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Grand Angle  

Maroc : Les enseignants fustigent l’absence de la philosophie au BAC Pro

Une récente décision ministérielle n’intégrant pas la philosophie au BAC professionnel provoque la colère des enseignants. De son côté, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Mustapha El Khalfi, nie toute suppression.

Publié
Ph. DR.
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Depuis le 12 février, la décision a été officiellement prise. Contrairement aux élèves des autres filières économiques, scientifiques et littéraires, les futurs bacheliers professionnels ne passeront pas l’examen national de philosophie, en vertu d’une récente décision ministérielle. En effet, la matière n’est intégrée qu’à l’enseignement au tronc commun (première année de lycée) de leur spécialité, depuis sa mise en place en 2014.

Alors que le ministère de tutelle disait réfléchir sur la manière adéquate d’introduire la matière en première et en deuxième année, les enseignants ont été pris de court par cette décision : Elle représente une coupure avec le projet d’intégration de la philosophie au BAC Pro.

Que prévoit la décision ?

Portée au Bulletin officiel n°6647 le 12 févier dernier, la décision ministérielle n°3295.17 a été signée le 5 décembre 2017 par Mohamed Laâraj, alors ministre par intérim de l’Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Elle modifie quelques modalités relatives à l’organisation des examens du baccalauréat, pour y inclure des spécifiés liées aux filières professionnelles récemment créées.

Extrait de la décision ministérielle parue sur le Bulletin officiel du 12/02/2018Extrait de la décision ministérielle parue sur le Bulletin officiel du 12/02/2018

A moins de six mois des examens régionaux et nationaux, les élèves de ces nouvelles spécialités apprennent donc qu’ils doivent se préparer à l’épreuve d’éducation islamique, au terme de leur première année. Par ailleurs et ce que la décision n’indique pas expressément, c’est que les lycéens concernés sont exempts du traditionnel examen de philosophie, rite de passage pour les futurs bacheliers de toutes les filières.

Le document généralise ainsi l’éducation islamique comme matière d’épreuve régionale à toutes les premières années du baccalauréat scientifique, technique, économique et professionnel, mais omet d’inclure la mère des sciences à l’examen national.

Les épreuves des filières professionnelles intègrent l’éducation islamique, sans inclure la philosophieLes épreuves des filières professionnelles intègrent l’éducation islamique, sans inclure la philosophie

En effet, la matière ne figure pas dans le cursus d’enseignement du baccalauréat professionnel. Sur le Bulletin officiel, les grilles d’examens suggèrent son annulation simple, au moment où l’exécutif a assuré jeudi ne pas l’avoir «supprimée». Dans une conférence de presse tenue le 22 février à l’issue du Conseil de gouvernement hebdomadaire, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Mustapha El Khalfi, a indiqué que cette décision ne visait pas la «suppression» de la philosophie, mais la «réorganisation» des épreuves du BAC.

Sauf que cette «réorganisation» semble bien constituer une interruption du processus d’enseignement et d’évaluation de la philosophie dans les filières concernées. Ce qui est en contradiction avec les principes de la Charte nationale de l’enseignement, référentiel voulant orienter vers la promotion d’un apprentissage de la pensée rationnelle et du développement de l’esprits critique.

Les enseignants de décolèrent pas

Sur le Bulletin officiel, il est bien question des grilles d’épreuves du BAC Pro et non pas du cursus d’enseignement dans ses filières. Mais contre toute attente, ces grilles n’incluent pas la philosophie, sachant qu’elle n’est toujours pas enseignée à ces spécialités. Un scénario qui laisse les enseignants pessimistes, voyant venir un danger potentiel.

«La philosophie va tout simplement être supprimé des 1e et 2e année du baccalauréat professionnel et sera gardée uniquement au Tronc commun (première année du lycée)», nous affirme ainsi Hakim Sikouk, enseignant de philosophie au lycée Moulay Ismail à Safi. Egalement membre de l’Association des enseignants de philosophie (AMEP), il indique à Yabiladi avoir été surpris d’une telle décision :

«Les branches professionnelles viennent d’être lancées, certes. Mais cette décision est contradictoire à l’esprit de la Charte nationale de l’éducation et de la formation, ainsi qu’au consensus national sur l’importance d’enseigner la philosophie dans toutes les filières secondaires. Généraliser l’enseignement de la philosophie dans toutes les filières chez les lycéens est un principe bénéficiant de l’unanimité auprès des acteurs politiques, syndicaux et associatifs qui ont participé à l’élaboration de cette Charte.»

Si la Charte nationale de l’enseignement ne met pas l’accent spécifiquement sur la philosophie en tant que matière, elle s’inspire en tout cas de l’esprit qu’elle incarne. Hakim Sikouk nous explique pourquoi il est important aujourd’hui de mettre en garde contre cette omission :

«La philosophie est une matière essentielle pour développer l’esprit critique des élèves, en espérant les éloigner de la pensée obscurantiste ou extrémiste religieuse, surtout après les attentats de Casablanca, le 16 mai 2003. C’est justement à ce moment-là que la généralisation de l’enseignement de la philosophie a été décidée.»

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