Le Maroc annonçait mardi, via son ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita, la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran. La fin d’une lune de miel n’ayant que très peu duré, puisque Rabat et Téhéran venait à peine de rétablir en 2015 leur relations après six ans de rupture.
Le chef de la diplomatie marocaine n’a pas manqué de livrer plus d’informations, évoquant de nombreux détails sur des preuves «irréfutables», des noms identifiés et des faits précis qui corroborent une connivence entre le Polisario et le Hezbollah. Un rapprochement qui menace la stabilité et la sécurité du royaume.
C’est l’arrestation le 12 mars 2017 à l’aéroport Mohammed V de Casablanca, d’un certain Kacem Mohamed Tajeddine, réputé d’être l’un des grands financiers du Hezbollah en Afrique, qui aurait poussé le groupe islamiste chiite, soutenu par l’Iran, à se venger du royaume en renforçant ses liens avec le Front Polisario.
Un message clair à l’Iran, au Polisario et à la communauté internationale
Mais en réagissant, encore une fois, par une offensive diplomatique, le Maroc n’adresse pas seulement des messages aux autorités iraniennes mais vise plutôt plusieurs interlocuteurs. Des messages «à qui de droit» destinés d’abord aux chiites du royaume. Rappelez-vous, en 2009, le Maroc avait décidé de rompre ses relations diplomatiques avec Téhéran, pour ingérence dans les affaires intérieures marocaines.
Rabat avait alors dénoncé l’activisme «avéré des autorités de ce pays (l’Iran), et notamment de sa représentation diplomatique à Rabat, visant à altérer les fondamentaux religieux du royaume (...) et à tenter de menacer l’unicité du culte musulman et le rite malékite sunnite au Maroc», affirmait Taïeb Fassi Fihri, alors ministre des Affaires étrangères. Cet énième divorce s’adresse donc aussitôt pour l’Iran que pour les chiites marocains en des messes basses, réaffirmant le refus de toute offensive chiite au sein du royaume.
Dans un contexte géopolitique plus large, la rupture est aussi un message clair à la communauté internationale quant au différend du Sahara occidental. Quelques jours seulement après la nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et quelques semaines après l’offensive diplomatique marocaine suite aux incursions du Polisario dans la zone tampon, le Maroc revient à la charge. Encore une fois, il confirme qu’il surveille chaque centimètre de son territoire et qu’il met le Polisario sous la loupe.
Pour faire flèche de tout bois, Nasser Bourita confirmait devant les médias internationaux que Rabat dispose de preuves concrètes. Le message est vite livré et ceux qui tenteront de le décortiquer comprendront que le clin d’œil à destination de la communauté internationale insiste une nouvelle fois sur l’arsenal dont dispose le Maroc face au peu de moyens mis à la disposition de la MINURSO. C’est aussi une manière d'accentuer la mobilisation ayant précédé l’examen de la question du Sahara occidental en avril et de l'inscrire dans la continuité. Une manière de confirmer le refus catégorique de la passivité des Quinze quant aux manœuvres du Front Polisario.
Un appel du pied aux Etats-Unis et aux pays du Golfe
En rompant ses relations diplomatiques avec l’Iran tout en convoquant le même jour les médias internationaux pour largement médiatiser ce fait marquant, Rabat adresse aussi des messages à ses partenaires, les Etats-Unis et les pays du Golfe en l’occurrence. Pour les premiers, le Maroc saisit une occasion en or, coïncidant avec l’arrivée de plusieurs cadres anti-Iran dans l’administration de Donald Trump.
Le fait de pointer du doigt une connivence et assimiler un mouvement classé comme «organisation terroriste» par les Etats-Unis au mouvement séparatiste permettent au Maroc d’ajouter une nouvelle corde à son arc tout en contant fleurette au pays de l’Oncle Sam. Une occasion également pour se repositionner après l'équilibrisme entre Moscou et Washington au lendemain des frappes aériennes des Etats-Unis, de la France et de la Grande Bretagne.
Quant aux pays du Golfe, on se rappelle tous de la photo du roi Mohammed VI à Paris en compagnie du Premier ministre du Liban Saad Hariri et du prince héritier d'Arabie Saoudite Mohammed Ben Salman. Une rencontre ayant probablement balisé le terrain devant un retour à la normale dans les relations entre le royaume et le bloc Arabie Saoudite - Emirats arabes unies.
La neutralité de Rabat lors du début de la crise du Golfe a fortement déplu à certains. Rabat saisit donc l’occasion pour séparer le bon grain de l'ivraie et remettre les pendules à l’heure. D’ailleurs, les réactions des deux pays n’ont pas tardé. Quelques heures seulement après l’annonce, Ryad et Abu Dhabi condamnaient presque à l’unisson les «ingérences iraniennes dans les affaires intérieures» du royaume du Maroc.