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Interview

Carburants : Omar Balafrej recommande une «taxe exceptionnelle» pour récupérer l’argent des Marocains

Omar Balafrej, député de la Fédération de gauche démocratique (FGD), est l’un des premiers élus à avoir demandé une mission d’information sur les prix du carburant à la fin du processus de décompensation. Il revient pour Yabiladi sur la publication, par des médias, de rapports différents ayant fuité et qui seraient élaborés par la Mission parlementaire sur les prix du carburant. Il recommande aussi une loi rectificative de la Loi de Finances et une taxe exceptionnelle pour récupérer un montant empoché de manière non-éthique. Interview.

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Le député parlementaire Omar Balafrej / Ph. DR.
Temps de lecture: 3'

Que pensez-vous de la polémique sur les deux rapports de la mission parlementaire d’information sur les prix des carburants ?

Je n’ai pas été membre de cette commission malgré que je sois le premier à avoir demandé sa mise en place. Mais face à la réaction des élus que vous avez contactés, certains membres de ladite mission m’ont confirmé le manque de documents tellement évidents et qui sont publics au rapport qui doit être discuté mardi 15 mai en Commission des Finances et du développement économique à la Chambre des représentants. Vous allez sur Inforisk et vous allez trouver les bilans des entreprises pétrolières. Que cette annexe ne soit pas dans le rapport est un scandale. On se moque de l’intelligence des Marocains. Je sais que la mission parlementaire a eu accès aux informations d’Inforisk. Ces bilans disent que jusqu’à 2015, les plus grandes sociétés pétrolières, à savoir Afriquiya, Shell, Total et Petrom ont eu un résultat et une marge à un niveau donné, alors qu’en 2016 et en 2017, leurs résultats ont explosé. Certains résultats ont été multipliés par deux voire par quatre. Tout cela au moment où nous sommes dans un secteur où il n’y a pas d’innovations. Ce n’est pas Google ni Facebook. On importe de l’essence et du gasoil et on le revend. Ce qui montre donc que leurs marges ont explosé au détriment du pouvoir d’achat des Marocains tout simplement. Il n’y a pas d’autres possibilités. Que cette information ne soit pas traitée par la mission, c’est un manque de respect de l’intelligence de tout acteur politique.

Mais ces questions vont-elles être soulevées lors du débat du mardi ?

Je leur dirai tout cela mardi. Dans le rapport final, on montre que depuis la libéralisation, le prix à la pompe du gasoil et de l’essence a été supérieur à ce qu’on aurait eu s’il n’y avait pas de décompensation. Quant aux recommandations, elles ne prennent pas tout cela en considération. C’est comme si c’était normal que des gens qui gagnaient 1 milliard ou 1,5 milliards de dirhams par an, se mettent à gagner 3 milliards. Pour les parlementaires, il n’y a aucun problème. De qui se moquent-ils ? C’est ça le débat !

Ces résultats et ces bénéfices des entreprises pétrolières étaient raisonnables et comparables à toutes les entreprises pétrolières dans le monde. Après la libéralisation, ces bénéfices ont explosé, à croire qu’on parle de Google. Leurs marges ne devraient pas être été aussi élevées.

Si vous comptez les mois depuis la libéralisation jusqu’à aujourd’hui, je les ai évalué à 17 milliards de dirhams qui auraient été dans les poches des Marocains si on avait gardé l’ancien système de compensation. Ces 17 milliards de dirhams, qui les a empochés ? Ce n’est pas l’Etat mais ce sont ces sociétés pétrolières qui gagnent déjà et qui ne se sont jamais plaintes de leur métier, puisqu’elles ont gagné plus de 17 milliards de dirhams supplémentaires en 29 mois. C’est hram dans un pays où nous avons besoin d’argent pour investir dans l’éducation, dans la santé. Rien que pour le premier domaine, 17 milliards de dirhams en 29 mois ou plutôt 7 milliards de dirhams par an, permet d’avoir un transport collectif gratuit pour l’ensemble des élèves et des étudiants marocains. C’est ce qui a été mis dans les poches des sociétés pétrolières.

Que recommandez-vous en tant qu’élu ?

La première recommandations qu’il faut faire, c’est de récupérer ces 17 milliards de dirhams qui ont été gagnés de manière non-éthique. Mettre donc une taxe exceptionnelle tout de suite. On a besoin d’argent dans ce pays.

Il a, en ce moment même et depuis la fin de la semaine dernière, une lame de fond qui avance pour nous dire que les impôts doivent baisser. Non et non ! Dans ce pays, je pense qu’on a besoin de plus d’impôts payés par les riches qui gagnent trop d’argent et qui vivent comme s’ils étaient des riches aux Etats-Unis ou en Allemagne, sachant qu’on est au Maroc et qu’on a des problèmes d’inégalités criantes dans ce pays.

La crise sociale et économique que nous vivons est liée à ces inégalités qui ont explosé et à ces riches qui ne se préoccupent pas de la classe moyenne et des pauvres. Il est temps pour ces gens-là de comprendre qu’il va falloir être solidaires. Je ne dis pas qu’il faut leur prendre leur argent, mais juste qu’ils soient solidaires et qu’ils arrêtent d’êtres arrogants.

Cette campagne de boycott que je soutiens pleinement, et je remercie les Marocains de l’avoir lancée, est un message moderne et pacifique pour dire «ça suffit ! Arrêtez de nous prendre pour des débiles parce que vous êtes en train de vous enrichir à notre détriment».

Quelle suite après les discussions autour de ce rapport ?

Ce rapport n’est qu’une première étape et il faut, à mon avis, une commission d’enquête. Maintenant qu’on a dévoilé qu’il y a de vrais dysfonctionnements, il faut établir des recommandations précises et la première d’entre-elles, c’est de récupérer ces 17 milliards via une loi de Finances rectificative et mettre en place une taxe exceptionnelle pour la solidarité nationale.

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