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Grand Angle

Maroc : A Jerada, la crise de confiance fait stagner la situation économique

En chiffres, le Wali de la région de l’Oriental a exposé lundi le Plan de développement de la province de Jerada. La situation de la population locale, elle, ne change pas depuis le début des contestations. Le comité de soutien au Hirak dans la ville minière le rappelle.

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Mouad El Jamai, Wali de l’Oriental, gouverneur de la préfecture d’Oujda-Angad / Ph. DR.
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Lundi, le Wali de l’Oriental, gouverneur de la préfecture d’Oujda-Angad, Mouad El Jamai, s’exprimait devant la Commission de l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville à la Chambre des représentants. Il exposait les grandes lignes des projets de développement économique qui doivent être initiés dans la région.

Selon le responsable, 22 projets ont été programmés, pour un coût total de 900 millions de dirhams. Un moyen, pour le Wali, de créer «une alternative économique, à travers l’agriculture, l’industrie, la promotion des investissements et l’économie solidaire». Ainsi, 655 MDH seront alloués à sept projets dans ce sens.

Il est également question de «renforcer les équipements sociaux de proximité», pour lesquels douze projets seront mis en place, au coût de 70 MDH. Est prévue tout autant une «réhabilitation urbaine et environnementale», objet de trois projets qui coûteront 175 MDH.

Le comité de soutien au Hirak se rend sur place

Du côté du comité de soutien au Hirak de Jerada, ses organisations membres ont opté pour un passage à l’action, quelques jours après l’exposé d’un premier programme de mobilisation. Ainsi, au lendemain de l’intervention du Wali de l’Oriental, des militants politiques se sont rendus sur place pour s’enquérir concrètement de la situation.

Ont fait le déplacement, Mustapha Brahma, secrétaire national du parti de la Voie démocratique, Abdeslam Laâziz, secrétaire général du Congrès national ittihadi (CNI) et Ali Boutouala, secrétaire national du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS), en plus de membres du Parti socialiste unifié (PSU).

Après cette visite, Abdeslam Laâziz dresse à Yabiladi un premier constat :

«Sur le terrain, personne ne sait où en est la réalisation de ces projets. D’après la population locale que nous avons rencontrée, peu de démarches ont été initiées dans ce sens. La confrontation entre manifestants et forces de l’ordre, le 14 mars dernier, a fait ternir considérablement les rapports de confiance entre les deux. Avant d’évoquer les promesses, il faut donc rétablir ces liens-là.»

Lors de leur visite, les membres du comité se sont également rendus aux «cendriates». Chose promise, chose due, les mines ont effectivement été fermées, tel que décidé par le Chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani. Pourtant, cela ne palie pas la situation de «survie» où se trouve la population, nous fait remarquer Abdeslam Laâziz :

«Ce n’est pas une solution. Je suis conscient qu’il y a des choses à y développer. Le gouvernement a fait des propositions, il y en a qui sont d’accord là-dessus et d’autres pas, mais le problème qui se pose aujourd’hui est celui de la confiance. Beaucoup parmi la population redoutent que l’exécutif n’aille pas au bout de ses projets de développement.»

Notre interlocuteur souligne que la création de coopératives peut constituer une piste pour les ex-ouvrier des puits de charbon :

«C’est l’une de leurs revendications, justement, mais ils ont des difficultés à se lancer, tant qu’ils ne sont pas aidés. Il faut que l’Etat intervienne financièrement, pour leur fournir une assistance technique et commerciale, proposer des avances sur les fournitures nécessaires au lancement de leurs coopératives. C’est l’une des solutions possibles, mais ces jeunes n’ont pas entièrement confiance, car ils ont peur d’être lâchés par les décideurs.»

L’après-14 mars

A Oujda, les membres du comité de soutien se sont rendu, par ailleurs, à l’hôpital où est soigné l’adolescent renversé par un véhicule de police, lors des affrontements du 14 mars. Abdeslam Laâziz nous indique que l’état du jeune est stationnaire, mais il doit être encore surveillé : «Il a été opéré et il a un problème au niveau de ses membres inférieurs. Il n’arrive pas à faire bouger ses jambes. Sa famille est inquiète car il pourrait passer encore du temps à l’hôpital.»

Mardi lors de la visite du comité, celui-ci a également tenu un sit-in qui a rassemblé les militants de la région, rapporte encore Laâziz :

«Nous avons assisté à une partie des audiences dans le cadre du procès des jeunes du Hirak. Nous avons rencontré quelques parents de détenus et nous nous sommes réunis avec nos militants à Jerada, qui publieront un rapport sur la situation actuelle et nous le feront parvenir.»

A la crise politique dans la région s’ajoute ainsi la crise de confiance. Abdeslam Laâziz nous fait part de la nécessité de rétablir ces liens entre acteurs politiques et civils à Jerada :

«Le dialogue doit continuer. Les détenus du Hirak doivent être libérés. Les manifestations ne se tiennent plus à Jerada avec la même ampleur des premières semaines, mais chaque soir, des rassemblements ont lieu dans tous les quartiers de la ville.»

De la guerre des mots

C’est à l’occasion de l’intervention du Wali de l’Oriental à la Chambre des représentants qu’ont été notamment évoquées les contestations sociales et économiques, au rythme desquelles Jerada vit depuis décembre 2017.

Dans ce sens, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a accusé de récupération l’association Al Adl Wal Ihsane (AWI) et deux organisations membres du comité de soutien au Hirak (le parti de la Voie démocratique et l’Association marocaine des droits humains – AMDH).

Revenant sur cette confrontation verbale, Abdeslam Laâziz nous rappelle quelques principes de son adhésion au comité de soutien :

«La position des partis de la Fédération de la gauche démocratique ne date pas d’hier et n’est pas liée au Hirak de Jerada. Dans notre plate-forme politique, nous considérons qu’il n’y a pas à travailler avec AWI. C’est notre position.»

Pour le militant, «il existe une situation sociale qui pousse les gens, toutes tendances confondues, à manifester. Mais cela ne veut pas dire que ce sont eux qui contrôlent le Hirak. C’est la situation sociale et économique de Jerada qui a poussé les gens à manifester et non pas les manœuvres de uns ou des autres».

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