADWI «sont continues et ne datent pas d’aujourd’hui». Il nous explique ensuite qu’il «ne maîtrise pas encore cette question [mais qu’il] a remarqué ce rapprochement». «J’ai tenté de le déterminer en me basant sur des positions communes sur certaines questions. J’ai pris la position par rapport à Abdelilah Benkirane en tant que baromètre et j’ai remarqué qu’Al Adl Wal Ihsane et le Mouvement unicité et réforme avaient la même position», fait-il savoir.

«J’avais demandé à la Jamâa de réagir au cas d’Abdelilah Benkirane, ne serait-ce qu’en lui rendant visite, et j’ai été surpris quand ils m’ont informé que même le MUR avait lâché l’ancien chef du gouvernement. C’est ce jour-là que j’ai compris que les deux mouvements sont en perpétuelles collaborations. Quelles en sont les raisons et les finalités ? Je n’ai pas de réponse à cette question.»

Abdessamad Belkebir

Quant à la campagne de boycott de trois entreprises nationales et les sorties qualifiées de «hasardeuses» des ministres du PJD, Abdessamad Belkebir rappelle que le MUR et l’ADWI «ne peuvent pas être d’accord sur une question aussi sulfureuse». «Mais je remarque que certains membres du PJD travaillent d’arrache-pied. Le MUR tient-il un double discours, en se plaçant à la fois avec le gouvernement et le boycott ?», conclut-il sans répondre à cette question.

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