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Grand Angle

Diaspo #38 : Nadia El Bouga, de l’importance d’adoucir les mœurs

A 41 ans, cette sage-femme de formation s’est spécialisée en sexologie clinique pour tenter d’insuffler à ses patientes (et patients) une approche respectueuse et érotique de la sexualité, loin des stéréotypes véhiculés par la pornographie.

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Nadia El Bouga, 41 ans, est sexologue et sage-femme de formation / Ph. DR.
Temps de lecture: 3'

Dans une France où se cristallisent les débats sur la place de l’islam, où les chantres d’un féminisme occidental honnissent le voile et les maux qu’ils lui imputent, émergent toutefois quelques visages rafraîchissants.  

Nadia El Bouga, sexologue, clinicienne et sage-femme de formation, est de celles qui vous coupent l’herbe sous le pied. Et à raison. Cette quadragénaire d’origine marocaine est installée dans le Val-d’Oise, en région parisienne, où elle accueille des couples dans le cadre d’un accompagnement sexologique. Au commencement vinrent des interrogations en suspens, des questions sans réponse, mais également des observations affutées.

«J’ai commencé à m’intéresser à la sexologie quand j’étais étudiante, pendant mon cursus de sage-femme. Lorsque j’ai été amenée à accompagner des couples dans l’accueil de leur enfant, je me suis très vite rendu compte qu’on était de fait, en tant que sage-femme, propulsée dans la sexualité de ces couples, qu’on le veuille ou non. Déjà lors du suivi de la grossesse, il y a des questionnements qui se posent sur la sexualité, sur le désir, que ce soit du côté de la femme ou du compagnon. Ce sont autant de choses qui m’ont mis la puce à l’oreille.»

Phobie inconsciente

Très vite, celle qui est aussi chroniqueuse radio dans une émission Sexo sur Beur FM, est confrontée, à travers ses patientes, à des problèmes d’ordre sexo-pathologique, notamment des situations de vaginisme. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) le définit comme «une peur panique de la pénétration, conduisant la femme qui en souffre à adopter différentes stratégies pour éviter toute pénétration». La praticienne nous l’explique :

«Chez les femmes présentant un vaginisme, on observe un resserrement des muscles au niveau du périnée et des cuisses; il est donc impossible pour elles d’accueillir leur compagnon. Même lorsqu’elles essaient, elles sont tellement tendues et contractées à bloc – bien souvent de façon inconsciente – que cela génère des contractions qui rendent la pénétration impossible ou douloureuse. La phobie est alors accentuée et on se retrouve ainsi dans un cercle vicieux.»

Cela peut également survenir pendant un examen gynécologique, précise encore Nadia El Bouga.

«Ce sont des troubles multifactoriels, mais dans le mécanisme même du vaginisme, se trouve une phobie de la pénétration qui est généralement dûe à une distorsion cognitive du sexe féminin (crainte obsédante d’être malformé, ndlr). La femme ne se représente pas du tout comme ayant un organe génital interne.»

Décalage

A ses débuts en tant que sexologue clinicienne, Nadia El Bouga croit détecter une spécificité culturelle. L’expérience lui prouvera le contraire :

«A l’époque, j’avais beaucoup de patientes d’origine maghrébine. J’ai pensé, à tort, qu’il devait y avoir une caractéristique chez ces femmes-là. Or, le vaginisme existe bel et bien en France, chez des Françaises dites de souche si je puis dire.»

Malgré les discours et les idéologies en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, la réalité de certaines pratiques ne laisse pas de doute sur le caractère universel de ces problématiques. «En tant que sexologue, je constate qu’il y a vraiment un décalage entre l’idéologie et les réalités des femmes. Il y a encore en France une totale inégalité dans la sexualité. La pornographie y est pour beaucoup», observe la thérapeute.

Loin d’être une caractéristique culturelle, encore moins géographique, les observations de Nadia El Bouga se confirment également au Maroc, où sa tante préside à Agadir l’association Voix de femmes. «Quand j’échange avec les femmes au Maroc, les problématiques que j’observe sont les mêmes que celles auxquelles je suis confrontée en France. On est face à une sexualité de devoir conjugal, réactive, qui consiste en une répondre à la demande de son mari, vécue par certaines comme des viols conjugaux, c’est-à-dire des femmes qui se forcent lorsqu’elles n’en ont pas envie», témoigne la praticienne. De quoi restreindre certains clichés à la vie dure…

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