«Cette année je vais dans un autre pays, pour les vacances, mais l'an prochain, ça me dirait bien d'aller faire le ramadan au Maroc. Je ne l'ai jamais fait là-bas», explique Samir, 24 ans. Depuis 2 ans, et jusqu'en 2016, le ramadan tombe en partie en juillet ou en août. Des mois d'été où il fait très chaud, mais aussi les mois habituels de vacances pour beaucoup de Marocains résidant en Europe. L'occasion, pour ceux qui le désirent, de se rendre au Maroc pour le mois de ramadan. Pour les plus jeunes d'entre eux, souvent nés dans le pays d'accueil de leurs parents ou de leurs grands parents, c'est la première fois qu'ils en ont la possibilité. Ils oscillent entre l'envie de se retrouver en terre musulmane et la crainte de gaspiller leur temps de vacances.
«Ah ! l'ambiance au Maroc, pendant le ramadan ! On me l'a tellement racontée !» s'enthousiasme Nora, 25 ans, vivant à Marseille. La jeune femme n'a encore jamais eu l'occasion de passer le ramadan au Maroc et c'est encore manqué pour cette année : elle ne pourra pas avoir de congés en août. «L'ambiance de fête, les sorties le soir, après le ftour...», rêve Nora.
«Au Maroc, quasiment tout le monde fait le ramadan, poursuit Samir. Là bas, c'est pas la même ambiance, les gens sortent le soir après manger.» L'importance du rythme de vie partagé, les horaires continus, le soutien mutuel reviennent souvent dans le discours de ceux qui voudraient pouvoir passer ou qui passeront le ramadan au bled. Le faire pendant les vacances est d'autant plus attrayant que le travail n'empêchera aucun membre de la famille d'arriver à l'heure pour le ftour.
Etre dans un pays musulman pour le mois de jeûne épargnerait aussi aux Marocains résidant à l'étranger d'entendre éternellement les mêmes remarques de la part des non-musulmans. «On me demande souvent pourquoi je fais ça et une fois que je l'ai expliqué, invariablement, j'ai droit à l'exclamation «Oooooh ! Mais ça doit être dur !», suivi systématiquement par : «la faim, ça va encore, mais ne pas boire, ça, je pourrais pas !», ironise Nora.
«Les gens en ont l'habitude, les médias en parlent, donc, autour de moi, personne n'est surpris quand j'annonce que je fais le ramadan, J'ai simplement droit à des regards de pitié : «Ça va ? Tu vas tenir ?», raconte Nadia, 26 ans, Franco-marocaine. Elle qui travaille, à Paris dans un open-space, se voit proposer des cafés à longueur de journée. «Généralement, mes collègues sont impressionnés, il prennent la mesure de notre foi, mais ce n'est pas de l'admiration. Ils n'ont pas envie de faire pareil», continue la jeune femme.
Incompréhension, remarques un peu stupides, mais tolérance aussi. «Lorsque ma responsable m'a dit qu'elle voulait que je lui rende un travail début septembre, je l'ai prévenue qu'en août ma productivité allait beaucoup baisser : elle a rit et m'a dit qu'on discuterait des modalités plus tard», raconte Nadia. Selon elle, le ramadan est la pratique relative à l'islam la plus connue et la plus acceptée en France. «Si je voulais m'absenter pour faire la prière, j'aurais plus de mal», estime-t-elle.
Malgré le peu de satisfaction donné par le fait d'être en France pour le mois de ramadan, le Maroc n'est pas toujours privilégié pour autant. «Le Maroc ça a toujours été pour les vacances, mais là ce serait pour le ramadan, commente Nadia, alors peut être qu'on va kiffer l'ambiance, mais on a aussi peur de devoir rester enfermé toute la journée puisqu'il fera chaud et qu'on ne pourra ni boire ni manger.»
«Au Maroc, il fait super chaud, ma famille a décidé de le faire en France. Ma grand-mère vient même en France spécialement pour le ramadan», explique Assia, 23 ans. Avec trois semaines de vacances par an, Assia pré¬fère choisir une période où elle puisse pleinement en profiter. Elle compte d'ailleurs partir à Marrakech cette année mais avant le ramadan !
Nabila est du même avis : les soirées ramadanesques sont agréables, mais elles ne font pas tout. «Toute ma famille était au Maroc pour les vacances en juillet, ils reviennent juste avant le ramadan», explique la jeune femme. Ses sœurs ont toutes la vingtaine et la perspective de ne pas pouvoir porter de débardeur ou de jupe, par exemple, en pleine chaleur, parce que ça ne passerait pas dans la famille de leur mère, les rebute. «Elles veulent jeûner, faire le ramadan, mais elles ne veulent pas les contraintes sociales qui vont avec lorsqu'elles sont au Maroc», conclut Nabila.
Plus important que le lieu, le seul élément réel-lement essentiel au ramadan : être en famille. «Je préfère faire le ramadan en France parce que c'est là que vit toute ma famille. Tout le monde se réunit, c'est très important, explique Nabila, et puis ma mère préfère le faire ici, parce qu'elle est chez elle, dans sa cuisine, là où elle a toutes ses habitudes.» Cette année, Fatima, 30 ans, va encore passer le ramadan seule à Marseille mais espère pouvoir poser une semaine de va¬cances en juillet, l'an prochain, pour le passer au Maroc. «J'appréhende surtout les week¬ends. Seule, le ramadan se limitera à jeûner et à rompre le jeûne au coucher du soleil», prévoit la jeune femme.
Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°9