Menu

Grand Angle

Douar Ouled Dlim : Une «Intervention musclée» des forces de l’ordre pour détruire un campement de fortune

Ce mardi, les autorités locales de la ville de Rabat sont intervenues pour détruire un campement de fortune à Douar Ouled Dlim, construit par les habitants des terres du Guich Oudaya près de Hay Ryad. Des arrestations et des cas de femmes hospitalisées auraient été enregistrés, à en croire des sources sur place.

Publié
Une manifestation des femmes guichies, organisée dimanche 28 décembre 2014, à Douar Ouled Dlim. / Ph : Facebook - Stop à la destruction de Guich Loudaya
Temps de lecture: 3'

Le bras de fer opposant les habitants du Douar Ouled Dlim (sur les terres du Guich Oudaya près de Hay Ryad) aux autorités locales de la capitale semble s’éterniser. Ce mardi sur place, un énième clash entre les deux parties s’est déroulé vers 6h du matin à Rabat, lorsque des estafettes et des engins sont venus interrompre le calme partiel du campement de fortune. Une intervention qualifiée de «musclée» par une source présente sur place.

«J’étais présente et je suis toujours sur place. Nous sommes toujours encerclés par des engins et des estafettes. Elles (les autorités locales, ndlr) sont intervenues ce matin à 6h et ont procédé à l’arrestation de toute personne osant interrompre leurs travaux», nous confie Habiba qui, comme d’autres femmes, a choisi de construire un campement de fortune à Douar Ouled Dlim, à côté de leurs terres, au lendemain de leur expulsion en 2014.

«Ils (les éléments des forces de l’ordre, ndlr) nous ont matraqué, nous ont pillé nos biens et ont arrêté 4 ou 5 femmes. Nous tentons actuellement de récupérer ne serait-ce qu’une partie de nos biens mobiliers pour qu’ils ne soient pas détruits ou pillés.»

Habiba, habitante de Douar Ouled Dlim.

Selon elle, deux femmes auraient été transportées ce mardi matin aux urgences, au moment où trois hommes auraient été également arrêtés. «Nous vivons dans ce campement de fortune, en plein air, depuis 2014 sans que les autorités ne daignent trouver une solution pour nous», lâche cette habitante, au bord des larmes. «La seule issue que nous avons nous-mêmes trouvée est de quitter nos terres et d’habiter aux abords de la route», conclut-elle.

De l’inégalité dans l’indemnisation des ayants droit

En contact avec les familles, Soraya El Kahlaoui, sociologue et réalisatrice du documentaire «Wach Hna Mgharba ? - Landless Moroccans» témoigne aussi. «On m’a appelée hier à minuit pour m’indiquer que les familles présentes sur place ont été informées qu’à partir de 4h du matin, elles allaient être délogées, nous déclare-t-elle. Les forces de l’ordre sont intervenues à 6h. Certains ont eu à peine le temps de ramasser leurs affaires.» 

L’occasion pour la réalisatrice de faire un rappel des faits. C’est en 2003 que tout a commencé, lorsqu’une société d’aménagement et deux ministères, celui de l’Habitat et celui de l’Intérieur, signent un protocole d’accord pour le rachat de ces terres situées aux environs de la Ceinture Verte entourant Rabat. «Comme vous le savez, pour les terres collectives, que ce soit les terres du Guich ou les terres soulaliyates, le problème se pose sur la question de l’indemnisation des femmes», précise-t-elle avant d’expliquer que les familles avaient alors réussi à négocier.

«En 2006, elles avaient même eu des bons. Les enfants de mères guichias, qui n’allaient pas être indemnisés au début, avaient réussi à obtenir des dédommagements, sous forme d’appartements et 160 000 dirhams. Les enfants de pères guichis, eux, étaient indemnisés avec un lot de terrain de 90 mètres carrés, plus 25 000 dirhams», se rappelle-t-elle. Mais au moment où les négociations étaient sur la bonne voie, «parce qu’il restait tout de même de l’inégalité», reprend notre source, les destructions avaient été lancées.

«On a dit aux habitants qu’ils n’avaient plus droit à rien. Ils ont donc été délogés des terres et depuis 2015, ces familles occupent des campements de fortune, juste collés à côtés de leurs terres», poursuit Soraya El Kahlaoui. «Aucune solution de relogement n’a été offerte à ces habitants», s’indigne-t-elle.

Une situation humanitaire

C’est depuis cette date que les clashs entre forces de l’ordre et habitants sont devenus une monnaie courante. «Les autorités venaient très souvent leurs brûler le campement», ajoute notre interlocutrice. Des interventions qui tourneront au vinaigre et cessent, au lendemain d’un indicent tragique. «Le mari de Habiba, Lekbir a été brûlé au troisième degré et il est aujourd’hui handicapé.»

En tout, elles seraient près de 126 familles concernées, constituées d’enfants de mères guichias qui n’auraient pas été indemnisés. «Actuellement, dans le campement, elles sont cinq ou six familles qui y habitent de façon permanente», précise Soraya El Kahlaoui, qui dit croire que «les tentes et le campement empêchent les travaux de commencer et donc elles (les autorités locales, ndlr) veulent les déloger pour que les gros œuvres commencent.»

«Je ne sais pas pourquoi il y a tant d’omerta sur cette question, pourtant pas très compliquée à résoudre. Les habitants affirment que les logements sont construits mais sont vides actuellement. Ils n’ont absolument pas où aller, surtout les derniers habitants qui restent dans le campement de fortune.»

Soraya El Kahlaoui, sociologue et réalisatrice du documentaire «Wach Hna Mgharba ? - Landless Moroccans»

Notre interlocutrice dit aussi ignorer la «raison pour laquelle les habitants ne sont pas relogés». «Pourquoi aucun parti politique, le gouvernement ou le Parlement, ne prennent pas en charge ce dossier ? Ce cas est devenu humanitaire et on est au-delà des questions d’équité et de droit au logement», conclut-elle.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com