Menu

Grand Angle

Diaspo #41 : Youssef Sbai et l’Italie, l’histoire d’une intégration exemplaire

Multi-casquettes, Youssef Sbai a plus d’une corde à son arc. Ce Marocain résidant en Italie depuis les années 1980 a sa propre entreprise d’export, prépare son doctorat et forme des policiers et des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire pour qu’ils comprennent mieux l’islam.

Publié
Youssef Sbai est animé pour une flamme de militantisme indéniable. / Ph. Youssef Sbai
Temps de lecture: 3'

Youssef Sbai est l’exemple type du Marocain parfaitement intégré dans son pays d’adoption. L’homme de 58 ans est curieux, passionné et avide de connaissance, ce qui l’a mené à commencer un doctorat, il y a quelques années, pour mieux comprendre le monde qui l’entoure et répondre à des questions qui le taraudent.

Né à Rabat, Youssef Sbai obtient son baccalauréat au lycée Moulay Youssef, pour ensuite prendre son envol vers l’Italie afin d’étudier l’architecture. «Je me suis inscrit à travers l’ambassade italienne à Rabat, j’ai obtenu une bourse du ministère de l’Education marocain qui l’octroyait à tous les étudiants qui partaient en Italie», confie à Yabiladi le doctorant.

Direction Gênes, au nord-ouest de l’Italie, pour ses études. Après une brève expérience dans une entreprise italienne d’export de marbre italien vers l’Arabie saoudite, ce père de trois enfants crée sa propre entreprise d’export de marbre vers le Maroc. «C’est mon travail principal», déclare Youssef Sbai en éclatant de rire.

Curiosité et partage

L’architecte a toujours eu une flamme de militantisme. A son arrivée en Italie, il intègre l’union des étudiants musulmans en Italie. En 1990, il en devient le président. L’année d’après, il devient l’un des fondateurs de l’union des communautés et organisations islamiques en Italie, puis entre 2012 et 2015, il occupe le poste du vice-président de cette dernière.

Malgré toutes ces activités et un travail en tant que chef d’entreprise, il en fallait plus à Youssef Sbai :

«En 2010, j’ai participé à des cours que l’université à Turin adressaient aux leaders des organisations islamiques. Ces cours, supervisés par le ministère italien de l’Intérieur, étaient destinés à acquérir des instruments pour mieux comprendre la société italienne et son rapport avec la communauté musulmane.»

L’année d’après, Youssef Sbai se lance dans un master à l’université de Padoue, intitulé «Etudes sur l’islam en Europe». Une fois le diplôme en poche, il enseigne au sein du même master et enchaîne en postulant pour un doctorat en sciences sociales. «Ma thèse porte sur le ‘discours religieux dans les mosquées en Italie’, du point de vue sociologique. Là, je suis arrivé à l’étape ultime de ce doctorat», nous précise le professeur.

Youssef Sbai en compagnie du pape François. / Ph. Youssef SbaiYoussef Sbai en compagnie du pape François. / Ph. Youssef Sbai

Pour être plus objectif dans sa recherche scientifique, Youssef Sbai a arrêté ses activités en tant que militant depuis 2015 : «Je me suis rendu compte que je ne peux pas faire les deux en même temps, c’est contradictoire. Vous ne pouvez pas être chercheur dans un domaine où vous militez.»

L’une des autres casquettes de Youssef Sbai est celle de professeur dans les écoles de police et à l’Institut supérieur des études pénitentiaires. «La première chose que je fais est de déconstruire l’image stigmatisée de l’islam», nous indique-t-il. Pour atteindre son but, il n’hésite pas à «toujours donner l’exemple avec le Maroc» et son vivre-ensemble. Il nous l’explique :

«Je donne l’exemple des églises catholiques ou protestantes, plus de 80, qui se situent au Maroc. Je parle des dizaines d’associations chrétiennes et juives qui se existent au Maroc et qui vivent en harmonie au sein de la société marocaine.»

Il ajoute également que le personnel pénitentiaire et les policiers «pensent que tous les musulmans sont un bloc statique, ils ne savent pas que l’islam est pluriel. [Sa] tâche est de leur faire comprendre que l’islam en Italie est multicolore, que ce n’est pas un islam unique».

«Je suis fier d’occuper ce rôle. L’enseignement est basé sur divers niveaux, le personnel pénitentiaire est divers, il y a les gardiens, les éducateurs, les psychologues, les psychiatres, les administrateurs, des directeurs de l’Institut pénitentiaire. Parfois on rencontre même des juges et des hauts fonctionnaires du ministère. Mon rôle est de leur faire connaître l’islam.»

Youssef Sbai

Ce modèle d’enseignement de l’islam dans les prisons a acquis une notoriété au sein de l’Europe, étant donné qu’il est unique et ne se trouve qu’en Italie. «J’ai été invité par la commission spéciale sur le terrorisme du Parlement européen, en avril dernier, pour présenter le cas de l’Italie dans la lutte contre la radicalisation. Les parlementaires étaient très curieux de notre expérience», confie avec fierté, Youssef Sbai.

De gauche à droite, Nathalie Griesbeck, présidente de la Commission spécialisée sur le terrorisme, Youssef Sbai et au milieu, Caterina Chinnici, parlementaire européenne de l'Italie. / Ph. Youssef SbaiDe gauche à droite, Nathalie Griesbeck, présidente de la Commission spécialisée sur le terrorisme, Youssef Sbai et au milieu, Caterina Chinnici, parlementaire européenne de l'Italie. / Ph. Youssef Sbai

Malgré cette vie trépidante, le Marocain n’en oublie pas ses racines, puisqu’il revient régulièrement au royaume. «Je reviens, trois à cinq fois par an. Je suis très attaché au pays parce que toute ma famille y vit encore. En plus avec mon travail, l’export de marbre, je me déplace souvent pour voir mes clients», ajoute-t-il.

Gérer toutes ces activités demande beaucoup d’organisation, comme le concède Youssef Sbai. Mais une fois doctorat terminé, il envisage de prendre un peu de temps pour lui, afin de mieux penser à ses ambitions pour le futur.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com