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Grand Angle

Sahara occidental : Les nouveaux défis de la diplomatie marocaine

Dans sa nouvelle résolution sur le Sahara occidental, le Conseil de sécurité rompt avec le passé, prorogeant de seulement six mois le mandat de la MINURSO. Bachir Dkhil et Abdelfattah El Fatihi reviennent sur les défis de la diplomatie marocaine face à ce changement.

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Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères en compagnie de Omar Hilale, représentant permanent du Maroc aux Nations unies à New York, en compagnie de Horst Köhler, le 6 mars 2018 à Lisbonne / Ph. MAP
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Le Conseil de sécurité a prorogé, vendredi à New-York, jusqu’au 31 octobre 2018, le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), déployée depuis septembre 1991. Un changement de taille puisque le mandat passe à seulement six mois au lieu d'un an habituellement.

Avec ce revirement, la diplomatie marocaine est encore une fois confrontée à une nouvelle situation puisque dorénavant, deux rendez-vous annuel seront consacrées à la question du Sahara. Cela intervient alors que le Maroc est de plus en plus engagé dans une politique d’offensives diplomatiques, qui vient remplacer celle des réactions. Pour Abdelfattah El Fatihi, chercheur et expert des questions du Sahel et du Sahara, «le principal défi de la diplomatie marocaine est le contrôle du cours des négociations auxquelles la communauté internationale a appelé et surtout les pourparlers directs».

«La diplomatie marocaine doit poser la question de la représentativité du Polisario et les parties prenantes dans ce différend, dans la mesure où la plupart des Sahraouis se trouvent aujourd’hui dans les provinces du Sud. Cette population a toujours veillé à participer aux différentes échéances électorales depuis un certain temps.»

Abdelfattah El Fatihi : la question [du Sahara] a franchi une nouvelle étape

L’occasion pour le chercheur de rappeler que «deux Sahraouis ont été élus en tant que présidents des régions de Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Ed-Dahab» et d’estimer qu’aujourd’hui, «le Polisario ne doit pas croire qu’il dispose de la légitimité pour parler au nom des Sahraouis ou de négocier en leurs noms».

L’autre défi pointé du doigt par Abdelfattah El Fatihi est le fait que «le Conseil de sécurité n’a pas précisé, dans sa toute dernière résolution, la forme des pourparlers». «Lorsque les Européens ont émis une décision suite à la saisine par le Polisario de la Cour de justice de l’Union européenne, avaient clairement affirmé que le Front n’était pas le représentant des Sahraouis», rappelle-t-il.

Pour notre interlocuteur, «la nouvelle résolution mettra encore plus de pression sur la diplomatie marocaine, parce que la communauté internationale est plus que convaincue de la nécessité de travailler dans une approche réaliste et la question a franchi une nouvelle étape». 

«La communauté internationale a aussi été témoin de l’échec de plusieurs tentatives de séparatisme, notamment en Catalogne et en Irak. Le séparatisme devient donc inacceptable et irréalisable. Il y a un différend et il faut négocier. Rester à savoir comment on va le faire et sur quelle base. Je pense que l’option radicale et idéaliste n’est plus à l’ordre du jour.»

Bachir Dkhil et l’implication des Sahraouis dans les pourparlers

Une question posée également à Bachir Dkhil, l’un des fondateurs du Polisario, ayant regagné le Maroc. Contacté par Yabiladi, notre interlocuteur rappelle d’abord que «rien n’est éternel, [que] tout change, surtout les circonstances politiques». Arguant qu’il existe «des variables à l’échelle internationale qu’on doit comprendre et s’approprier», Bachir Dkhil n’est pas du même avis qu’Abdelfattah El Fatihi. Il estime que «le fait de proroger de six mois seulement le mandat de la MINURSO est une sorte de pression sur toutes les parties du conflit pour revoir certaines questions et parvenir à un réglement». Le but est de «pousser vers des négociations sans condition», enchaîne-t-il. Mais il insiste aussi sur la question de la représentativité des Sahraouis lors des négociations.

«Toutefois, la question qui se pose concerne les bases de ces pourparlers et la représentativité des Sahraouis. ‘Qui négociera avec qui et quelles sont les bases de ces négociations’ sont des questions qui restent sans réponse. Pour moi, les grands absents sont surtout les Sahraouis qui ne soutiennent pas le Polisario, ce qui est regrettable et inacceptable.»

Revenant sur les défis de la diplomatie marocaine, Bachir Dkhil pense que celle-ci «doit non seulement s’adapter mais surtout prendre en compte la population qui dispose aussi d’un point de vue et de cadres qui doivent être consulté et qui doivent participer dans la résolution de cette question».

«En attendant, je ne crois pas qu’il y aura une solution prochainement tant qu’il existe une partie, concernée par cette question, mais qui reste absente», confie-t-il. Et Bachir Dkhil de conclure par rappeler la résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations unies. Un texte qui a évoqué, selon lui, «la population présente lors du protectorat espagnol et qui a le droit de donner son avis».

Reste à savoir si la diplomatie marocaine va anticiper, en doublant ses efforts et en restant en état d’alerte sur plusieurs fronts…

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