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Interview

Zainab Fasiki, le combat d’une féministe marocaine au trait affirmé [interview]

En seulement quelques mois, Zainab Fasiki s’est fait remarquer. Ces dessins de femmes aux courbes généreuses, le message engagé derrière chaque planche la mettent en avant, dans une société peu habituée à voir une femme engagée avec une telle ferveur.

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Zainab Fasiki, une féministe marocaine qui veut changer les visions sur la femme au sein de la société marocaine. / Ph. Zainab Fasiki
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Zainab Fasiki détonne dans le milieu de l’art, avec ses grands yeux ourlés d’un lourd trait d’eye-liner et sa coupe de cheveux à la Cléopâtre, impossible de ne pas la remarquer. A chaque événement où elle assiste pour parler de ses projets et son combat pour le féminisme, les gens l’interpellent chaque cinq minutes, impressionnés par le courage de cette jeune fille, qui à seulement 23 ans s'est bâtie une solide réputation avec ses dessins engagés et au trait affirmé. Interview.

Qu'est-ce-qui vous conduit au combat pour le féminisme au Maroc ?

Je suis victime d’inégalités. Je mène ce combat à cause de toutes les souffrances que j’ai vécu durant mon passé. Dorènavant, on peut dire que ça m’affecte moins. En gros, dans la société marocaine, la femme doit être chez elle, être bien éduquée, ça résume tout. Je veux participer au changement de tout ça.

Vous êtes diplômée de l’école nationale supérieure d’électricité et de mécanique, en même temps vous êtes bédéiste, comment faites-vous pour combiner l’ingénierie et la bande dessinée ?

Depuis que j’étais petite je rêvais de faire l’école des Beaux-arts après le bac. En même temps j’avais cette passion pour les sciences, la mécanique et la robotique. Je suis autodidacte, les études de maths et de physique je ne peux pas les apprendre toute seule. Quand on entend que quelqu’un est ingénieur on s’imagine qu’il est derrière un bureau, alors que non, moi je n’utilise pas mon diplôme en tant que tel. Depuis trois ans j’adore ce domaine. J’avais beaucoup de préjugés, je pensais que l’ingénierie c’est les voitures, le BTP, alors que ce n’est pas ça. Je bosse sur des projets sur les interactions, les installations interactives.

Concernant le dessin, depuis l'obtention de mon diplôme en juin dernier, j’ai décidé de prendre une année pour me donner à 100%, pour produire jour et nuit. Je n’avais pas autant de temps libre. Depuis le jour où je suis rentrée pour étudier, j’étais frustrée parce que je ne dessinais que le samedi après-midi, pour une heure. Du coup, maintenant je peux consacrer toute ma carrière au féminisme, aux livres avec les organisations des droits de l’Homme et au dessin.

Ph. Zainab FasikiPh. Zainab Fasiki

Votre particularité est que vous dessinez des femmes nues...

Dans le monde arabe en général, que ce soit en Afrique du nord ou au Moyen Orient, la femme est obligée de se couvrir pour qu’on ne puisse pas voir son corps, puisque c’est hchouma. Ca peut pousser les hommes à harceler les femmes dans la rue, dès qu’ils la voient déambuler. A l’étranger, ils ont des statues de femmes nues, ils ont des musées, de l’art. Ils disposent d’une liberté sexuelle indéniable. Le but de mon travail c’est de changer la vision des choses sur le corps de la femme. Ce n’est pas un objet sexuel.

Comment comptez-vous vous battre pour cette cause féministe dans les années à venir ?

Avant, le dessin était mon outil de prédilection pour cette cause. Dorénavant j’organise une résidence artistique «Women Power» où chaque mois, 20 femmes et des experts, viennent discuter, produire. On vient de finir celle du 21 janvier, le 25 février sera dédié à la caricature. Le produit qu’on va créer, c’est un guide pour arrêter le harcèlement sexuel dans l’espace public. Il sera distribué gratuitement. Les court-métrages qu’on a filmé le 21 janvier seront en ligne sur les réseaux sociaux cette semaine. On veut que les femmes aient moins peur...

Vous préparez la sortie d’une BD en mars prochain, pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est un projet à part, sur lequel je travaille depuis un an. Je le sortirai normalement le mois de mars, je n’ai pas encore prévu de date précise. Le choix du mois de mars est dû au fait que les médias parlent beaucoup de la femme. Malheureusement on peut parler de la femme durant toute l’année, mais je vais tolérer de le sortir ce mois-là. C’est une BD de 200 pages, avec des articles, des cartes, accessibles à tous les âges, que ce soit un garçon de 10 ans, ou quelqu’un de mature. Je veux que tout le monde puisse le lire et transmettre l’idée du respect des femmes. C’est pour illustrer les solutions et non la situation. C’est beaucoup de recherche, une sorte de doctorat dessiné (rires).

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