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Grand Angle

Les plus anciennes traces d’ADN répertoriées en Afrique se trouvent au Maroc

Dans la grotte des Pigeons à Taforalt (nord-ouest du Maroc), une équipe d’archéologues et de généticiens a découvert les plus anciennes traces d’ADN humain en Afrique. Celles-ci datent de 15 000 ans, selon le ministère de la Culture et de la communication.

(avec MAP)
Publié
Ph. DR.
Temps de lecture: 3'

Cette découverte est pour le moins inédite. Ses résultats, rendus publics récemment, ont démontré des liens anciens entre les espèces humaines en Afrique subsaharienne et en Afrique de l’Ouest d’une part, et d’autre part avec le Moyen-Orient.

L’équipe de recherche derrière cette découverte est dirigée par Abdeljalil Bouzouggar et Saaïd Amzazi, de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) à Rabat et par Johannes Krause et Choongwon Jeong, de l’Institut Max Planck des sciences de l’histoire de l’Homme à Jena (Allemagne).

Les travaux sont réalisés en collaboration avec des chercheurs de l’Université Mohammed Ie (Oujda), de l’Université d’Oxford, du Musée d’histoire naturelle à Londres et de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive à Leipzig (Allemagne).

L’Ibéromaurusien dévoile encore des mystères

L’Afrique, considérée comme le berceau de l’Humanité, a livré plusieurs restes humains dont l’âge dépasse plusieurs milliers d’années. Mais cette découverte est la plus inédite de tous. En effet, c’est pour la première fois que des traces génétiques aussi anciennes sont identifiées dans ce continent. Les résultats de cette recherche ont été publiés par la revue américaine Science.

«Une meilleure connaissance de l’histoire du peuplement humain en Afrique du Nord est cruciale pour mieux comprendre l’histoire du genre Homo sapiens», a ainsi expliqué Saïd Amzazi, de l’Université Mohammed V à Rabat et co-auteur de la publication scientifique.

Afin de percer les mystères de cette existence, l’équipe scientifique a donc effectué des études sur des squelettes humains trouvés dans la grotte des Pigeons à Taforalt, située dans la province de Berkane. Le tout a été associé à des trouvailles paléolithiques d’une culture appelée localement l’Ibéromaurusien.

Les Ibréomaurusiens sont considérés comme les premiers dans la région à avoir fabriqué des outils en pierre très fins appelés les microlithes. Co-auteure de la publication scientifique, Louise Humphrey du Natural History Museum à Londres explique dans ce sens l’intérêt de mener des recherches dans le nord-ouest marocain :

«La Grotte des Pigeons est très importante pour comprendre l’histoire du peuplement humain en Afrique du Nord-Ouest, car les Hommes modernes s’y sont fréquemment installés et d’une manière continue du Paléolithique moyen jusqu’au Paléolithique supérieur.»

Ainsi, cette dernière étude va aider les chercheurs à mieux comprendre les relations de parenté entre les groupes paléolithiques, voire leurs maladies :

«Il est prouvé qu’il y a environ 15 000 ans, les Ibéromaurusiens ont intensément utilisé le site et qu’ils ont commencé à enterrer leurs morts au fond de la grotte.»

Des ramifications à travers le continent

Dans la grotte des Pigeons à Taforalt, les membres de l’équipe scientifique ont analysé l’ADN extrait de neuf squelettes humains découverts sur place. A cet effet, ils ont utilisé un séquençage et des méthodes d’analyse avancées ayant permis d’obtenir des données mitochondriales de sept individus et l’analyse approfondie du génome de cinq autres.

L’âge des fossiles (15 000 ans) et compte tenu du climat chaud en Afrique, réputé comme peu favorable à la préservation du matériel génétique, laisse entendre que les résultats obtenus sont sans précédent, dans un continent déjà considéré comme le berceau de l’Humanité.

Il s’agit donc du «premier et plus ancien matériel génétique Pléistocène jamais décodé d’Homo sapiens en Afrique», affirme Abdeljalil Bouzouggar, co-auteur principal de la publication scientifique et directeur du laboratoire Sources alternatives de l’histoire du Maroc. Le spécialiste souligne également la nécessité de «prendre en considération le grand rôle joué par l’Afrique du Nord dans l’apparition des pratiques sédentaires».

De son côté, Marieke van de Loosdrecht de l’Institut Max Planck des sciences de l’histoire de l’Homme à Jena (Allemagne) et première auteure de la publication scientifique, indique qu’«à cause de la faible préservation de l’ADN fossile, très peu d’études ont été réalisées sur le génome ancien en Afrique, mais jamais sur du matériel fossile du paléolithique avant l’apparition de l’agriculture en Afrique du Nord». Et d’ajouter :

«Le succès de la reconstitution du génome a été possible par l’utilisation de méthodes spécialisées au laboratoire afin de récupérer l’ADN dégradé et de nouvelles méthodes pour caractériser génétiquement les fossiles humains analysés.»

Parallèlement à la trouvaille de cette mine d’or en matière de recherche archéologique, la même étude indique que le groupe de scientifiques a découvert trois composantes du patrimoine génétique des fossiles de Taforalt partagées avec leurs contemporains au Levant, en Afrique Orientale et en Afrique de l’Ouest.

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