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Grand Angle

Chronique littéraire : Libère-toi d’abord !

A travers «La Révolution n'a pas eu lieu» (La Croisée des Chemins, 2015), Sonia Terrab nous amène en plein cœur du printemps arabe marocain, parallèlement à une histoire d'amour prenant naissance dans un contexte historique vigoureux. Le roman débute en mars 2011, pendant la deuxième grande manifestation du 20 Février, et se prolonge jusqu’en juillet, lors des résultats du référendum de la nouvelle constitution. Une étape qui demeure très significative dans l’histoire d’un Maroc moderne.

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La citation de Fernando Pessoa ouvre ainsi le roman : «D’abord sois libre, ensuite demande la liberté.» Reuters
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L'histoire du Maroc, c'est également celle de ses femmes et de ses hommes, raison pour laquelle Sonia Terrab a choisi de l’incarner, dans son roman, à travers deux personnages principaux : Ylias et Meya. Ylias, un jeune homme qui vit à Paris où il est doctorant en sciences politiques, est un personnage rêveur et utopiste. Au moment où la révolution éclate en Tunisie et en Égypte, il se dit que c’est l’occasion tant attendue pour s’affirmer et se révolter. Il rentre alors au Maroc en vue de participer aux manifestations du mouvement du 20 Février, et c’est là qu’il rencontre Meya. Meya a 20 ans, elle est rebelle et de caractère un peu farouche. Trop têtue, la jeune femme n’en fait qu’à sa tête. La relation entre les deux personnages demeure très tourmentée.

Une relation amoureuse impossible

Toutefois, ce qui unit Ylias et Meya, c’est qu’ils sont en quête perpétuelle de changement. Ils rêvent de liberté et aspirent à un futur meilleur. Ils se cherchent inlassablement, sans jamais parvenir à s’aimer. Ilyas est trop idéaliste, Meya trop rationnelle. L’embarras, c'est qu'entre la liberté telle qu'Ilyas la perçoit, et la façon dont Meya vit la sienne, la conception se heurte souvent à la réalité de leur caractère entièrement différent l’un de l’autre.

Et comme aucun des deux n'est prêt à faire un pas vers l'autre, comme se changer soi-même est un sacrifice qu'aucun n'est disposé à entreprendre, il n'est pas surprenant, qu'autour, rien ne change. Les deux héros du roman renvoient, en fait, l’image des milliers de jeunes marocains qui sont dans leur situation : déboussolés et complètement déçus car étant inaptes à changer eux-mêmes. «Ils sont dix, ils sont cent, ils sont déchaînés. Ils crient et leurs cris font de la musique, ils hurlent et c’est un opéra fabuleux. Mèche rebelle, tee-shirt noir et haut-parleur blanc, un Che en devenir se dresse de toute sa jeunesse sur son char improvisé pour scander des mots plus grands, plus vieux que lui : liberté, justice, espoir.», retrace Sonia Terrab dans son texte.

Une révolution individuelle

Cet espoir tant recherché, les deux héros du roman ne le retrouvent pas finalement. Ylias et Meya valsent sur leur propre cadence, chacun sa mélodie. C’est une danse chicanière, une histoire d’amour échouée ; une intrigue de non amour qui renvoie à une histoire de non révolution. En fait, la révolution ici est juste un arrière plan, car il ne s’agit aucunement d’un roman politique. La révolution à laquelle Sonia Terrab aspire, c’est la révolution à l’échelle individuelle. Ce qui paralyse la relation entre Ylias et Meya, c’est le fait qu’ils refusent l’un et l’autre de modifier leur caractère.

De même, ce qui entrave le changement dans notre pays, c’est cette incapacité de l’individu à changer, à se libérer de lui-même. Chaque personne doit arrêter de se prendre pour une victime. C’est un long travail sur soi. Chaque citoyen doit opérer une vraie rupture avec ses craintes, ses paradoxes, ses allusions et ses faiblesses. Impossible de changer son pays si on est incapable de se changer soi-même, d’où la citation de Fernando Pessoa qui ouvre le roman : «D’abord sois libre, ensuite demande la liberté.»

Article modifié le 2018/02/22 à 11h38

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