Menu

Grand Angle

Le Ramadan : un fait social total [Magazine]

Le ramadan est un acte religieux, l'un des cinq piliers de l'Islam. Pour autant, sa dimension sociale peut être analysée en propre. Les Marocains résidant en France s'insèrent dans un système social complexe.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

Le ramadan est un «fait social total». Emile Durkheim, l'un des fondateurs de la sociologie, l'a défini comme «toute manière d'agir, de penser, de sentir, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure ; et, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel». Le ramadan est une exigence religieuse pour les musulmans : l'un des 5 piliers de l'islam. Il s'exprime par un comportement individuel qui pourrait ne regarder que le croyant, pourtant sa pratique possède une dimension collective considérable au Maroc, comme en France.

Pendant le mois sacré, c'est toute la société marocaine qui vit au rythme de l'abstinence et de sa rupture. Horaires continus, heures de fermeture, y compris dans les grandes surfaces, pour permettre à tous les employés, sans exception, de rompre le jeûne, soirées ramadanesques, repas gargantuesques en famille... Toute la société marocaine vit à l'unisson. Le rama¬dan participe à une forme de cohésion nationale, par la religion, de la même façon, et sans blasphème, que les Lions de l'Atlas Tout le monde fait la même chose au même moment.

Le ramadan est une telle évidence que personne, à de très rares exceptions près, ne le questionne. Les non-jeûneurs, ou dé-jeûneurs, dans ce cadre, sont considérés comme des provocateurs. S'ils sont surpris par des agents des forces de l'Etat, ils sont même condamnés. La loi punit tout musulman qui mangerait en pleine journée, pendant le ramadan. Cette règle sociale qui permet d'unir les Marocains se double alors d'une obligation légale.

Cette dimension coercitive est unique en son genre. Les autres piliers de l'islam, comme la prière ou le pèlerinage à la Mecque, qui ont pourtant, d'un point de vue religieux, exacte¬ment la même importance, n'ont pas le même degré d'obligation au sein de la société marocaine. Ainsi, la loi ne condamne pas le fait de ne pas faire la prière cinq fois par jour.

En France, au contraire, les musulmans sont minoritaires, comparativement aux chrétiens. Dès lors, le ramadan pourrait n'être que comme l'une des pratiques d'une minorité religieuse parmi d'autres. Sauf qu'il s'agit d'islam et qu'il s'agit du ramadan. Celui-ci est très connu en France, tout du moins dans sa définition la plus étroite : le jeûne et le repas nocturne. Comme le fait remarquer Nabila, jeune Franco-marocaine à Paris, [voir «Ramadan françaoui oula Maghribi?»], le ramadan est non seulement la pratique de l'islam la plus connue mais aussi la plus acceptée.

La dimension festive du ramadan participe probablement beaucoup au sentiment positif que les non-musulmans en France entretiennent à son égard. L'importance de la cuisine, des pâtisseries, la grande table de fête, la réunion familiale, la communion sont autant d'éléments qui nourissent à cette perception. Ils peuvent être partagés par n'importe quel individu en de¬hors de toute dimension religieuse.

Médiatisé, cultivé, presque, à travers «les Nuits du rama¬dan» dans les grandes capitales européennes, le ramadan a même intégré les rayons des magasins. Les enseignes de grande consommation et les marques spécialisées dans le halal profitent du ramadan et de sa notoriété dans toute la société française pour communiquer, avec plus ou moins de bonheur [voir «Marketing ramadanesque : Les grandes enseignes ne savent pas sur quel pied danser»], en direction des musulmans, mais pas seule¬ment.

Si le ramadan est accepté dans sa dimension sociale, familiale voire économique, il reste bel et bien un exercice religieux de l'Islam. Dans le contexte de la peur des communautarismes et de la montée de l'islamophobie en Europe, comme nouveau lien idéologique des extrêmes droites, il est aussi perçu comme un révélateur de la présence des musulmans en France et surtout des Français musulmans. Dans un contexte préélectoral enfiévré par la droite, doit-on s'attendre à des remarques cinglantes sur le ramadan ?

Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°9

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com